Le retour de la nature dans les précieux marais du Haut-Doubs
Aux portes de Pontarlier et à deux pas de la Suisse s’étend un paradis de tourbières, prairies humides et marais. Son artère principale, la rivière Drugeon, miroite de papillons, de fleurs et d’oiseaux.
Aux portes de Pontarlier et à deux pas de la Suisse s’étend un paradis de tourbières, prairies humides et marais. Son artère principale, la rivière Drugeon, miroite de papillons, de fleurs et d’oiseaux.
Bouleaux, frênes et épicéas ponctuent l’océan de verdure qu’est le bassin du Drugeon. Les clochers comtois aussi. On a beau être à 850 m d’altitude, au cœur du massif jurassien, une vaste plaine s’ouvre ici d’est en ouest, bordée de larges massifs forestiers. De renommée internationale, ce sanctuaire fait l’objet de nombreuses opérations de renaturation depuis une vingtaine d’années. Et visiblement, les résultats sont là.
Retracer des courbes
Tout commence en 1997. Certains habitants ouvrent de grands yeux lorsque les pelleteuses mordent dans les berges de leur rivière. Une opération écologique à coups de bulldozers, il y a de quoi être supris en effet ! « L’idée est pourtant louable, précise Camille Barbaz du Syndicat mixte Haut-Doubs Haute-Loue, il s’agissait ni plus ni moins de réparer certaines erreurs du passé. » Quand les anciens ont décidé d’effacer les lacets sinueux de cet affluent du Doubs, leur ambition était de gagner des terres agricoles et de faire reculer les zones marécageuses. Ici comme ailleurs, les années 1960 ont été sombres pour les milieux naturels. Rectifiée et endiguée, la rivière sauvage s’est réduite par endroits à un simple canal longiligne.
Ses eaux se sont appauvries, puis écrevisses et truites ont fini par perdre pied. Alentour, nombre de marais et de prairies fleuries se sont transformés en banales pâtures. « L’une des conséquences de ces aménagements a été la perte nette de 10 km de rivière », selon la biologiste de la conservation.
Un lézard vivipare prend le soleil sur une vieille souche de saule arrachée du sol. Une trace encore visible des premiers travaux de restauration il y a vingt ans. Pour l’œil familier du lieu, le paysage a clairement changé en bien. Un fuligule morillon disparaît dans un virage, tout un symbole quand on sait que le cours d’eau filait tout droit ici, il y a peu. La rivière a désormais retrouvé 7,2 km de linéaire et 70 % de son tracé a été amélioré. « La dynamique continue, nous nous tournons cette fois vers les plus petits affluents et nous souhaitons redonner vie au moindre bief. Nous allons même gommer une digue de 300 m ! », se réjouit Camille Barbaz.
La biodiversité dit oui
Un cri de courlis retentit au loin. Des myriades d’éphémères régalent un groupe de faucons hobereaux au-dessus du marais du Varot. Et la faune et la flore dans tout ça ? « Nous avons dû batailler pour faire financer des suivis scientifiques afin d’évaluer les effets de tous ces travaux », se souvient la chargée de mission zones humides. Finalement, loupes, jumelles et appareils de mesure en tout genre commencent à livrer de réjouissantes nouvelles. La qualité biologique globale du cours d’eau a progressé de 1,6 point sur 20. Dans le même temps, la biomasse de poissons a augmenté d’un facteur 1,7. En d’autres termes, les insectes aquatiques et la truite fario ont directement profité des actions de sauvegarde de la rivière. Logique ? Encore fallait-il le démontrer.
Camille Barbaz est lucide : « La flore réagit vite et positivement sur les milieux recréés. Pour la faune à grand territoire, dépendante du contexte au-delà du Drugeon, c’est plus complexe. » Mais la leucorrhine à gros thorax, une libellule patrimoniale, répond à l’invitation. « Elle colonise très vite les nouveaux habitats, il y en a partout ! », se réjouit la naturaliste. Pour le fadet des tourbières, un papillon très rare, l’importance régionale du Drugeon se voit probablement renforcée. Courlis, vanneaux, bécassines et autres râles des genêts retrouvent quant à eux un habitat plus vaste et de meilleure qualité, mais le déclin de ces oiseaux des marais est difficile à enrayer tant il est lié à d’autres dangers globaux.
Au-delà de ces bonnes nouvelles biologiques, la renaturation du Drugeon répond à divers enjeux : le reméandrement du cours d’eau a entraîné une grande résilience aux sécheresses de 2018 et 2019 et la restauration des tourbières associées favorise le stockage de carbone. Ces constats indéniables justifient mille fois les vingt ans de soins dont ce petit affluent du Doubs a bénéficié et dont il continue de profiter.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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