L’orchidée de l’ombre
L'épipogon sans feuilles est une orchidée rare qui fleurit paraît-il au cœur des bois les plus sombres… David Greyo est parti à la recherche de cette belle sans chlorophylle.
L'épipogon sans feuilles est une orchidée rare qui fleurit paraît-il au cœur des bois les plus sombres… David Greyo est parti à la recherche de cette belle sans chlorophylle.
Avec le mois d’août qui vient juste de commencer, la période de floraison des orchidées sauvages se termine doucement. Ces plantes fascinantes représentent l'une de mes prédilections naturalistes et photographiques. Sabot de Vénus, ophrys abeille ou encore orchis de Provence : depuis le début du printemps, j’ai pu observer et photographier de nombreuses espèces. Toutefois, certaines manquent encore à ma photothèque. C'est le cas de l’épipogon sans feuilles…
Les Anglais l'appellent « the ghost orchid », ou orchis fantôme, tant cette plante est difficile à trouver et tant sa floraison est aléatoire. Unique espèce du genre dans nos régions, cette curiosité ne ressemble à aucune autre. Comme son nom l'indique, elle n’a pas de feuilles ou plus précisément celles-ci sont réduites à de simples écailles. L'épipogon ne possède pas non plus de chlorophylle : pour survivre, il compte sur un champignon qui lui fournit les sels minéraux et les sucres nécessaires à son alimentation. Les modes de vie des orchidées ne cesseront jamais de m’étonner.
En quête de cette petite plante très discrète, me voilà donc parti pour explorer une hêtraie dans le Bas-Valais, en Suisse. En lisière de la forêt, je rencontre plusieurs céphalanthères rouges et épipactis pourpres noirâtres. La présence de ces deux orchidées répandues en Suisse comme en France m’incite à une première pause. Je quitte le chemin et pénètre dans le sous-bois ombragé, où je tombe sur la parisette à quatre feuilles qui est en graine. Peu après, je m'arrête devant la belladone dont les baies noires luisantes sont hautement toxiques.
“Je m’approche et contemple en détail celle que j’ai souvent cherchée.
„
Il fait de plus en plus sombre. Le feuillage des hêtres ne laisse pénétrer que très peu de lumière. Un cadre idéal pour une plante qui n'en a pas besoin pour survivre… Au loin, j'aperçois quelque chose dans le cône éclairé d'un des seuls rayons de soleil. Une tige d’une dizaine de centimètres porte une grappe de fleurs qui paraissent blanches, presque transparentes dans la lumière. Je reconnais aussitôt l'épipogon sans feuilles, cette orchidée que j’ai souvent vue dans mon guide de détermination. Je m’approche et contemple en détail celle que j’ai souvent cherchée.
“Mais quand je m’éloigne un peu, j’ai beau chercher, je n'en trouve pas d’autres.
„
La fleur est vraiment atypique, probablement parce qu’elle est « à l’envers ». Contrairement à la majorité de ses cousines, son labelle – ce pétale caractéristique des orchidacées – est orienté vers le haut. Les couleurs subtiles des fleurons me séduisent tout de suite. Maintenant que je suis au ras du sol, je vois plusieurs autres pieds çà et là, certains regroupés en touffes assez fournies. Mais quand je m’éloigne un peu, j’ai beau chercher, je n'en trouve pas d’autres. La station n’est pas très étendue et je reprends alors conscience de la rareté de cette espèce et de la chance que j’ai eue d’en découvrir plusieurs individus. Je fais évidemment quelques images avant de quitter les lieux sur la pointe des pieds. Que ma présence ne perturbe pas trop le milieu où vivent ces véritables fantômes du sous-bois.
Propos recueillis par Alessandro Staehli
Intermittente du spectacle
L’épipogon sans feuilles est une orchidée rare qui a tendance à disparaître quand une intervention de l'homme modifie son habitat. C’est pourquoi elle est protégée au niveau national en Suisse comme en France. Elle est difficile à observer du fait qu’elle ne sort pas forcément tous les ans. Les années où les conditions météorologiques sont défavorables, l’épipogon peut fleurir sous terre… ou ne pas fleurir du tout. Ainsi, pendant plusieurs années, la plante peut rester invisible. L’espèce se rencontre essentiellement dans certaines forêts des Alpes, du Jura et des Pyrénées. Ses terrains préférés sont plutôt basiques ou très légèrement acides. Elle apprécie les forêts de hêtres, mais aussi les pessières ou les pinèdes.
Champignon pour ami
Pour croître, l'orchidée dépend des champignons. En effet, ses graines sont tellement petites qu’elles ne contiennent pas les réserves alimentaires nécessaires à leur germination. C’est l'association avec un champignon, ou mycorhize, qui leur permettra de s’alimenter. Le partenaire fongique leur apporte le carbone et les nutriments nécessaires au développement. Une fois qu'elles ont bien germé, l'orchidée dotée de chlorophylle n’a plus besoin de ce partenaire. En revanche, l'épipogon et les autres espèces sans ce pigment sont liées toute leur vie au champignon, car elles sont incapables de produire seules leurs sucres.
David Greyo
photographe naturaliste
- 1974 Naissance en Loire-Atlantique.
- 1995 Etudes en biologie.
- 1996 Premier appareil photo reflex offert par son grand-père.
- 1999 Travaille au Conservatoire d’Espaces Naturels de la région Centre.
- 2012 Photographe professionnel.
Prolongez votre lecture avec le livre Sauvages orchidées de notre collection Histoires d'images. Un livre original dédié à l’approche photographique des plus belles et étonnantes de nos fleurs sauvages. Après plusieurs années d’études et de recherches passionnées, les photographes David et Séverine Greyo y dévoilent les mille et une facettes des orchidées qu'ils ont photographiées.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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