Naissance d’une gravure
Qui aurait imaginé que derrière une gravure sur bois se cache un travail colossal ? Le peintre Pierre Baumgart retrace la naissance de l'une d'elle, depuis le premier croquis jusqu'au résultat final et l'émotion qui va avec.
Qui aurait imaginé que derrière une gravure sur bois se cache un travail colossal ? Le peintre Pierre Baumgart retrace la naissance de l'une d'elle, depuis le premier croquis jusqu'au résultat final et l'émotion qui va avec.
D'abord, croquer
Le peintre genevois Pierre Baumgart a choisi un art complexe et exigeant : la gravure sur bois. Disciple de Robert Hainard, dont il a repris la technique, l'artiste revendique une démarche naturaliste forte. Chaque image produite est le fruit de l'observation directe de la nature. Celle d'un homme qui se frotte à son sujet.
« La naissance d'une image n'est pas programmée. Elle survient, le hasard me l'impose. Ce jour de décembre, j'étais parti en quête de perdrix grises, dans la Champagne genevoise. J'ai repéré ces deux corbeaux freux qui fouillaient du crottin de cheval pour y dénicher quelque graine ou insecte. Une de ces rencontres de neige, qui n'était pas voulue, qui s'est simplement produite. J'ai jeté mon croquis sur le papier sous l'impulsion de l'instant. C'est un geste soudain, instinctif. Puis l'idée a mûri. La décision d'en faire une gravure n'est venue que six mois plus tard.»
Patience et minutie
« L'été suivant, le travail en atelier est lancé. Sur mon croquis de terrain, je commence par décalquer les lignes de force, transposées ensuite sur le bois grâce à un papier carbone. Puis la gravure débute. C'est un travail d'épargne, on sculpte un relief, c'est-à-dire que tout ce qui est creusé ne s'imprimera pas. La couleur est ensuite déposée au rouleau. Chaque teinte nécessite de graver une lame de bois. Pour l'image des corbeaux, j'ai utilisé six bois pour sept couleurs. Le mauve et le marron ont pu être déposés sur une même pièce.
L'impression se fait sur du papier japon, grâce à une presse à bras en fonte qui date de 1846. Je fais d'abord des essais et des repérages pour tester les superpositions. Puis vient le moment de l'édition : 50 exemplaires pour ces freux. Le processus total de gravure aura pris environ trois semaines. Seulement 10 à 15 œuvres naissent de ma presse chaque année. Alors pourquoi utiliser une technique qui prend autant de temps ? J'aime l'idée que nous sommes limités, que nous ne pourrons jamais tout voir, jamais tout dessiner non plus. Cette relation au temps est contraignante ! Mais elle engendre une précieuse liberté, celle de choisir. »
Les fruits du temps
« D'abord, ce couple m'a rappelé la mythologie scandinave. Le dieu Odin possède deux corbeaux qui tournent autour du monde et lui rapportent ce qu'ils y voient. Je les ai choisis parce qu'ils font partie de ces oiseaux communs que l'on représente peu. Les corvidés ne sont pas secrets, on les voit facilement. Et puis, ils paraissent tout noirs. Pourtant, leur plumage est loin d'être uni. A y regarder de plus près, on distingue des reflets bleus, presque mauves. C'est ce qui m'a touché, ce que j'ai souhaité explorer. Une tâche fascinante pour un graveur, de chercher la couleur dans le noir ! Lorsque l'œuvre finale sort de la presse, toute la tension et l'attention du processus de création se relâchent. Je ressens alors un soulagement, mais aussi, souvent, une certaine déception. Ce sont les petits défauts qui me sautent aux yeux. Aurais-je pu faire encore mieux ? Je dois alors me détacher de cette gravure qui m'a tenu en haleine pendant si longtemps. Quand je la retrouve plus tard, j'apprécie à ce moment d'avoir mené à bien le défi que je m'étais lancé. »
Preux corbeaux
Le corbeau freux se distingue de la corneille noire par son bec plus droit, effilé et à la base dénudée. Cette zone de peau blanchâtre est caractéristique des adultes. Les jeunes de moins de deux ans sont aussi noirs que des corneilles, et seule une observation minutieuse de la forme du bec permet de les différencier. En hiver et jusqu'en mars, ils se réunissent en dortoirs dans les campagnes et forment des groupes qui comptent parfois plus de 10'000 individus.
D'une intelligence remarquable, ces oiseaux sont capables de créer des outils. Deux expériences spectaculaires ont révélé leurs talents. U n ver est déposé dans un tube trop étroit pour qu'un corbeau puisse y glisser le bec. Qu'à cela ne tienne ! Le corvidé s'empare d'un fil de fer, en fait un crochet et récupère la proie. Autre prouesse : au fond d'un verre haut et étroit sont placés un autre ver et un peu d'eau. La bestiole est inaccessible ? Pas pour longtemps. Le freux se saisit de cailloux mis à sa disposition, les dépose dans le récipient et fait monter l'eau pour finalement déguster son repas.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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