© Corinne Wutrich

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Le tichodrome, l’oiseau papillon

Les coulisses du tournage du film L’oiseau papillon

Pendant trois ans et demi, Frank Neveu a vécu à la verticale avec les tichodromes pour réaliser un film que La Salamandre est fière de vous proposer. Extraits de son carnet de terrain.

Pendant trois ans et demi, Frank Neveu a vécu à la verticale avec les tichodromes pour réaliser un film que La Salamandre est fière de vous proposer. Extraits de son carnet de terrain.

Frank Neveu / © Corinne Wutrich

12 mars 2010 « (...) A 9h10, je suis opérationnel. Les premiers rayons du soleil passent juste au-dessus de la crête, la température gagne plus de 20°C en l'espace d'une demi-heure. Je profite du moindre photon sur mon visage. Quel bonheur après ces longs mois d'affûts sombres et glaciaux.
La falaise de poudingue profite aussi des rayons du soleil en libérant des pierres qui tombent tout autour de moi avec des « ploc » mats. Certains « ploc » plus gros que d'autres me font rentrer la tête dans les épaules. Je frémis à l'idée qu'une grosse pierre tombe sur l'énorme téléobjectif que mon ami Jean m'a prêté. Je l'ai emmailloté dans plusieurs couches de Néoprène découpé sur mesure dans une combinaison de plongée usagée.
A 9h30, le tichodrome se pose juste à ma hauteur, à moins de dix mètres. Il explore de son long bec le moindre interstice de plus de 3 cm de profondeur et en sort quasiment systématiquement un insecte, souvent une araignée ou un papillon. Il s'arrête de chasser très fréquemment, parfois à quelques mètres de moi. Il me regarde alors attentivement, se toilette et en profite pour frotter longuement son bec sur une pierre comme un boucher qui aiguiserait son couteau. Un coup à droite, un coup à gauche. La caméra chauffe. (...) »

10 avril 2011 « (...) Six tichodromes observés depuis ce matin. Cette période de prospection m'oblige à faire un grand nombre de kilomètres en voiture en très peu de temps. Le reste du temps, je m'organise pour covoiturer, pour prendre le train ou le VTT, mais la prospection nécessite d'être partout au même moment sur trois départements. J'aimerais filmer les transports de matériaux dans de bonnes conditions et cela ne dure qu'une petite semaine. Il faut que je sache précisément quand ça commence. »

Le mâle tichodrome nourrit la femelle jusqu'à l'éclosion. / © Christophe Sidamon-Pesson

9 juin 2011 «Les tichodromes que je vais visiter aujourd'hui ne se lèvent qu'à 6h20 et la lumière pour les prises de vue avant 7h n'est pas optimale. Donc ce matin, grasse matinée au camp de base : réveil à 5h30, j'avale vite une tartine, il fait encore sombre et frais. Montée rapide et facile. Le sac semble léger malgré ses 30 kg.
7h. Au pied de la falaise, belle activité du mâle qui nourrit la femelle. (...)
14h45. La femelle sort du nid avec une demi-coquille dans le bec. Même pas le temps de dire ouf, alors mettre en marche la caméra, n'en parlons pas ! Elle reviendra au nid dix minutes après, le bec vide cette fois. Je sais que cela marque précisément la fin des offrandes, avec une légère amertume, car je n'ai pas eu ce que je voulais dans les meilleures lumières, mais je suis rassuré: les œufs sont viables.
20h. Je cache mon matériel de tournage sous une pierre, la pluie menace. Demain, la météo est annoncée mitigée, on verra.
21h30. Repas : purée, thon, compote. Préparation rapide du sac du lendemain, mise en charge des batteries et du téléphone, consultation météo.
22h. Je suis couché, j'écris le compte-rendu de la journée. Fatigue. Trois réveils dans la nuit pour charger les packs d'accus rechargeables.

15 juin 2012 3h30 du matin. Il m'a fallu une bonne dizaine de secondes pour réaliser ce que je fais là au bord du vide. J'ai dormi dans une grotte qui me sert de camp de base, au beau milieu d'une falaise. J'arrête le réveil. Le thé chaud n'est pas un luxe ! Quelques minutes plus tard, me voilà suspendu dans le vide au bout d'une corde dans une nuit d'encre avec la rumeur d'un torrent 200 mètres plus bas à la verticale. Rester concentré, c'est juste une question de survie ! J'arrive à la petite vire que je dois longer sur 20 mètres en évitant de déstabiliser des pierres, car, dans un petit moment, je serai juste au-dessous pour le reste de la journée.
Une demi-heure plus tard, j'arrive à ma résidence secondaire : 1 m2, vue imprenable sur un nid de tichodrome 6 mètres devant moi, les pieds dans le vide, sanitaires à l'étage. Je vérifie les 4 Spits qui maintiennent ma plateforme suspendue à la falaise depuis 4 mois et je me coule à l'intérieur de l'affût. Je suis en place pour 17 heures 30 d'attente, c'est minuté. (...)

1 juillet 2012 (...) Les conditions de vol idéales sont réunies à 8h30, par vent de sud. Lorsque le mâle arrive à dix mètres du nid, il se positionne face au vent et descend doucement en vol plané tout en tournant sur lui-même à droite et à gauche. Il ne donne pas l'impression de lutter contre un élément, mais véritablement d'en jouer tout en observant son environnement. Quel spectacle !
Il devient envisageable de le filmer en plein vol de profil en assez gros plan. Chose que je n’ai pas encore réussi à faire correctement en trois années de suivis d'une trentaine d'individus.
Conserver net dans le viseur cet oiseau au vol de papillon virevoltant sans arrêt est un vrai défi. (...) Il me reste dix jours pour réussir avant l'émancipation des jeunes. J'y mets toute ma sensibilité. J'espère que ce carnet d'émotions qu'est ma caméra aboutira à quelque chose. En tout cas, j'y crois ! (...)

Découvrez une journée dans le tournage du film.

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Le tichodrome, l’oiseau papillon

Couverture de La Salamandre n°217

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 217  Août - Septembre 2013, article initialement paru sous le titre "Les coulisses du tournage"
Catégorie

Coulisses

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