Oiseaux de terre et de feu
Esquisse, modelage, première cuisson, émail, seconde fournée puis bain de sciure incandescente... Ainsi naît comme par magie le fabuleux bestiaire de la céramiste Catherine Chaillou.
Esquisse, modelage, première cuisson, émail, seconde fournée puis bain de sciure incandescente... Ainsi naît comme par magie le fabuleux bestiaire de la céramiste Catherine Chaillou.
« J'avais observé cette bernache nonnette sur une plage, en décembre, lors d'une résidence d'artistes en Vendée. J'ai aimé sa position, sa forme ronde, son œil attentif au milieu des plumes grises. Dans un premier temps, j'ai cuit ma pièce de terre pour obtenir un oiseau uniformément blanc. Puis j'ai recouvert tout ce que je voulais garder clair avec un émail transparent. Après une deuxième fournée, j'ai plongé la petite oie incandescente dans une brouette de sciure. La fumée a coloré les gris et le choc thermique a amené les jolies craquelures caractéristiques de cette technique appelée raku. »
« Les dégradés de brun de ce grand butor ont été difficiles à obtenir. Car, avant cuisson, mes émaux n'ont pas encore leur couleur définitive. C'est une recherche, et chaque fois il y a des surprises. J'aime m'amuser avec la terre et les couleurs pour trouver l'animal. En général, le plus périlleux, ce sont les yeux. Si leur expression ne fonctionne pas, la pièce est ratée. Pour mon butor, j'ai commencé par esquisser un rond noir autour du cercle orbital. Puis, j'ai passé plusieurs émaux devant produire à la cuisson des jaunes subtilement différents. Et enfin, une petite goutte noire pour la pupille, histoire de traduire l'intensité exceptionnelle du regard de ce héron. »
« Cet été, deux pics épeiches sont venus me rendre visite sur le cerisier du jardin. Peut-être étaient-ils attirés par les fruits murs ou par l'écorce couverte de lichens du vieux fruitier. Je les ai modelés sur une grande coupe décorative. Evidemment, j'essaie d'éviter le plus possible des émaux au plomb pour ne pas trop m'intoxiquer. Mais pour obtenir un rouge de cette force, je n'ai pas le choix. L'émail utilisé a une drôle de consistance, il est très difficile à poser, mais produit une couleur incroyable. »
« J'aime bien ce roitelet triple-bandeau. J'ai choisi de le modeler perché sur une pomme de pin en forme de vase. Il me rappelle cette jolie histoire dans laquelle les oiseaux se réunissent pour se désigner un roi. Celui qui volera le plus haut gagnera ce titre. L'aigle surpasse tous les autres en planant tout en haut du ciel. Mais il n'a pas remarqué qu'un passager clandestin se tient perché sur son dos, et que celui-ci frôle le soleil de si près qu'une tache jaune se marque sur son front. L'aigle est incontestablement le roi... mais le petit imposteur gagne son joli nom de roitelet. Je l'ai fait minuscule, grandeur nature.»
« Ce coq de bruyère, jamais je ne suis parvenue à le voir en vrai. Nous l'avons pourtant longuement cherché en Belgique, dans les Hautes Fagnes où il subsiste en petit nombre. Je l'ai fait exprès pour une exposition qui a eu lieu là-bas. L'émail, c'est de la poudre de verre et du pigment qui vitrifie à la cuisson. C'est cela qui donne sa transparence à l'œil de ce très bel oiseau. »
L'arche de Noé de Catherine
Etablie à Charenton-du-Cher dans le Berry, céramiste depuis 1990, Catherine Chaillou compte parmi ses amis le peintre animalier Jean Chevallier qui a ces jolis mots pour elle: «Catherine est une artiste modeste comme au premier four, dilettante dans sa tête, mais terriblement productive en réalité. Son expérience et sa dextérité lui permettent de produire une nouvelle arche de Noé ou presque pour chaque exposition. Car ses œuvres partent vite... Catherine n’est pas naturaliste au sens scientifique, mais sensible à la nature par tous les pores de ses doigts. Capable de transformer des images en une forme vivante avec un talent rare. Fragiles terres rondes et tendres couleurs mêlées en un charme qui agit. Quand j’ai le coup de cœur pour une de ses œuvres, il me semble soudain plus utile de gagner de l’argent. La facilité avec laquelle elle modèle un animal donne immédiatement l’envie de prendre un peu d’argile et de modeler. Mais aussitôt, la terre est moins souple quoique déjà trop molle. Tandis que je travaille un côté de l’animal, ma paume écrase l’autre face. Tout s’affaisse. Je devrais peut-être m’inscrire à son stage... Pardon, leur stage, car Franck son mari y assure les cuissons comme dans leur atelier.»
Texte tiré de «Hibou, chou, raku...», éd. Pique-Prune, 2009
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
Catégorie
Ces produits pourraient vous intéresser
Poursuivez votre découverte
La Salamandre, c’est des revues pour toute la famille
Plongez au coeur d'une nature insolite près de chez vous
Donnez envie aux enfants d'explorer et de protéger la nature
Faites découvrir aux petits la nature de manière ludique
merci de ne pas les utiliser sans l'accord de l'auteur