Le cincle, plongeur impressionniste
Peuplant lacs et rivières, le fascinant cincle offre au spectateur discret des scènes de vie animées. Immergeons-nous dans son écrin de couleur.
Peuplant lacs et rivières, le fascinant cincle offre au spectateur discret des scènes de vie animées. Immergeons-nous dans son écrin de couleur.
Originaire du sud de la France, Théo est écologue et journaliste scientifique à la Salamandre. Passionné par la photo depuis ses études d’écologie, il publie dans la presse et a réalisé une exposition naturaliste sur les lumières de la région Occitanie.
L’automne est la saison phare pour ralentir. Les jours raccourcissent et la nature se pare d’une palette de couleurs inspirante. C’est dans ce tableau que je viens de passer deux jours sur les traces de la discrète faune des Pyrénées. Dans le silence des cimes, j’ai tenté de m’imprégner de la poésie de cette période qui rend précieux chaque rare signe de vie sauvage.
Avant de rentrer fouler l’asphalte monochrome de la ville, je décide de m’offrir une dernière balade méditative au bord d’un lac ariégeois. En passant devant une petite cascade, je m’interroge sur l’éventuelle présence du cincle plongeur. Une fois arrivé au lac, je balaie les alentours d’un coup de jumelles et effectivement, en voilà un !
Je l’observe aller et venir depuis les berges jusqu’à une zone peu profonde. J’attends alors qu’il quitte les lieux et je me dirige vers son port d’attache, espérant son retour. Le temps d’enfiler ma tenue de camouflage sous le regard amusé de certains promeneurs, je me calfeutre rapidement derrière des fougères, les pieds au ras de l’eau. Tant pis pour la balade, l’affût fera office de reconnexion à l’instant présent.
Au bout de quelques minutes, j’aperçois la boule de plumes revenir et se poser sur un rocher en face de moi. J’en profite pour faire quelques photos à travers la végétation afin d’habiller le passereau de son environnement automnal. Je ne le quitte pas des yeux tandis qu’il plonge pour pêcher quelques larves d’invertébrés et autres insectes aquatiques, remontant parfois sur son perchoir minéral.
Cette espèce est habituellement nerveuse et méfiante, je suis étonné par le calme de cet individu qui semble s’accorder au diapason de la saison. Quelques regards de temps à autre dans ma direction semblent ponctuer sa routine sauvage, mais rien qui ne paraît troubler son quotidien. Celui qu’on appelle parfois le merle d’eau, en rapport à son chant, m’offre même quelques notes entre deux repas. Je profite du temps précieux que permet sa tolérance pour essayer une approche plus artistique.
Je ne cherche pas à réaliser des images très épurées et monochromes, bien que cela soit esthétique. Quelques années sous les tropiques m’ont appris à apprécier composer avec le spectacle des couleurs. Je décide de diminuer mon temps d’obturation pour gagner en luminosité et capter les ondulations de l’eau dues au courant. Mais cette petite boule trapue est très vive, et l’immortaliser demande normalement une haute vitesse de déclenchement afin d’obtenir une photo nette.
Dans la hâte, je n’ai pas pris mon trépied, normalement indispensable pour réaliser ce genre d’image. J’essaie alors de retenir au mieux ma respiration tout en me forçant à ne pas bouger. Après de multiples essais, je parviens enfin à capturer le cliché que j’imaginais. J’aime l’aspect pictural impressionniste qu’offrent les mouvements de l’eau, baignée par les lueurs de la végétation en hauteur.
Le saviez-vous ?
Longueurs d’ondes
En rencontrant l’eau, la lumière se décompose. Presque toutes les couleurs du spectre lumineux sont absorbées sauf le bleu qui se reflète à nos yeux. Chaque lac et rivière est composé de minéraux et d’organismes vivants différents, ce qui leur donne une palette unique de couleurs. En prévision de l’hiver, les protéines et la chlorophylle contenues dans les feuilles des arbres caduques sont recyclées pour récupérer de précieux éléments nutritifs. Le démantèlement de la chlorophylle verte révèle alors tous les autres pigments jaunes, oranges et rouges, qui se reflètent dans l’eau.
Marcher sous l’eau
Le cincle plongeur aime communément les rivières propres, rapides et bien oxygénées. Dans le tumulte des cascades et grandes eaux, il fait son nid et élève les jeunes qui apprendront à nager avant de voler. S’il se nourrit sur les rives, il est également capable de s’immerger pour de véritables chasses subaquatiques. Contrairement à la plupart des oiseaux, ses os sont pleins, ce qui le rend plus lourd et lui permet de se déplacer dans des eaux turbulentes, jusqu’à une profondeur de 1,5 m. Il se sert alors de ses ailes comme de pagaies et pêche en soulevant parfois les cailloux pour dénicher ses proies. Il les repère grâce à la membrane nictitante de son œil qui compense la réfraction du liquide.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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