10 molécules d’odeurs décryptées
Anisé, mentholé, citronné ? La chimie véhicule les odeurs, les construit et les déconstruit. Voyage au pays du limonène, du benzaldéhyde et de la coumarine.
Anisé, mentholé, citronné ? La chimie véhicule les odeurs, les construit et les déconstruit. Voyage au pays du limonène, du benzaldéhyde et de la coumarine.
Ouzo et Anisette
Les boissons anisées doivent leur goût caractéristique soit à l’anis vert, soit à l’anis étoilé, deux plantes sans lien de parenté sinon leur nom. Leur point commun ? L’arôme de l’anéthol. Composants que l’on détecte aussi dans le fenouil, l’estragon et le basilic. Son odeur s’exprime également chez de nombreuses ombellifères sauvages. Cette substance au goût sucré trouble l’eau mélangée aux liqueurs anisées. Elle forme alors une émulsion qui donne au liquide son aspect laiteux.
Fraîcheur de vivre
Les gommes parfumées « arôme chlorophylle » ont en fait une odeur… de menthe. Ce parfum provient en grande part du menthol, un terpène aux propriétés désinfectantes et anti-inflammatoires. L’impression de fraîcheur provoquée par cette substance résulte de son action sur les récepteurs du froid. Il agit aussi sur des récepteurs opiacés qui limitent la douleur. Le menthol forme l’arôme principal de la menthe poivrée. Il est plus ou moins présent chez les différentes espèces de menthes. On en rencontre aussi en plus faible quantité dans d’autres plantes de la même famille (sarriette, calament, basilic…), ainsi que dans le géranium rosé, l’estragon ou encore le genévrier et le tournesol.
L’oxydation du menthol donne une cétone, la menthone. Elle dégage une odeur de menthe puissante mais a un effet rafraîchissant plus faible. Les huiles essentielles de menthe et de géranium en contiennent. Elle domine le plus souvent le menthol dans la menthe crépue et celle des champs.
Jardin des Hespérides
Les agrumes proposent des arômes frais que les parfumeurs qualifient d’hespéridés. La signature de ces odeurs est liée à deux groupes de substances.
Le citral, un aldéhyde, mélange deux variantes. Le géranial, à très forte odeur de citron, et le néral, plus doux.
Celui-ci donne une note fraîche, pétillante, verte, citronnée et herbacée. Il domine dans les huiles essentielles de verveine odorante, de mélisse.
Le limonène, présent dans les écorces d’agrumes est un hydrocarbure du groupe des terpènes. Il existe aussi sous deux formes. Le D-limonène a une odeur d’orange qui caractérise l’huile essentielle d’orange amère, celle de carvi, d’aneth, de coriandre, d’orange et de citron. Le S-limonène sent la térébenthine qui résonne dans la menthe et le sapin. Un mélange des deux formes parfume la résine de pin, le camphre et la muscade. En frottant des jeunes pousses de résineux, on retrouve d’ailleurs souvent une note d’agrumes.
Œillet et cannelle
Quel point commun entre l’odeur du cabinet dentaire et l’œillet des fleuristes ? Le clou de girofle ! Plus précisément l’odeur de clou de girofle, qui vient d’un composé phénolique, l’eugénol. Ses propriétés antiseptiques et antidouleur en font un allié des arracheurs de dents. Mais détendez-vous : ce parfum associé au bruit de la fraise du dentiste est aussi un arôme chaud, épicé, qui accompagne avantageusement bien des plats. Il apporte son éclat à la muscade, à la cannelle, à l’origan, au poivre, au basilic ou encore au laurier-sauce. En dehors des œillets, plusieurs parfums de fleurs contiennent de l’eugénol. Par exemple certaines roses et certains pétunias, le trèfle des prés et la jacinthe.
Joyeux noyaux
Doux arôme d’amande que celui du benzaldéhyde ! Mais gare au poison : le cyanure n’est pas loin. Tous deux naissent, en même temps, de la dégradation d’un sucre complexe, l’amygdaline. Cette substance et ses produits odorants se nichent dans les amandes ainsi que dans les noyaux d’abricot et de cerise, les fleurs de cerisier à grappes et celles de la clématite flammette ou de la clématite des bois.
Fenaison
Couché dans le foin au parfum chaud et pénétrant, l’eau nous vient à la bouche. On en mangerait ! Cet arôme, c’est celui de la coumarine, une lactone à l’odeur douce, rappelant les amandes, la vanille et la noix de coco. On la trouve dans notre alimentation, bien qu’elle soit interdite comme additif. Elle parfume fève tonka, cannelle de Chine, aspérule odorante et miel de lavande. Dans le foin, c’est la flouve odorante qui assure l’ambiance. Enfin, l’hierochloé odorante, encore appelée « herbe aux bisons », fournit leur dose de coumarine à certaines vodkas.
Fond animal
Les muscs sont omniprésents dans les parfums, qu’ils agrémentent d’une note sensuelle. Ce sont des molécules massives, qui persistent longtemps et retiennent avec elles les autres odeurs. Elles ont fait l’objet d’un usage intensif au XVIIe siècle. Il paraît que l’impératrice Joséphine de Beauharnais en usait et abusait. Vingt ans après sa mort, sa chambre de Malmaison en était encore imprégnée.
Certaines plantes savent prendre des accents musqués : les exotiques arbre musc, hibiscus ambrette et mimulus musqué, mais aussi, plus près de nous, l’angélique, la mauve musquée ou l’adoxe moscatelline. Le musc provenait autrefois d’extraits animaux : glandes de castor, de civette, de rat musqué ou d’antilope porte-musc. La disparition presque totale de leur usage au cours du XXe siècle évite bien des souffrances. Aujourd’hui, l’essentiel des substances utilisées est issu de la chimie, une moindre partie provient de végétaux.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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