Le grand tétras a besoin de plus de clairières en forêt
C’est d’abord l’évolution des forêts qui a provoqué le déclin des grands coqs. Pourtant, une exploitation sylvicole moderne, si elle respecte quelques règles, peut permettre leur survie.
C’est d’abord l’évolution des forêts qui a provoqué le déclin des grands coqs. Pourtant, une exploitation sylvicole moderne, si elle respecte quelques règles, peut permettre leur survie.
Je connaissais une petite clairière au cœur du Jura. Il y a dix ans, cinq ans, les grands tétras étaient là. Des crottes y témoignaient de leur passage. Aujourd’hui, des dizaines de jeunes hêtres ont poussé et la clairière s’est refermée. Plus d’herbes, plus de myrtilles, plus de coqs. Un théâtre de plus déserté par ses acteurs.
Le pré-bois
Le grand coq de bruyère est un oiseau forestier, mais il a besoin d’une forêt à moitié ouverte comme ces anciens prés-bois, ces forêts parcourues où le bétail venait pâturer autrefois.
Or, depuis un siècle, l’homme a séparé par des clôtures d’un côté les pâturages, de l’autre les forêts. Les uns complètement ouverts, les autres aussi fermées que possible. Plus de place entre ces deux extrêmes pour tous les oiseaux, plantes et insectes liés aux forêts claires et aux clairières. Le déclin des grands coqs était dès lors programmé.
Coqs et forestiers
Contrairement à ce que l’on croit souvent, ces oiseaux n’ont pas forcément besoin de vieilles forêts inviolées. Ce qui compte pour eux, ce n’est ni l’âge, ni le degré de sauvagerie d’une forêt, mais sa structure, sa richesse en un maximum d’éléments susceptibles de répondre à leurs besoins qui varient au fil des saisons. Les coupes forestières peuvent être extrêmement favorables aux coqs et aux poules, à condition que bûcherons et forestiers respectent quelques règles simples.
Des essais sur des parcelles pilotes dans le Jura vaudois démontrent que de tels égards occasionnent très peu de frais supplémentaires. Qu’ils peuvent être intégrés à une sylviculture moderne et rentable. Dans les forêts de Montricher, une parcelle pilote de 30 hectares est même parcourue par des vaches depuis trois ans à raison de deux semaines en septembre. Les résultats là aussi sont très encourageants.
L’urgence
On sait ce qu’il faut faire. Des fiches techniques à l’intention des professionnels ont été éditées aussi bien en France qu’en Suisse. Mais il faut agir vite. Le déclin des coqs est terriblement rapide. Dans plusieurs régions, des plans de gestion ont été adoptés pour les protéger au moment même où ces oiseaux disparaissaient. Or ceux qu’il faut sauver aujourd’hui sont les derniers…
Sapins blancs (nourriture hivernale)
Quelques grands hêtres (perchoirs et bourgeons appréciés au printemps)
Clairières avec perchoirs (places de chant)
Tapis de myrtilles et d’autres plantes nourricières
Fourmilières
Clairières herbeuses (nourrissage des jeunes)
Fourrés de jeunes arbres (cachettes)
Forestiers, que faire ?
- Exploiter la forêt par bouquets d’arbres
- Favoriser le sapin blanc et épargner le plus longtemps possible les vieux arbres
- Favoriser myrtilles et airelles par des mises en lumière
- Eclaircir au maximum le recrû des hêtres
- Limiter autant que possible les traitements sylvicoles entre avril et juillet
Les bourgeons de myrtille sont consommés dès la fonte des neiges. Puis c’est le tour des feuilles et des fruits. Cet arbuste joue un rôle essentiel dans l’alimentation du grand tétras. On devrait parler de grand coq des myrtilles plutôt que de grand coq de bruyère.
Le hêtre, même s’il est apprécié au printemps pour ses bourgeons, pose actuellement de gros problèmes aux coqs. L’abandon du pâturage en forêt a permis à cet arbre vigoureux de coloniser très rapidement les clairières en étouffant myrtilles, airelles et sorbiers indispensables au gallinacé. En dessus de 1’200 mètres, le forestier a intérêt à couper ces jeunes arbres pour favoriser sapins et épicéas, beaucoup plus productifs. Quand survie des coqs et sylviculture vont dans le même sens…
Cousine des grands tétras, secret habitant des fourrés de saules et de noisetiers, la gélinotte elle aussi est menacée. Même si ses besoins sont sensiblement différents, une gestion de la forêt favorable au grand coq lui assurera un avenir. C’est aussi le cas de la bécasse, de la petite chouette chevêchette ou de papillons comme le collier argenté.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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