Les secrets des papillons de nuit
Découvrez-en plus sur les papillons : leurs techniques de survie, leurs antennes qui ont du nez, et comment ils crient dans la nuit.
Découvrez-en plus sur les papillons : leurs techniques de survie, leurs antennes qui ont du nez, et comment ils crient dans la nuit.
Tous ensemble!
Dans les livres, c’est comme si nous avions affaire à deux univers différents. D’un côté les papillons dits de jour, notamment caractérisés par des antennes terminées en massue, de l’autre les papillons dits nocturnes, qui présentent une bien plus grande diversité mais sont aussi beaucoup moins bien connus.
En réalité, nombre de papillons prétendument de nuit sont actifs le soir, comme le morosphinx, ou même en plein jour, comme les zygènes. Et surtout, dans l’arbre de l’évolution redessiné par la biologie moléculaire, on trouve des papillons « de nuit » au milieu du groupe des papillons dits diurnes. Patatras ! La preuve est aujourd’hui faite que cette séparation de convenance est totalement artificielle. Après tout, de jour ou de nuit, les uns comme les autres sont tout simplement des papillons, miracles ailés issus d’une chenille métamorphosée dans une chrysalide.
Couleurs anti-oiseaux
Si l’écrasante majorité des papillons – près de 95 % – vole de nuit, c’est pour échapper aux pires insectivores : les oiseaux. Mais comment ne pas finir empalé par une mésange quand on attend le crépuscule ?
Première réponse du papillon, de loin la plus exploitée : se fondre dans le paysage et ne plus bouger. Phalènes et noctuelles sont pratiquement invisibles sur des écorces. Au repos, le bucéphale mime à la perfection un rameau brisé. Quant au biston du bouleau, papillon autrefois clair, il est devenu presque noir avec la révolution industrielle, suivant de près le changement de couleur de son écorce fétiche.
Deuxième solution : se gaver, quand on est encore chenille, de substances toxiques produites par les plantes et mettre clairement en garde l’agresseur avec des teintes à base de noir, de rouge et de jaune.
Enfin, quelques papillons combinent robe discrète sur leurs ailes antérieures et teintes vives, parfois en forme d’ocelles, sur leurs ailes postérieures. Lorsque la lichénée ou le sphinx demi-paon sont dérangés, ils découvrent vite leurs motifs colorés et profitent de l’effet de surprise pour s’éclipser.
Protéger la nuit noire
En France, les entomologistes qui ont recommencé à piéger des papillons à partir de 1945, après six ans de couvre-feu, firent des chasses nocturnes exceptionnelles à la périphérie des villes. Quelques années plus tard, cette diversité avait en grande partie disparu. Ainsi fut prouvé pour la première fois, à large échelle, l’effet destructeur des éclairages artificiels sur les insectes.
Mais pourquoi cette irrésistible attirance ? Pourquoi les bombyx ou les noctuelles négligent-ils de se nourrir ou de se reproduire pour tourner autour des lampadaires jusqu’à mourir épuisés, brûlés vifs ou gobés par un prédateur ? Normalement, pour un papillon nocturne, une lumière naturelle forcément lointaine – la lune, une étoile – est un point de repère très utile. Pour avancer en ligne droite, il maintient un angle constant entre la source lumineuse et son axe de vol. Mais avec une lumière proche, cela ne marche plus. L’insecte suit une spirale qui le conduit à une mort certaine.
Hélas pour tous ses semblables, l’éclairage public fait rage. Des millions de pièges lumineux s’allument partout au crépuscule. Sur le Plateau suisse, la superficie des zones densément illuminées a doublé en dix ans. La régression de la nuit noire, suivie au moyen de photos satellite, s’accélère partout en Europe, faisant disparaître beaucoup d’insectes et aussi les étoiles, noyées dans une soupe lumineuse. Voilà qui perturbe le système de navigation des oiseaux migrateurs, décale les cycles de la végétation et va jusqu’à déranger notre sommeil. Car l’alternance naturelle des jours et des nuits est nécessaire à la vie de tous, homme compris.
