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Héron malgré lui

Migration ou pas ? L’hiver du héron cendré

Quelques hérons solitaires se rapprochent les uns des autres en hiver, d'autres choisissent de migrer.

Quelques hérons solitaires se rapprochent les uns des autres en hiver, d'autres choisissent de migrer.

Les petits hérons ont grandi, ils ont quitté le nid. C’était à la mi-juin. Personne ne les a revus depuis. Désœuvrés, les grands oiseaux sont partis à leur tour, laissant le champ libre aux écureuils, aux passereaux et aux charognards. Puis les feuilles ont commencé à tomber, et le silence s’est abattu sur la colonie.

Pêche rapprochée

Notre héron est à nouveau célibataire. De son poste d’affût, il peut voir au loin le frêne maculé de fientes où il a vécu en famille. Il n’y retournera plus cette année. Il passe désormais sa journée dans le marais, et se perche dans un saule à la tombée de la nuit. D’autres hérons le rejoignent, qu’il ignore superbement.

Depuis quelques jours pourtant, une certaine connivence règne dans le groupe. Les oiseaux se suivent dès l’aube et pêchent toujours dans les mêmes coins, à quelques mètres l’un de l’autre. Est-ce le froid soudain qui les rapproche ?

Les hérons, compagnons d’infortune gel roseau
Roseaux givrés / © Adeline Gressin

Prises trop rares

Le mercure a chuté. Un vent glacial décoiffe les roseaux emprisonnés dans un étau de glace. Désemparé, le héron observe les vairons qui nagent hors de portée. La faim qui le tenaille le conduit vers une loupe d’eau libre au milieu de l’étang. Ses compagnons d’infortune y sont déjà, voûtés dos à la bise. Cela ne peut plus durer. Mieux vaudrait partir…

Fidèle à son poste

En Suisse, les hérons hivernants venus du Nord ou de l’Est sont plutôt rares. Il y a donc de fortes chances que celui qui chasse dans la prairie d’à côté soit un sédentaire endurci. D’ailleurs, encouragés par la douceur des derniers hivers, les hérons helvétiques sont toujours moins nombreux à migrer.

Rester est pourtant un choix risqué, car ces échassiers demeurent extrêmement vulnérables face aux chutes de température. Incapables de s’alimenter dans les eaux gelées, ils s’affaiblissent puis meurent si le froid perdure. Après l’hiver rigoureux de 85-86, la population nicheuse du lac de Constance, près de la frontière autrichienne, a chuté de 25 %. Elle s’est heureusement reconstituée grâce aux hivers doux qui ont suivi.

Les hérons, compagnons d’infortune dessin vol v formation groupe
En route pour l'Afrique / © Jean Chevallier

Jusqu’en Afrique

A l’approche de l’hiver, les hérons cendrés partent souvent en voyage. Leurs comportements migratoires sont toutefois plus difficiles à cerner que ceux de l’hirondelle ou du coucou. Les individus d’une même colonie, voire d’un même nid, se dispersent en effet tous azimuts : certains parcourent des centaines de kilomètres quand d’autres restent dans les environs immédiats.

Les hérons, compagnons d’infortune grenouille boeuf musqué afrique
Pêcher la grenouille en Europe ou en Afrique, quelle différence ? / © J.J. Alcalay & B. Marcon/Biosphoto/Sutter

C’est à partir du mois d’août que s’amorcent leurs premiers vols en direction du sud-ouest. On peut les voir pendant la journée qui se déplacent haut, en formation serrée. Les ornithologues en poste sur les cols alpins les repèrent aussi de nuit à leurs cris.

Des chercheurs français ont estimé que les hérons s’éloignent en moyenne de 360 km de leur colonie de reproduction. Trois quarts d’entre eux ne franchissent pas les frontières du pays. Les hérons s’arrêtent le plus souvent le long des côtes méditerranéennes ou atlantiques. Ils y sont rejoints par plusieurs milliers d’individus issus de Scandinavie ou d’Europe de l’Est. Certains poursuivent leur voyage jusqu’en Afrique de l’Ouest tandis que d’autres, déportés par les vents, atterrissent aux Antilles ou au Brésil, pour autant qu’ils aient échappé à la noyade.

Apprendre à reconnaître les oiseaux migrateurs de passage et savoir où et quand les observer, avec le Miniguide n°29 de La Salamandre : Oiseaux migrateurs.

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Couverture de La Salamandre n°184

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 184  Février - Mars 2008, article initialement paru sous le titre "Compagnons d’infortune"
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