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Colosses aux pieds d’argile

Le grand dégel des Alpes

Le changement climatique contribue à déstabiliser les sommets alpins en provoquant le retrait du pergélisol : les sols gelés en permanence à haute altitude. Explications.

Le changement climatique contribue à déstabiliser les sommets alpins en provoquant le retrait du pergélisol : les sols gelés en permanence à haute altitude. Explications.

La fonte des glaciers est un peu le sapin blanc qui cache la forêt de mélèzes. Le retrait glaciaire, impressionnant, voire choquant à l’œil nu, dissimule les autres conséquences du changement climatique en altitude. Dans l’arc alpin, la hausse du thermomètre est en moyenne deux fois plus rapide qu’à la surface du globe. Et cela déstabilise même les sommets. Les sols gelés en permanence, en raison du froid qui règne là-haut, sont en plein dégel. On les nomme pergélisol, ou permafrost dans le monde anglo-saxon. Dans les Alpes, ils apparaissent vers 2 500 m en face nord et 3 000 m en versant sud. La hausse brutale de la température de l’air, qui agit directement sur celle du sol, réchauffe de nombreux pans de haute montagne. Le problème : la glace qui se trouve dans les fissures fond. Ce phénomène peut provoquer des avalanches rocheuses. Depuis plusieurs années, les éboulements de grande ampleur se multiplient ainsi dans les Alpes où le pergélisol couvre encore de larges zones, contrairement aux Pyrénées plus basses.

C’est dans les versants raides que le dégel est le plus rapide. Ces terrains abrupts sont occupés par un pergélisol pauvre en glace. « Ce permafrost se réchauffe vite, car il est en contact direct avec l’atmo­sphère. Quand on a une topographie particulièrement accidentée, le réchauffement pénètre de différents côtés donc ça accélère le réchauffement », témoigne la chercheuse Florence Magnin, qui a dirigé une étude de référence sur le retrait du pergélisol dans les Alpes françaises entre 2010 et 2022. La conclusion de ce suivi scientifique est limpide : en douze ans, le pergélisol pauvre en glace s’est réchauffé de 1 °C à 10 m de profondeur. « Il y a des chances que cela s’accélère, confie Florence Magnin. Depuis la canicule de 2015, il y a eu un tournant. Les étés caniculaires sont suffisamment chauds pour approfondir la couche active du permafrost. » Cette couche active est la partie du pergélisol proche de la surface qui dégèle en été. Si elle ne regèle pas entièrement l’hiver suivant, c’est le début de la fin.

Au pied des parois, il y a un autre type de pergélisol. Riche en glace, il disparaît moins vite. « Il faut beaucoup d’énergie pour faire fondre la glace. Les glaciers fondent vite avec le réchauffement accéléré, mais ce permafrost est protégé du soleil par des débris rocheux qui se détachent des parois et sont de plus en plus nombreux », témoigne Marcia Phillips, qui dirige les recherches sur ce sujet au sein de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (WSL), à Davos.

Les dégâts de l’eau

Les appareils de surveillance se tournent donc vers les pentes raides et le pergélisol pauvre en glace. Le 14 avril 2024, les habitants de la vallée de l’Engadine, dans les Grisons, ont été témoins de l’immense éboulement du piz Scerscen. Le 23 août 2017, la terrible avalanche du piz Cengalo a englouti le village de Bondo (GR). Les sommets alpins vont-ils s’effondrer les uns après les autres ? « Sur tous les terrains à permafrost, les sols vont se dégrader, c’est certain. Mais tout ne va pas s’écrouler », rassure Florence Magnin. « La glace ne peut pas retenir des masses de roches énormes », plussoie Marcia Phillips. Elle pointe cependant un autre danger provoqué par le grand dégel : « Les plus gros éboulements sont provoqués par les fissures qui s’ouvrent avec le retrait de la glace et laissent entrer l’eau de pluie ou de fonte. Celle-ci réchauffe rapidement les masses rocheuses en profondeur et y provoque des pressions élevées. Ce qui déclenche des effondrements massifs. »

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On tient à remercier...

La Revue Salamandre remercie chaleureusement Cédric Schnyder, géologue et collaborateur scientifique au Musée d’histoire naturelle de Genève pour les précieuses informations apportées à l’ensemble du dossier Colosses aux pieds d'argile.

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Colosses aux pieds d’argile

Couverture de La Salamandre n°285

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 285  Décembre 2024 - Janvier 2025, article initialement paru sous le titre "Le grand dégel"
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