Plein soleil au jardin en juillet
A quoi ressemble un jardin en juillet ? Aino Adriaens nous raconte le bain des moineaux, les dégâts des félins et pourquoi les tondeuses à gazon sont superflues.
A quoi ressemble un jardin en juillet ? Aino Adriaens nous raconte le bain des moineaux, les dégâts des félins et pourquoi les tondeuses à gazon sont superflues.
24 juillet
Le hamac est de sortie, le chapeau de paille aussi. Il fait une chaleur à écraser les mouches et à manger de la salade. Entre deux séances de farniente, je m’affaire au potager à l’ombre des haricots grimpants et des feuilles de courgettes. Le liseron est partout, impressionnant de vigueur et d’obstination. Reine de cette jungle de légumes, une grenouille grasse et rousse saute parfois lourdement entre mes doigts quand je désherbe.
Hier soir, l’orage a frappé fort. Il a cassé l’arbre creux aux étourneaux. Pas de mal, les oiseaux avaient déjà quitté leur nid. Juste un gros pincement au cœur à la vue de cette œuvre en bois brut couchée pour de bon. J’ai découvert dans sa fracture un tas de secrets bien gardés : les provisions d’un mulot, les galeries d’un capricorne, la cachette d’un mille-pattes. Des centaines de fourmis galopaient sur le bois vermoulu, tandis qu’un frelon cherchait sans succès l’entrée de son antre.
Terrassée par le soleil, je me pose un instant et savoure à plein nez l’odeur d’herbe coupée qui flotte dans l’atmosphère. Depuis le hamac, la vue est imprenable sur les frondaisons et sur le milan royal attiré par les foins. Son manège m’hypnotise. Emportée par les courants chauds, bientôt je le rejoins et tourne, tourne avec lui.
Moineaux au bain
Discrets, les oiseaux en été ? C’est oublier un peu vite l’omniprésence des moineaux, qui, à eux seuls, assurent le fond sonore de tout le quartier ! Hyperactifs, ils passent des heures entières à se chamailler et à pépier, et poussent le sans-gêne à faire l’amour ou la guerre jusque sur les rebords des fenêtres.
Une de leurs autres activités favorites est le bain de poussière. En groupes, les moineaux recherchent la moindre parcelle de terre nue du potager pour s’y lover et s’ébrouer de la plus felle façon, sans se soucier le moins du monde de dévaster dans la foulée les lignes de carottes fraîchement semées. Soyons tolérants, car les bains de poussière répondent à un besoin précis : ils permettent aux oiseaux de se débarrasser des parasites et contribuent à l’entretien du plumage. Les bains de fourmis jouent le même rôle: les projections d’acide formique des insectes en colère ont un effet insecticide sur les poux qui démangent les oiseaux.
Toujours dans le même but, les moineaux s’adonnent volontiers aux bains de soleil ou, en hiver, aux bains de fumée aux abords des cheminées. Un tel comportement témoigne de l’adaptation et de la fidélité exemplaire de cet oiseau au genre humain. L’espèce nous est à tel point liée qu’elle s’éloigne rarement au-delà de 1,5 km des habitations.
Que chasse le chat ?
La faune des jardins paie un lourd tribut à un prédateur efficace, pourtant déjà bien nourri : le chat domestique. Si on encourage volontiers notre félin à chasser les souris et les campagnols, on se réjouit nettement moins de le voir rapporter oisillons, lézards, grenouilles ou musaraignes.
Les ornithologues français de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont estimé que les 9 millions de chats de l’Hexagone capturaient chaque année quelque 62 millions d’oiseaux ! Les dégâts sont plus importants en ville qu’à la campagne, car on y compte en moyenne 500 chats par km2. Même s’ils paraissent énormes, ces prélèvements ont pourtant moins d’incidence sur la survie des espèces que la destruction des milieux naturels. Dans une nature préservée ou, par analogie, dans un jardin riche en nourriture et en cachettes, les oiseaux, les reptiles et autres bestioles peuvent se reproduire plus facilement et mieux supporter les pertes dues aux prédateurs. A l’inverse, pour une espèce fragilisée par les pesticides et la destruction de son habitat, le chat est souvent le prédateur de trop. Un seul exemple ? Le lézard agile. En Suisse, les dernières populations de ce joli reptile sont directement menacées par les chats en surnombre.
A défaut de pouvoir éduquer son félin domestique, quelques précautions s’imposent pour limiter ses frasques, comme les clochettes ou les Stop Minou.
Les légumes de Tante Hortense
Wouah ! Qu’est-ce qu’ils sont beaux les légumes de Tante Hortense ! Et comme son jardin est bien soigné ! Des tomates magnifiques, des poireaux gigantesques, et pas la moindre mauvaise herbe entre les lignes, point de pucerons sur les rosiers… Une discrète incursion dans son cabanon de jardin confirme les craintes de la nièce écolo : sur les étagères s’alignent, hors de portée des enfants bien sûr, un arsenal complet de produits phytosanitaires, allant du désherbant total à la bombe anti-pucerons, en passant par les fongicides, le tue-mousse et les engrais liquides énergisants.
