Magicienne dentelée, une sauterelle qui se reproduit sans mâle

Camouflage géant, pattes épineuses, absence de mâles… Comment la magicienne dentelée se reproduit-elle ?

Auteur

Nathan Horrenberger

Publié le 1 février 2023 Mis à jour le 16 juillet 2024

3 min de lecture

Camouflage géant, pattes épineuses, absence de mâles… Comment la magicienne dentelée se reproduit-elle ?

Sept centimètres de long sans compter ni antennes, ni organe de ponte en forme de sabre, c’est l’un des plus grands insectes d’Europe. La magicienne dentelée ne devrait donc pas passer inaperçue. Pourtant, c’est une discrète ! Cette reine du camouflage s’active surtout la nuit, c’est pourquoi on l’a longtemps crue rarissime (> Insaisissable ?). De ce fait, l’atypique sauterelle est protégée sur tout le continent, un privilège accordé à bien peu d’invertébrés. Chez nous, son royaume se limite aux garrigues du Sud-Est de la France et à certaines prairies ensoleillées du Valais et des Grisons.

Localement surnommée langouste de Provence, elle est dépourvue d’ailes et se déplace un peu maladroitement. Peu importe, elle surprend ses proies à l’affût ou dans leur sommeil. Ses pattes ravisseuses démesurées, armées de deux rangées d’épines, ne laissent guère de chance aux criquets, sauterelles et autres grillons. Après les avoir capturés à la manière d’une mante religieuse, elle les découpe avec ses puissantes mandibules. Tout comme sa pieuse cousine, elle peut être cannibale, mais ce n’est pas le mâle qu’elle dévore. Et pour cause, il n’y en a pas ! Comment ça ? Eh bien, disons que le tube de Jean-Jacques Goldman « Elle a fait un bébé toute seule » pourrait rendre hommage à cet être surprenant. Car les entomologistes ont eu beau chercher, ils n’ont jamais trouvé d’individu mâle appartenant à l’espèce Saga pedo. Enfin jamais... ou presque ! Un magicien a tout de même été découvert en juillet 2005 dans les Alpes suisses, il fallait bien une exception pour confirmer la règle ! Mais cet individu questionne, car c’est le seul mâle avéré sur des milliers d’observations de l’Espagne à la Russie. Alors, par quel tour de magie cette sauterelle assure-t-elle sa descendance ? Comme certains vers, poissons, reptiles et même quelques oiseaux, elle se multiplie par parthénogenèse. Un mot compliqué pour dire que sa reproduction est indépendante de toute sexualité. Ses œufs ne sont pas fécondés et ne donnent naissance qu’à des femelles. Une sorte de clonage à la chaîne qui semble simplifier les choses. Mais, sans brassage génétique, cette fabuleuse bestiole sera-t-elle en mesure de s’adapter aux bouleversements actuels ?

Impressionnante

Pour se défendre, Saga pedo adopte une posture d’intimidation : levant et écartant ses deux pattes avant, elle les agite comme un magicien balancerait ses bras pour jeter un sort. C’est ce qui lui aurait valu son nom !

Insaisissable ?

Limitée aux régions les plus chaudes de nos pays, cette grande sauterelle peut être localement abondante. En Provence, un couple de faucons crécerellettes a amené au nid pas moins de 10 magiciennes sur 16 proies en 3 h 30. L’insecte est aussi fréquent dans les pelotes de réjection des rapaces nocturnes.

Véritable alien

Connaissez-vous l’empuse commune ? Cette autre curiosité semble tout droit sortie d’un film de science-fiction. Proche des mantes, elle peuple les pelouses sèches du Sud de la France. La larve, appelée diablotin, a une silhouette caractéristique avec son abdomen relevé. Le mâle adulte est reconnaissable à ses antennes en forme de peigne, tandis qu’elles sont filiformes et courtes chez la femelle. Pour le célèbre entomologiste Jean-Henri Fabre : « Le monde des insectes n’a pas, dans nos pays, de créature plus bizarre. »