Que faire ? Le remplacement des vieux lampadaires à lumière blanche riche en UV par des lampes orange au sodium est déjà une bonne chose. Mais surtout, rien ne sert d’illuminer le cosmos. Les éclairages doivent être repensés, pour n’avoir d’effet que là où cela est nécessaire. Des recommandations ont été formulées qui commencent à faire école. Un défi doublement motivant, puisqu’en protégeant la nuit nous limiterons également notre gaspillage énergétique.
Plus d’infos et conseils sur un site suisse et français.
Sons anti-chauves-souris
Longtemps, les papillons nocturnes ont volé tranquilles dans la nuit. Et puis, il y a environ 50 millions d’années, sont apparues les chauves-souris, capables de localiser très précisément leurs proies en émettant des ultrasons. Beaucoup de papillons ont alors développé à la base de leurs ailes ou sur leur abdomen des tympans, leur permettant de détecter les cliquetis caractéristiques de leurs prédateurs. Un écho lointain les fait changer soudainement de direction. En cas de menace plus proche, le papillon se laisse tomber en vrille, jusqu’au sol s’il le faut. Les écailles, belles espèces souvent très colorées, parviennent à produire, elles aussi, des sons ultra-aigus. Peut-être pour troubler la perception sonore des chauves-souris. Plus probablement pour avertir ces dernières de leur toxicité. Eh oui ! au-dessus de nos têtes, il y a des papillons qui crient dans la nuit…
Toutes antennes dehors
L’odorat est certainement le sens majeur des papillons de nuit, tout comme pour nous la vue. Leurs antennes plumeuses, pectinées ou ramifiées, sont recouvertes de plusieurs dizaines de milliers de récepteurs chimiques ultrasensibles.
Les nombreuses plantes qui recherchent leur visite sentent bon loin à la ronde. Le nectar, abondant, suinte souvent au fond d’éperons et de gorges faciles d’accès pour la trompe de ces insectes. Quant à la couleur des pétales, elle sera blanche, rosâtre ou jaune clair, insignifiante en plein jour, ultravisible au crépuscule.
Les antennes hypertrophiées de certains papillons mâles font de véritables miracles. Le bombyx du chêne par exemple, cousin du célèbre ver à soie, détecte la présence d’une femelle à cinq kilomètres. Volant contre le vent, il remontera sa trace ténue en resserrant de plus en plus ses zigzags, pour choisir la direction à prendre en fonction des quelques molécules olfactives qui atteignent ses antennes. S’il en perd une seule, il ne peut arriver au but. De même, une femelle maintenue sous une cloche de verre n’attirera aucun prétendant. Le parfum de la nuit est riche de mille composants qui nous échappent.
Changement de vie
En amont de chaque papillon, ne l’oublions pas, il y a une chenille. Celle-ci est accaparée par une tâche unique : manger, manger et manger sans cesse pour grossir d’environ mille fois en quelques semaines. Sans ailes et par conséquent peu mobile, à moins qu’elle ne se laisse dériver pendue à un fil de soie, la chenille est vulnérable. Elle s’en sort, comme les papillons adultes, en se camouflant ou en affichant en couleur son éventuelle toxicité.
La croissance spectaculaire du futur papillon prend fin quand la chenille devient chrysalide. Apparemment inerte, cet étui de peau parfois enveloppé de soie est le siège d’une incroyable métamorphose pilotée par hormones. Des îlots de cellules adultes, en léthargie depuis la naissance de la chenille, sont activés. Ils se multiplient et recomposent le papillon en digérant les tissus larvaires.
Les pattes du thorax s’affinent, celles de l’abdomen disparaissent. Les mandibules broyeuses se transforment en une trompe plus ou moins allongée. Les ailes apparaissent, ainsi que les organes sexuels. Enfin, toute la musculature est profondément remaniée. Presque rien dans l’allure discrète ou spectaculaire de la chenille ne nous annonce l’aspect final du papillon parfait. Celui-ci ne grandira plus. Toute son énergie sera mise dans la recherche des femelles ou dans la production et la ponte des œufs.
Pour aller plus loin...
> Le livre.
Papillons, P. Sterry et A. Mackay, éd. Larousse, (coll. Nature en poche), 224 p. Un guide de terrain qui présente les plus fréquents papillons de jour... et pour une fois de nuit !
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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