Plongeon avec les tritons, les dragons de la mare
Ecologue, réalisateur et photographe subaquatique, Yannick Gouguenheim nous invite dans une mare secrète à la rencontre de ses tritons.
Ecologue, réalisateur et photographe subaquatique, Yannick Gouguenheim nous invite dans une mare secrète à la rencontre de ses tritons.
Le roi des tritons
Pouvant atteindre 18 cm pour la femelle et 16 cm pour le mâle, le crêté est le plus spectaculaire de nos tritons. Il dispose de doigts sensiblement élancés et d’un magnifique ventre jaune ponctué de taches noires rondes. Son nom fait référence à l’élégante crête que le mâle en parure nuptiale porte sur le dos. Sous cette allure de dragon miniature se dissimule un chasseur de vers, larves et petits crustacés qui s’attaque aussi à des proies plus imposantes telles que des sangsues ou des escargots. Contrairement à d’autres tritons, il ne boude pas les œufs toxiques du crapaud commun.
Perdus au milieu d’un désert de cailloux, quelques mètres carrés d’eau stagnante suffisamment profonde me permettent de m’immerger. J’ai passé des journées entières en repérage dans le sud de la France et visité plus d’une trentaine de sites avant de dénicher ce bijou. Une première plongée m’a offert de percer le secret jalousement gardé par cette mare. Sous sa surface sombre et ridée par la tramontane, j’ai découvert de magnifiques populations de tritons crêtés et marbrés, des amphibiens très rares dans la région.
La saison de photographie subaquatique des grenouilles, crapauds et compagnie s’est ouverte aux premiers redoux de février déjà. Les tritons, terrestres une bonne partie de l’année, ont depuis lors rejoint en nombre le petit plan d’eau encore glacé pour s’y reproduire. Nul besoin d’aller plonger en Arctique, à grand renfort de kérosène, pour découvrir la morsure du froid !
Après un début titubant, le printemps s’affirme avec vigueur. Je prépare mon appareil photo et le caisson étanche, enfile ma combinaison, ajuste mon masque. L’immersion est précautionneuse et patiente, les mouvements ralentis et attentivement maîtrisés. Un coup de palme trop appuyé ? La sanction est immédiate : mis en suspension, les limons troublent la gouille en quelques secondes en signant l’arrêt de la plongée.
Les tritons sont des animaux à sang froid. Ainsi, durant la période des amours, ils peuvent être un peu engourdis si l’eau est encore fraîche. Une aubaine pour le photographe quand on connaît la vitesse et l’agilité de ces prédateurs en temps normal. Il faut en profiter, car bientôt le printemps réchauffera la mare en favorisant le développement des micro-organismes qui réduiront la visibilité. Les tritons pleins d’énergie seront alors très difficiles à approcher.
Ce matin d’avril, la lumière est douce et il n’y a pas un brin de vent. Telle une couleuvre, je me glisse doucement dans mon royaume du silence. Les rayons du soleil dansent dans la flaque cristalline en suscitant en moi un émerveillement sans égal. Rapidement, mon regard s’habitue aux jeux d’ombres et de lumières. Au bout de quelques instants, je repère un premier triton crêté. Il flotte immobile dans une mini-jungle verdoyante. Sa forme allongée de lézard et sa crête dorsale ondoyant imperceptiblement dans l’eau lui confèrent un air de petit dinosaure ou de dragon. L’heure est à la patience… Un voyage dans les tréfonds de la préhistoire emporte mon imagination. Seul mon tuba dépassant de l’eau trahit ma présence et me relie au temps présent.
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Déclencher en mare
Pour réaliser des images subaquatiques respectueuses des animaux et des milieux, il faut suivre un protocole très strict. Yannick Gouguenheim collabore avec les associations de protection de la nature afin de repérer d’abord des mares suffisamment grandes et profondes pour s’immerger en limitant le dérangement des amphibiens et la dégradation de leur habitat fragile. Il espace toujours les plongées de quelques jours et reste sous l’eau au maximum pendant une heure et demie. En immersion, il réduit ses déplacements au minimum et évite de toucher tritons, grenouilles et compagnie, ces animaux étant protégés par la loi. Ce photographe responsable travaille sur une seule mare par an pour éviter tout risque de transmission de virus ou champignons pathogènes d’un étang à un autre.
Yannick Gouguenheim
Mi-homme mi-grenouille, Yannick Gouguenheim baigne en eau douce depuis qu’il sait marcher. Aujourd’hui photographe professionnel, ce biologiste a d’abord travaillé une douzaine d’années pour une association protégeant les rivières. Son rêve ? Avoir des branchies pour côtoyer nuit et jour crapauds, poissons et autres nymphes de mares et cours d’eau.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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