1001 mares pour espoir
Mobilisation générale pour creuser un millier d'étangs sur le Plateau suisse. Le point sur un projet de la dernière chance pour sauver plusieurs amphibiens.
Mobilisation générale pour creuser un millier d'étangs sur le Plateau suisse. Le point sur un projet de la dernière chance pour sauver plusieurs amphibiens.
Ursina Tobler
Docteur en biologie, responsable du projet «1001 étangs» au Centre de coordination pour la protection des amphibiens et des reptiles de Suisse (KARCH).
ursina.tobler@unine.ch
Pourquoi le Centre de coordination pour la protection des amphibiens et des reptiles de Suisse (KARCH) a-t-il lancé le projet « 1001 étangs » ?
Le but de cette initiative nationale est de stopper le déclin des amphibiens les plus en danger, ceux qui dépendent des plans d’eau s’asséchant périodiquement. Entre 1985 et 2005, le triton crêté et le crêté italien, la rainette italienne et la rainette verte, le sonneur à ventre jaune et le crapaud calamite ont perdu près de 60 % de leurs effectifs nationaux. La diminution est d'environ 50 % pour les populations de triton lobé et de crapaud accoucheur.
Quelles sont les raisons de cet effondrement ?
Essentiellement la quasi-disparition des zones humides dans notre paysage. Les plaines alluviales ont été drainées, les rivières canalisées et les tourbières exploitées. Des estimations évaluent à environ 90 % la disparition de ces milieux humides au cours des derniers 150 ans.
Votre slogan paraît un peu contradictoire : « Un bon site de reproduction pour les amphibiens est un plan d'eau qui s'assèche ».
C'est une réalité! La faible profondeur des flaques temporaires leur permet de se réchauffer rapidement au printemps, ce qui est positif pour le développement de tous les amphibiens. De plus, leur assèchement estival empêche la colonisation de poissons et de larves de libellules, prédateurs des œufs et des têtards.
Mais qu'est-ce qui se passe lors d'un printemps sec ?
Certaines années, des étangs peuvent s'assécher avant la métamorphose des têtards. Mais c'est la nature… Vouloir agrandir ces plans d'eau est une erreur : les prédateurs seraient favorisés, ce qui est plus problématique qu'une année sèche.
Les étangs permanents ne vous intéressent donc pas ?
Pas dans le cadre de ce projet. Les étangs « classiques » favorisent plutôt des espèces qui ne sont pas menacées de disparition comme le triton alpestre, le crapaud commun ou la grenouille rousse.
Ces biotopes seront réalisés sur tout le Plateau suisse ?
Oui, nous prévoyons d'ici à la fin de 2021 la mise en place d'un millier de mares entre le lac de Constance et le Léman. Le programme est financé par l'Office fédéral de l'environnement, des fondations, des associations ou des privés. Le KARCH prend en charge la gestion scientifique et technique du projet. Nous sommes en train de planifier les 300 premières réalisations. A ce jour, 41 nouvelles mares ont d'ores et déjà été creusées.
Comment rend-on une mare temporaire ?
Pas facile ! L'idéal est de sélectionner des lieux où la nappe fluctue naturellement. Mais souvent, soit celle-ci est protégée pour garantir que l'eau reste potable, soit son niveau est trop bas. On peut aussi creuser une cuvette dans des sols riches en argiles, où l'eau stagne naturellement au printemps.
Dans certains cas, on pose une bâche imperméable et on règle le niveau d'eau à l'aide d'un système de vidange ou par une écluse. Cette méthode plus coûteuse nous permet d'assécher complètement la flaque en hiver pour imiter artificiellement ce qui devrait se passer naturellement.
Et il est important de relier ces mares…
Actuellement, lorsqu'une espèce est éteinte localement, il est presque impossible d'avoir une recolonisation naturelle. La mise en réseau des plans d'eau est donc essentielle.
Que faire pour participer au sauvetage de ces espèces menacées?
Nous comptons sur la collaboration des communes, des forestiers, des paysans et aussi des privés. Un peu de bonne volonté suffit parfois. Pour le sonneur à ventre jaune, une mare de deux mètres de diamètre est suffisante. Si vous n'habitez pas près d'une route à forte circulation et que vous avez des propositions d'aménagements, contactez-nous !
Le Val-de-Ruz donne l'exemple
Tout près de Neuchâtel, l'Association pour la sauvegarde du Seyon et de ses affluents APSSA collabore au projet national « 1001 étangs ». Pour fêter ses 25 ans d'existence, l'APSSA veut créer un réseau de 25 plans d'eau favorables au crapaud accoucheur dans le Val-de-Ruz. Les membres de cette association très dynamique sont résolus à stopper le déclin de cet amphibien menacé.
Un étang test de 190 m2 et des structures terrestres ont été aménagés en 2013 dans la réserve Pro Natura de la Paulière, sur un ancien remblai de gravats et blocs de béton.
Cet ouvrage muni d'un système de vidange a été réalisé grâce à la collaboration de Pro Natura, du projet « 1001 étangs » et du Service de la faune, des forêts et de la nature du Canton de Neuchâtel.
Cette première expérience devrait être suivie par la naissance de 24 autres mares temporaires. Les naturalistes de l'association comptent investir dans l'ensemble de ces réalisations plus de 1'000 heures de bénévolat. Un bel engagement.
Pour aller plus loin
- La page dédiée au projet « 1001 étangs » sur le site du Karch
- Miniguide n°1 Reconnaître les amphibiens
- Miniguide n°64 Corridors biologiques
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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