Cet article fait partie du dossier
La nuit du hibou grand-duc
La reproduction chez les hiboux grands-ducs
Miracle ! Alors que presque toute vie somnole pour de longs mois d’hiver, les grands-ducs célèbrent leurs noces en donnant de la voix.
Miracle ! Alors que presque toute vie somnole pour de longs mois d’hiver, les grands-ducs célèbrent leurs noces en donnant de la voix.
Mariage à la cour
Le chant du hibou grand-duc mâle prend possession de la vallée
L’obscurité conquiert tout ce qu’elle peut, elle prend sur le matin et enveloppe l’après-midi. Novembre tire à sa fin. Depuis la corniche que la lune surligne sur une forêt noire, un « ououhhh » grave et bitonal retentit avant même les cinq coups de 17 h.
Pour qui a la chance d’entendre cet appel venu du fond des âges, c’est comme le chant de la nuit, celui qui a toujours fait écho au hurlement du loup. Le message du mâle de grand-duc, on ne peut plus grave et envoûtant, résonne à merveille et, toutes les dix secondes environ, prend possession de la vallée.
Patience, la femelle va répondre !
Au bout de quelques minutes, à une fréquence plus aiguë, mais assez proche, la femelle répond. Un duo amoureux s’installe alors. Le couple est bien là, territorial et décidé à fonder une famille. Ce qui se joue là-haut sur le balcon rocheux n’est pas offert aux regards. Il faut souvent l’imaginer inspiré par les récits d’ornithologues. Sous des latitudes plus méridionales, les observations presque diurnes sont néanmoins plus aisées.
Ce soir, il faut lire les quelques indices acoustiques. L’interpellation sourde de monsieur augmente en rythme et sonne toutes les cinq secondes, puis toutes les trois. Les réponses de madame se calent sur la cadence. La provenance des deux tonalités indique un rapprochement des deux oiseaux. Puis, la sérénade régulière paraît émise du même endroit. Soudain, la musique s’emballe puis se dérègle, suivie du silence… Y a-t-il eu accouplement ?
Le mâle entonne de nouveau, un peu à l’écart, dans un tempo apaisé.
C’est la meilleure période pour écouter la partition des grands-ducs, même si le rapace peut s’exprimer toute l’année selon les conditions, les humeurs individuelles et les régions.
Une partition complexe
N’allez cependant pas croire que maître hibou se limite à ces notes monotones. Son répertoire complexe et pas toujours interprétable comprend des chuintements, des éternuements, des miaulements et surtout des ricanements que divers auteurs qualifient de diaboliques…
Tout cela selon qu’il est adulte ou poussin, excité ou stressé, conquérant ou simplement sociable…
Certains chercheurs tentent d’individualiser les signatures vocales des grands-ducs pour étudier leur fidélité au site de nidification et celle qui unit les partenaires.
Couple pour la vie, c’est la réputation qu’ont beaucoup d’espèces de chouettes et hiboux. Un modèle qui semble vrai pour le plus grand d’entre eux. Il ne reste plus qu’à devenir des parents attentifs.
Le saviez-vous ?
- 21 ans
Âge maximal connu d’un hibou grand-duc à l’état sauvage, contre 68 ans en captivité ! Une longévité propice à la fidélité durable entre partenaires.
- Oreille tendue
Le chant du grand-duc porte loin et peut être entendu à 1 km de distance, voire plus.
Sa puissance alliée à sa gravité permet cette propagation. Sur le terrain, la résonance qui en découle dans le paysage est un bon moyen de différencier cette vocalise de celle du hibou moyen-duc, dont la portée est très vite effacée.
L’écoute de Bubo bubo dans de bonnes conditions est rare, car souvent parasitée par le son naturel des cours d’eau et, plus encore, par les avions, le trafic routier ou les aboiements de chiens.
- M’as-tu-vu
En plus du chant, les grands-ducs utilisent des codes visuels pour communiquer, particulièrement les patchs blancs sous la face.
Outre le petit éclaircissement sous le bec, c’est la bavette immaculée sous la gorge qui joue un rôle phare.
Ce signal se dévoile surtout lors du chant. Sa brillance est plus grande en période nuptiale et serait plus étincelante chez la femelle que chez le mâle.
Sa visibilité augmentant avec la taille de l’individu, ce critère pourrait servir à chaque membre du couple pour sélectionner un partenaire vigoureux et fécond.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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