A la découverte des mousses du Moulin de Vert
Dans la campagne genevoise, la réserve du Moulin de Vert cache bien des surprises. Parmi elles, les mousses peuplent en nombre ce joyau de nature.
Dans la campagne genevoise, la réserve du Moulin de Vert cache bien des surprises. Parmi elles, les mousses peuplent en nombre ce joyau de nature.
« L’hiver est la saison idéale pour chercher les mousses car on n’est pas distrait par toutes ces fichues fleurs d’été ! » Sourire en coin, Laurent Burgisser marche d’un bon pas dans les rues de Cartigny. Botaniste de longue date, il s’est spécialisé dans l’étude des bryophytes, la grande famille des mousses, hépatiques et autres anthocérotes. Son œil aiguisé repère les discrets végétaux dans les moindres recoins du village : sur les murs du cimetière, au pied des fontaines et même dans les interstices des pavés. « Je ne m’ennuie jamais, se réjouit le passionné, mes sujets d’étude sont partout. »
Mousse arasée
Seules quelques façades, fraîchement ravalées, sont complètement exemptes de ces discrets végétaux. Une habitude du propre en ordre qui fait réagir le botaniste : « Beaucoup de gens pensent que les mousses abîment les murs alors que c’est le contraire. Elles forment une couche isolante qui les protège du soleil et des changements de températures. » De quoi limiter, à leur échelle, les fissures causées en hiver par l’alternance entre gel et dégel.
La rue devient chemin et débouche sur un cirque de hautes falaises de grès. En contrebas se trouve un patchwork d’étangs, de forêts et de prairies : la fameuse réserve du Moulin de Vert. « Ici, le Rhône formait un méandre jusqu’à ce que son cours soit modifié en 1940 », explique le naturaliste.
Laurent inspecte minutieusement les abords du sentier qui descend entre les arbres. Sur les talus, les branches mortes et les rochers, la palette brune du sous-bois est illuminée de vert mousse. Branchules cyprès, neckères crispées, ébouriffes triangulaires ou blanchedents queue-d’écureuil, chaque espèce a ses propres exigences. « Sur les arbres, elles diffèrent en fonction de la texture de l’écorce », remarque le spécialiste. A ce sujet, oubliez les astuces d’aventurier du dimanche pour vous repérer : les mousses ne s’accrochent pas que du côté nord des troncs ! En réalité, elles s’installent plutôt là où la pluie ruisselle.
Etang en emporte le vent
Nous nous faufilons entre deux plans d’eau aux berges boisées, où foulques et sarcelles d’hiver somnolent, bercées par les vaguelettes que soulève la bise. Toute proche du Rhône et de la réserve des Teppes de Verbois, cette enclave sauvage au cœur du canton attire, été comme hiver, de nombreux oiseaux. Peut-être qu’un butor invisible se cache dans les roseaux qui ondulent. Au bord de l’eau, quelques jeunes arbres sont tombés sous les dents du castor. Si l’on fait abstraction de la pollution sonore de l’aéroport, rien ne rappelle que Genève se trouve à quelques kilomètres seulement.
Pierres qui… ne roulent plus
Juste derrière la lisière, le paysage s’ouvre sur une prairie dont le sol aride, parsemé de cailloux, ne laisse pousser qu’une herbe rare et coriace. Les galets roulés puis déposés par le fleuve forment ici une couche épaisse où la pluie s’infiltre trop vite pour la végétation. Dans cet enfer pour plantes, les mousses sont parmi les seules à tirer leur épingle du jeu. « Des espèces comme la tortelle des sables ou la frangine blanchâtre supportent bien ces conditions difficiles, précise le spécialiste. Par endroits, il n’y a qu’elles et les lichens qui survivent au manque d’eau et à la fournaise du soleil estival. » Ici, ses sujets d’étude sont gris, informes, pas franchement attrayants au premier coup d’œil.
Mais Laurent est aussi sorcier et ne quitte jamais sa baguette magique : un pulvérisateur. Pshiit, il suffit d’arroser délicatement la plus terne des mousses pour qu’en quelques secondes elle reprenne vie et retrouve ses belles couleurs. Une réactivité qui permet à ces végétaux de profiter de la moindre goutte d’eau.
« Le plus fou, c’est que ces mini-déserts se trouvent à quelques mètres des plans d’eau », s’émerveille l’habitué des lieux. Des deux côtés du chemin, les ambiances sont radicalement différentes. Cette diversité subsiste grâce à un entretien ciblé. Les buissons et arbustes sont régulièrement coupés dans les milieux ouverts pour éviter qu’ils ne s’enfrichent. En forêt, en revanche, les interventions sont minimes et les arbres tombés sont laissés sur place, ce qui réjouit le naturaliste. « Bryophytes, champignons, myxomycètes, insectes… Avec toute la vie qu’il abrite, le bois mort porte mal son nom ! » Il plaît d’ailleurs beaucoup à certaines mousses, dont les plus audacieuses se sont installées… sur le bois des panneaux d’accueil de la réserve !
Partez à la découverte des mousses aquatiques avec Laurent Burgisser.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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