À Nîmes, pas de quartier pour les geckos
L’hémidactyle verruqueux est un reptile rare et protégé. L’association gardoise Zerynthia tente de le préserver face aux projets de la ville de Nîmes. Eclairage.
L’hémidactyle verruqueux est un reptile rare et protégé. L’association gardoise Zerynthia tente de le préserver face aux projets de la ville de Nîmes. Eclairage.
Il a la peau diaphane, d’un beige rosé tacheté de brun, et piquetée de petits tubercules clairs. Entre autres exploits, il peut changer de coloration et sait grimper au plafond grâce à des lamelles pourvues de millions de poils microscopiques sous ses pattes.
L’hémidactyle verruqueux est un gecko rare et discret, qui vit en France sur le littoral méditerranéen. Il apprécie la chaleur et le minéral, dans la garrigue comme à la ville. On croise ce petit reptile à la belle saison, la nuit, lorsqu’il sort de son abri pour chasser les insectes.
Nouveau venu
Depuis plusieurs décennies, cette espèce s’est implantée à Nîmes, où elle a probablement été introduite accidentellement via le transport de marchandises.
Elle s’y est depuis acclimatée, formant la seule population d’hémidactyles du département du Gard, et sans doute la plus septentrionale de France.
« Depuis trente ans, l’association environnementale Zerynthia veille sur cette petite population localisée, cantonnée à un seul quartier ou presque », précise Stéphan Arnassant, référent scientifique de l’association Zerynthia.
Parmi les diverses pressions que subit cette espèce protégée – considérée comme en danger dans le projet de liste rouge des amphibiens et reptiles du Languedoc-Roussillon –, les chats domestiques sont l’un de ses principaux prédateurs.
Les pesticides, quant à eux, détruisent la base de son régime alimentaire insectivore. L’hémidactyle voisine aussi avec une autre espèce de gecko plus imposante, plus courante et en expansion : la tarente de Maurétanie.
« On constate des soucis de cohabitation, plutôt modérés si les milieux sont suffisamment diversifiés, nuance Stéphan Arnassant. Chaque espèce se répartit selon sa niche écologique : l’hémidactyle reste plutôt en bas des murs, la tarente chasse plus en hauteur sur les façades et les toitures, profitant des lampadaires qui piègent les insectes nocturnes. »
L’association s’inquiète surtout d’un projet de requalification urbaine qui, depuis 2010, vise à créer un vaste écoquartier précisément sur le territoire de ces rares geckos nocturnes.
Avec à la clé, pour cette population nîmoise isolée, un risque majeur de perte d’habitat et de destructions directes. « On a aujourd’hui un habitat mixte, avec des maisons de ville, des terrasses, des jardins, des murets, des vieux bâtiments industriels et des murs en pierres sèches adaptés à cette espèce.
Ce projet d’immeubles et d’espaces verts tout neufs ne sera pas du tout favorable aux hémidactyles », explique le naturaliste.
Le comble de l’écoquartier
Lors de la première tranche de travaux, entre 2010 et 2018, des hémidactyles ont été capturés un à un pour être déplacés et sauvés des bulldozers. Cette opération est délicate à plus grande échelle, comme ce serait le cas sur les dizaines d’hectares concernés par les dernières phases du projet.
« On demande à la municipalité de mieux localiser et estimer cette population, et de la prendre réellement en considération dans le projet, souligne Stéphan Arnassant.
Si on ne peut pas envisager un déplacement de tous les spécimens, pourquoi ne pas épargner certaines zones pavillonnaires, où la densité d’hémidactyles est la plus forte ? »
Pour l’association, cet écoquartier, présenté comme exemplaire du point de vue environnemental et climatique, ne prend pas suffisamment en compte la biodiversité urbaine.
“« Il y a une vraie difficulté à préserver les espèces présentes en ville, on manque d’outils, d’études solides et d’aires protégées dans ces espaces anthropisés », estime Stéphan Arnassant.
„
C’est pourtant possible selon lui : dans le même quartier, Réseau ferré de France (RFF) avait su modifier son projet de viaduc ferroviaire, en 2013, afin de préserver les hémidactyles verruqueux. Des bâtiments avaient été épargnés et des aménagements favorables à l’espèce avaient été conçus. Un précédent qui nourrit les espoirs de l’association nîmoise.
Le saviez-vous ?
En France, il existe trois espèces de geckos :
-
La tarente de Maurétanie, ou tarente du Midi (Tarentola mauritanica)
C'est la plus courante. Elle arbore une couleur sable, une silhouette trapue et de petits tubercules épineux sur le dos. Commune sur le pourtour méditerranéen, elle remonte depuis quelques années vers le nord, sans doute à la faveur du réchauffement climatique. On la croise désormais à Grenoble, Toulouse, Lyon, Bordeaux et jusqu’en Alsace ! - Hémidactyle verruqueux (Hemidactylus turcicus)
Il est difficile de la distinguer du premier coup d’œil car les geckos peuvent changer de coloration, passant du beige au brun en moins d’une heure... Néanmoins, ce dernier est plus petit à l’âge adulte. Surtout, il est pourvu de griffes, à la différence de la tarente. Et les lamelles adhésives sous ses pattes sont divisées en deux, quand la tarente n’en possède qu’une seule rangée.
- Phyllodactyle d’Europe (Euleptes europaea)
Il s'agit de l'espèce la plus petite, la plus discrète et la plus rare. Elle vit essentiellement sur les îles méditerranéennes – îles de Marseille, Port-Cros, le Levant, Porquerolles, Corse... – et préfère aux villes les milieux naturels, sauvages et rocheux. Comme l’hémidactyle, elle connaît une dynamique de population plus faible que la tarente. Elle est en forte régression sur ses habitats continentaux.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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