Pourquoi certaines plantes sont-elles toxiques ?
La réponse d'Emmanuel Defossez, spécialiste en écologie végétale et biostatisticien, maître-assistant à l’Université de Neuchâtel.
La réponse d'Emmanuel Defossez, spécialiste en écologie végétale et biostatisticien, maître-assistant à l’Université de Neuchâtel.
«Principalement pour se défendre contre les herbivores ou les pathogènes, puisqu’elles ne peuvent pas fuir ! Elles synthétisent des toxines à partir des matières premières à disposition dans l’air et le sol. Ces substances, qui font partie de leur métabolome*, diffèrent selon les espèces et sont souvent concentrées au niveau des tissus exposés. Par exemple, le muguet produit des cardiotoxines dans ses feuilles et tiges contre les herbivores. L’aconit accumule dans ses racines des alcaloïdes neurotoxiques contre les organismes du sol.
Ces toxines sont-elles prévues pour tuer ?
Face à des mammifères ou à des oiseaux, les plantes ont plutôt intérêt à développer un goût désagréable qui incite à les éviter par la suite et pousse un prédateur à transmettre cet apprentissage à ses congénères. C’est donc souvent un effet collatéral si un composé est mortel pour l’humain ! La ciguë, par exemple, cible les insectes en chargeant ses graines de coniine. Ce neurotoxique se fixe sur leurs récepteurs nicotiniques et les paralyse temporairement, sans forcément les tuer.
Coup du sort évolutif, nous possédons ces mêmes récepteurs dans nos poumons et la paralysie respiratoire est vite mortelle. L’inverse est aussi vrai : des poisons contre les insectes s’avèrent médicinaux ou bénéfiques pour notre santé, comme les polyphénols, de puissants antioxydants !
Toute plante a intérêt à être immangeable, non ?
Eh bien, produire ces substances a un coût, à mettre en balance avec les bénéfices. L’énergie investie dans la défense ne le sera pas dans la croissance. Dans un but d’économie, certaines plantes ne produisent des composés de défense qu’en cas d’attaque, on parle alors de défenses induites. Et puis, d’autres stratégies de survie existent : miser sur la productivité en poussant plus vite que l’on est mangé, ou choisir une protection mécanique comme des épines.
Qui gagne en fin de compte, plantes ou ennemis ?
Les cartes sont sans cesse redistribuées ! Certains insectes développent des résistances. D’autres séquestrent les poisons dans leurs propres tissus afin de devenir à leur tour toxiques pour leurs prédateurs, comme les chenilles de l’écaille du séneçon. Cette course à l’armement pousse à une diversification phénoménale des composés spécialisés. Actuellement on pense connaître moins de 5 % des molécules produites par les plantes, estimées à plusieurs millions.»
*Métabolome
nom m. C’est l’ensemble des composés chimiques produits par un être vivant. Il représente une signature unique de cet organisme dans son environnement. Le projet Earth Metabolome, co-initié par Emmanuel Defossez, vise à décrire l’intégralité de ces molécules à l’échelle de la planète.
Retrouvez les réponses à vos questions dans notre rubrique Questions nature.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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