© Diet Marnill

Paparazzis de lynx

Réintroduit en Suisse il y a 40 ans, le lynx s’est refait une place à pas feutrés. Un hôte fantomatique que les photopiégeages permettent de mieux cerner. Une vaste campagne est lancée cet hiver.

Réintroduit en Suisse il y a 40 ans, le lynx s’est refait une place à pas feutrés. Un hôte fantomatique que les photopiégeages permettent de mieux cerner. Une vaste campagne est lancée cet hiver.

Pour nombre de biologistes de terrain, l’hiver sonne l’heure du repli vers un bureau. Pour les spécialistes suisses du lynx, c’est le moment d’enfiler une doudoune et de courir les reliefs forestiers où le félin a été réintroduit. « Non seulement la neige offre des traces bien lisibles, mais les lynx privilégient routes et chemins, mieux praticables. Nous pouvons déployer judicieusement nos équipements photo », explique Fridolin Zimmermann, responsable du suivi du lynx au sein du Programme KORA. De fait, le discret animal s’observe par appareils interposés. Lui, en revanche, sait fort bien nous voir sans être vu, laissant au mieux « l’émotion d’une trace très fraîche » , témoigne le biologiste glaronais.

L'heure des comptes

Aidée de gardes-faune, naturalistes bénévoles ou même chasseurs, l’équipe du KORA mène dans les neiges des comptages de 60 jours, disséminant sur 800 à 2000 km2 des dizaines de « pièges » inoffensifs : ils flashent les félins, sans autre dommage que la surprise. Avec une touche de cocasse, à l'occasion, pour les scientifiques. « Des personnes déguisées, masquées, grimaçantes ou un brin dénudées se font parfois délibérément tirer le portrait ! » s'amuse le biologiste.

Les recensements sont répétés tous les deux ou trois ans dans des zones définies de l’Arc jurassien, du nord-ouest des Alpes et Préalpes, de l’ouest de la Suisse centrale, et du nord-est. « La campagne alpine de cet hiver est la plus importante jamais entreprise. Elle s'étale du lac de Thoune aux rives du Léman via le Simmenthal, le Saanenland, Les Diablerets, le Pays-d’Enhaut et la Gruyère. »

Une sacrée portion de territoire. De quoi espérer de nouveaux museaux. « Les jeunes, nés fin mai ou début juin, sont devenus costauds et les familles, plus mobiles, sont davantage susceptibles de déclencher l’un de nos photomatons. » Les comptages de cet hiver confirmeront-ils la démographie stable du félin ? Réponse en 2012.

Une faim de lynx

L'Arc jurassien abrite une trentaine de lynx, soit un peu plus d’un félin par 100 km. Pas loin de la taille moyenne d’un territoire, soit 150 km² pour un mâle, 90 pour une femelle. «Des jeunes en quête d’un domaine, passé l’âge de 10 mois, ont toutefois déjà été observés errant sur une zone de 500, voire même 760 km2 .»

La surface revendiquée varie en fonction des ressources. Un lynx, maître de l'embuscade, doit capturer un chevreuil ou un chamois par semaine pour se nourrir. Les ongulés représentent 90% des proies, le renard entre dans le menu du lynx à hauteur de 4% ! « Dans les Alpes, où l’on dénombre une centaine d'individus, c’est deux lynx pour 100 km2. Une zone plus vaste et une densité plus faible seraient dans l’intérêt du félin », commente l’expert. La « conquête de l’Est » représente le défi actuel pour le lynx en Suisse. Mais comme il y met peu d’empressement, on l'aide depuis une dizaine d'années (> encadré en bas d'article).

Le félin, qui fascine tant de curieux de nature, ne fait toutefois pas l'unanimité. « Quarante ans après son retour, certains ont encore de la peine à tolérer le lynx » , relève Fridolin Zimmermann. Pourtant, ce prédateur n'a aucunement fait disparaître chamois et chevreuils ! Et les problèmes avec les moutons sont ponctuels.

Le biologiste salue au passage le sentier pédagogique créé par un enseignant et voué au félin à la Lenk (BE). Une belle initiative, au très fort symbole, car réalisée sur le domaine des vétérans Mila et Nero, présents depuis 1997 et 1998 dans la région.

On leste à l'Est

Le lynx eurasien était autrefois présent des Pyrénées jusqu’au désert de Gobi. La révolution industrielle et notre essor démographique l’ont exclu d’Europe occidentale, avant qu’on l’y réintroduise. En Suisse, deux premiers lynx, importés des Carpates slovaques, ont été rendus à la nature en avril 1971 à Obwald. D'autres relâchers ont été, depuis, effectués avec régularité.

Quarante ans plus tard, il reste au félin une grande part de l’Arc alpin à recoloniser. Sa dispersion spontanée est lente. Le fascinant animal fuit – à raison – les zones très habitées ou intensivement cultivées et les grandes routes. Il évite les lacs et les grands cours d’eau, l’étage alpin et la zone nivale. En sus, les jeunes aiment garder le contact avec leurs congénères. Aussi, depuis 2001, douze lynx ont été exilés d’autorité de la Suisse romande vers la Suisse orientale. D’autres ont été exportés vers l’Autriche, afin de relier les populations des Alpes suisses à celles habitant la frontière entre la Slovénie, l'Autriche et l'Italie.

Plus d'infos

Kora.ch, le site du programme voué aux grands prédateurs du pays. Portrait du lynx, nouvelles,
rapports, de Suisse et d'Europe.

Une invitation à randonner sur le domaine de Mila et Nero. Un site en allemand uniquement.

Dossier complet consacré au lynx dans La Salamandre n°213.

Couverture de La Salamandre n°207

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 207  Décembre 2011 - Janvier 2012
Catégorie

Biodiversité

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