Des tonnes de produits chimiques sont déversés chaque année dans les jardins familiaux. Résultat séduisant, conséquences terrifiantes. Tante Hortense n’a pourtant rien d’une empoisonneuse. Elle fait partie de ces 20 millions de jardiniers amateurs qui épandent chaque année en France quelque 8000 tonnes de pesticides. La situation n’est pas plus brillante en Suisse, où la manie du propre-en-ordre fait les beaux jours de l’industrie chimique.
Vas-y mollo Tatie !
De fait, les jardiniers amateurs ont souvent la main lourde. Contrairement aux agriculteurs, tenus de respecter les dosages, Tante Hortense préfère toujours mettre un peu plus de produits qu’il n’en faut, pour être sûre que cela fasse de l’effet ! Résultat? De beaux légumes certes, mais remplis de résidus chimiques ; un sol aseptisé où l’on dénombre 35 fois moins de vers de terre que dans les talus d’à côté ; la terre et les eaux souterraines polluées par les engrais liquides et le Roundup, un herbicide enfin reconnu comme très dangereux pour la santé et l’environnement.
La bio attitude
Face à l’énergie du chiendent, à la voracité des chenilles et à l’invasion des pucerons, renoncer aux pesticides peut paraître décourageant, voire impossible. Les jardiniers bio parviennent pourtant à faire face. Leur réussite passe par la connaissance de leurs ennemis et de leurs prédateurs, ainsi que par une meilleure observation des cycles de la nature. Inventifs, ils disposent d’une belle panoplie de moyens de lutte douce et efficace : paillage du sol, associations de plantes, rotation des cultures, phéromones, prélèvements manuels des ravageurs, extraits végétaux, choix de plantes résistantes, engrais verts, etc. Philosophes, ils font aussi preuve d’une plus grande tolérance face à l’échec et préféreront toujours la qualité à la quantité.
Le gazon d’Oncle Jules
La corvée du gazon et le bruit qu’elle engendre incommodent tout le monde. Alors pourquoi diable s’obstiner ? Un peu de laisser-aller ne fera de mal à personne… Admettons-le sans ambages. Le gazon est côté jardin ce que la voiture est côté cour : une certaine image de la réussite ! Comment expliquer autrement l’acharnement que l’Oncle Jules déploie pour avoir un rectangle vert plus dru, plus doux et plus ras que celui du voisin ?
Tonton enchaîné
L’engrenage infernal commence dès les premiers beaux jours. Tonton encense son gazon d’engrais tandis que Tante Hortense traque à petites giclées de poison les pâquerettes, les véroniques et les coussinets de mousses qui ont eu le toupet de s’installer sans autorisation. Trois semaines et quelques averses plus tard, le gazon a poussé, mais sa longueur n’est déjà plus réglementaire. Tonton sort la tondeuse, peine à la faire démarrer puis, suant et haletant, respire enfin pendant une bonne demi-heure un fumet d’hydrocarbures. Heureusement pour lui, il a pris la précaution de se protéger les oreilles.
Pareille opération sera répétée deux ou trois fois par semaine, week-end compris, jusqu’en juillet. A chaque fois, l’herbe coupée est soigneusement ramassée, puis mise en sacs qu’on débarrasse aussitôt. Cette routine est contrariée par la sécheresse de l’été. Mais Tonton a une parade : pour qu’il puisse continuer à tondre son gazon, il l’arrose copieusement chaque soir d’eau potable.
La fin de l’esclavage
La frénésie d’Oncle Jules n’est pas exceptionnelle. Bien au contraire, cette forme d’esclavage est devenue la norme dans les jardins d’agrément. Pour la nature et l’environnement, c’est une catastrophe : no man’s land écologique, le gazon est très sensible aux parasites et devient complètement dépendant des pesticides. La solution ? Changer de regard. Tolérer les herbes folles. Accepter enfin les sauterelles, les carabes, le trèfle et les abeilles.
Le b.a.-ba de la pelouse écologique
- Bannir les pesticides et augmenter la hauteur de la coupe : un couvert de 8 cm garde le sol frais et humide, favorise le développement des racines et empêche la germination de la plupart des plantes indésirables.
- Laisser sur place les déchets de tonte : ils contiennent beaucoup d’éléments minéraux et contribuent à l’engraissement du sol et à son équilibre.
- Tolérer les hautes herbes dans les endroits peu fréquentés, histoire d’offrir cachettes, chemins et nourriture à la faune du jardin.
- Ne pas arroser ! La pelouse reverdit vite, même après un été sec.
Découvrez le guide Salamandre: "La nature au jardin" et apprenez à reconnaître les plantes compagnes du potager, les oiseaux et les petites bêtes qui vivent autour de la maison. Sans oublier des conseils pratiques pour favoriser la biodiversité.
En juillet-août, c'est le bon moment pour... Retrouvez une liste non exhaustive dans notre guide pratique.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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