Pierre Baumgart et le milan noir: confidences
On prend rarement la peine de regarder le milan noir. Pierre Baumgart l'a longuement observé jusqu'à en faire un compagnon presque familier.
On prend rarement la peine de regarder le milan noir. Pierre Baumgart l'a longuement observé jusqu'à en faire un compagnon presque familier.
Au-dessus des hippos
« Le monde sauvage s'est ouvert à moi dans la campagne genevoise. De mes premières rencontres d'enfant avec les lièvres et les faisans, j'ai gardé des sensations incroyables. Peu à peu, j'ai élargi mon horizon aux marais, puis au Jura. A 20 ans, je suis parti en Scandinavie sur les traces de l'ours. Mes voyages m'ont amené à mieux apprécier les choses toutes proches. Le milan noir me touche. Il est partout et on ne s'en étonne même plus. J'aime l'idée qu'il nous revient chaque année après avoir survolé hippopotames et pirogues. Haut dans le ciel, il paraît tout noir, insignifiant. On ne prend pas même la peine de le regarder. Et pourtant, quel oiseau magnifique ! Son plumage brun et roux est somptueux à dessiner. Œil jaune pâle, profil acéré, grosses serres, c'est un petit aigle à notre portée. »
Un nid de rêve
« Ce ne sont pas les aires de milans noirs qui manquent autour de Genève. La difficulté de ma mission consistait à en trouver une observable un peu par-dessus et surtout qui ne soit pas masquée au moment où les feuilles sortent. J'ai fait de longues prospections durant la première quinzaine de mars dans des coins sauvages. J'ai inspecté toutes les aires que je connaissais. Finalement, j'ai resserré mes recherches en ville, tout près de mon domicile. Par bonheur, j'ai fini par trouver un nid suspendu au-dessus du fleuve sur la branche oblique d'un saule. L'aire était visible depuis un pont. J'allais donc pouvoir observer d'en haut sans déranger des oiseaux forcément habitués aux allées et venues des passants. Restait à espérer qu'une famille s'installe bel et bien et que les feuilles ne cachent pas tout au bout de quelques semaines. »
Sur le pont
« Surveiller des oiseaux pendant des heures sur un pont en pleine ville expose à son tour l'observateur à des situations inattendues. Il y a les gens qui disent bonjour avant de passer devant le champ du télescope, ceux qui m'enjambent en s'excusant dix fois, ceux qui me marchent presque dessus sans rien dire, ceux qui me racontent leur vie et enfin les plus drôles : ceux qui viennent m'expliquer que ce sont des buses. Ou alors qui m'affirment avec aplomb que les milans reviennent chaque année le 17 mars pile. Entre deux dessins, j'offre la somptueuse vision de la couveuse à quelques passants intéressés. « Mais vous êtes là tout le temps ? Même quand il pleut ? » Au fil du temps, je reconnais les habitués. Je suis identifié comme le fou du pont, tout va bien ! »
SOS cacatoès
« Un jour, je vois apparaître au-dessus du fleuve un curieux oiseau blanc à huppe jaune. Probablement échappé de captivité, le cacatoès caquette bruyamment. En un éclair, un milan le prend en chasse et le talonne jusque dans un chêne qui surplombe l'autre rive. Un peu plus tard, le malheureux réapparaît : le milan a dû le manquer d'un cheveu. Sur le moment, j'ai eu la curieuse impression que le rapace était énervé par ce bruyant volatile près de son nid. J'ai mesuré à cette occasion combien le milan indolent se transforme en une fraction de seconde en un chasseur redoutable. J'ignore si l'intrus a ou non fini en pièces détachées sur une aire du voisinage. »
Amis chers
« A force de venir et de revenir voir les milans, je m'y suis attaché. J'allais rendre visite comme à des amis. Où en sont-ils ? Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? J'ai observé avec angoisse le plus jeune poussin qui ne grandissait pas, houspillé par les deux aînés. Allait-il s'en tirer ? Ce n'était plus simplement un petit milan, mais un nouveau-né que j'ai suivi et accompagné. Ce printemps, j'ai détesté les corneilles. Je suivais avec hargne leurs allées et venues. Je voyais les parents nerveux. En découvrir une dans le nid m'aurait attristé. Chaque fois que les adultes s'éloignaient des poussins, j'étais super inquiet. Heureusement, aucun raid n'a eu lieu. »
Milans de rêve
« La Thaïlande ou la Chine par exemple ne m'attirent pas spécialement comme destination de voyage. Il n'y a aucun fil vivant qui me relie à ces pays. En fait de voyage, le milan me fait rêver à l'Afrique. J'aimerais aller un jour où vont les hirondelles, les bergeronnettes et mes beaux petits aigles. En attendant, quand vient le mois d'août, je vais le long du Jura voir passer dans le ciel les milans et les autres migrateurs. Avec eux, c'est un bout de moi-même qui file à travers les Pyrénées, qui franchit Gibraltar, qui traverse le Sahara jusque dans le Sahel ou plus loin encore. Je me réjouis déjà du prochain printemps. Et du retour de mes voyageurs. »
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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