© Patricia Huguenin

Cet article fait partie du dossier

Intense hermine

Suivez l’hermine avec la photographe Patricia Huguenin

Photographe neuchâteloise, Patricia Huguenin observe les hermines depuis plus de quarante ans. Ses images et anecdotes dévoilent le quotidien du petit mustelidé.

Photographe neuchâteloise, Patricia Huguenin observe les hermines depuis plus de quarante ans. Ses images et anecdotes dévoilent le quotidien du petit mustelidé.

26 février, vallée de la Brévine

Il est à peine 8 h quand je vois disparaître une petite queue blanc et noir derrière une épaisse congère. J’ai bien fait de sortir, malgré le froid mordant ! Sans tarder, je m’allonge à plat ventre dans la poudreuse et j’attends. Dix minutes plus tard, surprise ! Un autre bolide blanc déboule sur ma droite, puis un troisième apparaît à ma gauche, tandis que la première ressort d’un trou quasiment sous mon nez.

En poursuivant mon chemin autour de la tourbière, je suis sidérée de compter au moins dix hermines différentes en train de chasser sur l’ensemble du site ! Je n’en ai jamais vu autant sur un si petit secteur, mais il faut dire que les campagnols sont nombreux cette année. Je me délecte du spectacle de leur activité survoltée.

Après avoir tué une proie, certaines semblent prises de folie et se mettent à bondir dans tous les sens. D’autres se tournent autour de manière assidue, peut-être les prémices de contacts amoureux ? En tout cas, toute cette énergie dépensée par grand froid les oblige à chasser frénétiquement. La scène est fabuleuse et j’en oublie un peu mes doigts engourdis !

13 mai, Creux-du-Van

Alors que je marche d’un bon pas sur un petit sentier, mon élan est stoppé net par une hermine qui me coupe la route avant de disparaître dans un tas de pierres, un énorme campagnol dans la gueule.
Je me fige en espérant qu’elle réapparaisse... Bingo ! La voilà qui ressort – sans sa proie – et file vers le champ d’où elle venait. J’ai à peine le temps d’adapter mes réglages qu’elle repasse en sens inverse, toujours aussi pressée, avec un second rongeur entre les mâchoires.

Sans m’accorder la moindre attention, elle plonge à nouveau entre les rochers. De là où je suis postée, j’entends l’espèce de roucoulement qu’émettent les jeunes quand leur mère leur apporte à manger. Plus de doute, c’est toute une famille qui est cachée là. Mais ce n’est pas tout, car la chasseresse émerge à nouveau pour enchaîner les expéditions.

Stupéfaite, j’assiste au transport de 17 campagnols en même pas trente minutes ! Moins de cent vingt secondes par capture, mais comment fait-elle ? Peut-être cette maman hermine est-elle en train de déménager sa réserve de proies, après avoir transporté ses petits dans ce nouveau gîte.

2 juillet, Val-de-Travers

Alors que je marche aux abords d’un mur de pierres sèches écroulé, je suis soudain arrêtée par un cri bref, poussé avec force. Juste devant moi, une hermine. Dressée sur ses pattes arrière, elle semble me défier de faire un pas de plus. Poliment, je recule et m’assois en attendant de découvrir la raison de sa nervosité.

Quelques minutes plus tard, quatre petits sortent de leur cachette, entre les vieux blocs. Leur mère les surveille de loin, tout en déposant une crotte bien en évidence sur un rocher. Le message est clair, elle est ici chez elle. Un des petits semble avoir trouvé un autre marquage, qu’il renifle avec insistance avant de retourner jouer avec ses frères et sœurs. Courses-poursuites et faux combats s’enchaînent à un rythme endiablé, tandis que la mère repart en chasse.

Soudain, une nouvelle hermine surgit à quelques mètres. Vu sa grande taille, c’est un mâle. Immédiatement, les jeunes se réfugient dans leur abri. Au même instant, leur mère déboule comme une flèche et se jette sans préambule sur l’intrus. Les voilà lancés dans une lutte fulgurante, formant une boule trépidante de corps entremêlés. Rapidement, le gaillard se dégage et bat en retraite. Il a beau être plus costaud, il ne peut rivaliser avec la fougue de l’occupante légitime des lieux.

12 octobre, les Ponts-de-Martel

Incroyable ! Assise en bordure de champ, je viens de voir une buse piquer la proie d’une hermine juste sous son nez. Cette dernière a pu se réfugier juste à temps dans une galerie, mais sans pouvoir emmener avec elle le campagnol capturé à l’instant… dont l’oiseau de proie se délecte à présent.

Quelques secondes plus tard, le petit mustélidé ressort de son trou et se met à courir comme un fou autour du rapace. Mais voilà que deux corneilles débarquent à leur tour et commencent à harceler la buse, qui finit par leur céder les restes du pauvre rongeur. L’hermine, voyant son repas dérobé une seconde fois, disparaît.

J’ai souvent vu des buses qui observaient le mammifère en chasse. J’imagine que les oiseaux de proie mettraient volontiers le petit carnivore à leur menu, mais je n’ai jamais observé de prédation directe. En revanche, ce n’est pas le premier vol de proie dont je suis témoin. Quand les campagnols sentent l’hermine à leurs trousses dans leurs galeries, ils bondissent à l’extérieur comme des bouchons de champagne dans l’espoir de la semer. Ils se font alors parfois cueillir par les prédateurs à plumes qui les attendent.

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Intense hermine

Couverture de La Salamandre n°273

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 273  Décembre 2022 - janvier 2023, article initialement paru sous le titre "Les carnets de Patricia"
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