Le printemps des amphibiens aux étangs de Bonfol
Aux confins de l’Ajoie, l’hiver relâche son emprise sur les étangs de Bonfol. Une période pleine de défis pour les grenouilles, crapauds et tritons qui viennent s’y reproduire.
Aux confins de l’Ajoie, l’hiver relâche son emprise sur les étangs de Bonfol. Une période pleine de défis pour les grenouilles, crapauds et tritons qui viennent s’y reproduire.
Depuis la gare de Vendlincourt, les Franches-Montagnes forment une ligne blanche à l’horizon. Après deux semaines franchement printanières, la neige tombée cette nuit sur les hauteurs ressemble à un baroud d’honneur des frimas. Sur les bords de la petite route qui sort du village, les noisetiers arborent fièrement leurs chatons, comme autant de bannières annonçant le retour imminent des beaux jours.
« Les grenouilles rousses ont déjà bien entamé leur réveil, note Patrick Röschli, correspondant jurassien du Centre de coordination pour la protection des amphibiens et reptiles de Suisse. Ce coup de froid a sûrement été une mauvaise surprise pour elles. Le climat déréglé mène la vie dure à ces animaux sensibles, avec des redoux en plein hiver puis des rechutes soudaines de températures pendant leur reproduction. »
En eaux troubles
A la lisière de la forêt, le chemin longe un étang aux eaux sombres. De nombreux réservoirs tels que celui-ci ont été creusés dans la région au tournant du XVIe siècle, principalement pour y élever des carpes. « Berges raides, végétation aquatique minimale et poissons voraces, une partie de ces étangs est franchement défavorable pour les amphibiens, précise Patrick. Mais, sans pisciculture, il n’y aurait pas de plans d’eau, et donc encore moins de sites de ponte. » Tritons, crapauds et grenouilles adoptent de préférence les zones peu profondes. L’eau s’y réchauffe plus vite, les plantes y sont plus nombreuses et les prédateurs à nageoires ont plus de mal à s’y faufiler.
La forêt qui s’étend le long des berges est surtout composée d’épicéas. Ces arbres poussent normalement plus haut en altitude. Ici, ils ont été plantés il y a quelques décennies pour la production de bois. Sur la piste, de grandes ornières inondées témoignent d’ailleurs du passage d’engins forestiers. Pas très naturel, et pourtant le spécialiste des amphibiens se réjouit. « Ces trous d’eau temporaires sont très appréciés par le sonneur à ventre jaune, un petit crapaud menacé en Suisse. Mais il faudrait limiter l’accès des véhicules durant la période de reproduction pour ne pas écraser adultes et têtards. »
Forêt libre
Un peu plus loin, les conifères cèdent la place à de grands chênes aux branches tortueuses. Le changement est toutefois plus profond qu’un simple remplacement d’essences. « Ici, la forêt est laissée en libre évolution depuis de nombreuses années : plus de coupe, plus de reboisement. Ces derniers temps, ce coin de bois a beaucoup moins souffert du réchauffement que les plantations. » Au sol, des souches et des troncs vermoulus attirent l’attention de l’herpétologue : voilà d’excellents refuges pour le repos hivernal des amphibiens. La plupart de ces animaux passent en effet la saison froide en dehors de l’eau, et ils ont besoin d’abris protégés du gel. « C’est tout l’intérêt de cette zone, insiste le passionné , ici on trouve des étangs entourés de forêts riches en bois mort. De quoi se reproduire en été et se cacher en hiver. En plus, il n’y a pas trop de routes, ce qui limite le risque que les amphibiens se fassent aplatir durant leur voyage d’un milieu à l’autre. »
La grande faucheuse
Sur la berge du Neuf-Etang, un observatoire permet d’admirer les oiseaux qui apprécient le plan d’eau. Quelques harles bièvres nagent tranquillement à la limite des roseaux. Un jeune héron somnole, perché sur une branche morte. « Des bécassines et des chevaliers s’arrêtent parfois ici sur leur route migratoire, ajoute Patrick, les yeux vissés aux jumelles. Le second cabanon, qu’on aperçoit sur la rive d’en face, est un bon coin pour voir le martin-pêcheur de près. »
Vers l’aval des étangs, les arbres de la berge laissent place à une vaste prairie. Ce changement de décor est apprécié des cigognes, dont plusieurs couples nichent à quelques kilomètres de là. Elles viennent régulièrement arpenter cette étendue d’herbe pour y chasser insectes, rongeurs… et amphibiens. Les grands échassiers ne sont toutefois pas la principale menace qui pèse sur ces fragiles animaux. « Ces champs sont souvent fauchés vers le 15 juin, juste au moment où les jeunes crapauds et grenouilles sortent de l’eau, s’inquiète le naturaliste. Pour éviter l’hécatombe, nous sommes en train de négocier avec l’agriculteur afin de garder des zones refuges autour des étangs de Bonfol et de prévoir la coupe à une période moins sensible. » Protéger les amphibiens, voilà qui semble approprié dans une commune où les habitants sont appelés les crapauds !
Tous les rebondissements de la reproduction des grenouilles dans notre dossier.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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