© Fleur Daugey

Coulisses de bisses

Le long des bisses d'Ayent et de Sion, l'eau court abreuver les cultures des hommes. Des plantes s'y désaltèrent aussi et suspendent leur destin au fil de ces flots.

Le long des bisses d'Ayent et de Sion, l'eau court abreuver les cultures des hommes. Des plantes s'y désaltèrent aussi et suspendent leur destin au fil de ces flots.

On dirait le Sud. La montagne valaisanne exhale l'air chaud et sec des ambiances méditerranéennes. Ici, l'eau est un trésor que les nuages ne pourvoient pas. Depuis le Moyen Age, les montagnards sont partis en quête de celle des torrents glaciaires, au prix d'efforts surhumains. Leurs bisses guident encore aujourd'hui cet or bleu vers les plantations des vallées. L'onde parcourt alors des terrains granitiques et calcaires où s'épanouit une végétation extrêmement variée.

Bisse d'ayent photo
L'impressionnant bisse d'Ayent serpente le long des falaises. / © Johannes Gerber

Soif de sec

A deux kilomètres d'Anzère, une aposéris fétide au bord du chemin. La vivace, dont les fleurs ressemblent à celles du pissenlit, s'accroche à un sol maigre. En ce mois d'août, seules ses feuilles profondément découpées indiquent sa présence. Les froisser dégage cette odeur de pomme de terre pourrie qui lui a valu son nom.

Apostéris fétide
Apostéris fétide / © Fleur Daugey

Plus loin, les pentes arides sont peuplées de végétaux ultra-résistants comme le stipe calamagrostide, une herbe qui lance ses poils drus pareils à des crins de cheval. C'est aussi le territoire du genêt radié, un arbuste qui n'existe en Suisse qu'en Valais central où il couvre de si grandes zones qu'on le considère comme une mauvaise herbe.

Fureur de vivre

Au côté de ces coriaces poussent des opportunistes assoiffées, n'apparaissant que lorsque le bisse veut bien couler. Les linaigrettes aux pompons de coton apprécient de garder les pieds dans l'eau et trouvent sur les berges un éden temporaire où plonger leurs racines. Elles doivent se dépêcher de vivre, car le bisse gouverne leur existence au gré des caprices des hommes. Il suffira qu'ils coupent l'arrivée d'eau pour mettre fin aux naissances miraculeuses.
Mais pour l'instant, l’angélique des bois expose encore ses larges ombelles au-dessus de l'eau laiteuse chargée de sels minéraux. D'autres êtres profitent aussi de la manne liquide. Bien qu’artificiel, le cours d’eau offre un abreuvoir providentiel aux chevreuils, sangliers et renards. Ils se régalent aussi des herbes tendres qui poussent sur les rives. Le randonneur, lui, aura découvert un compagnon qui surprend et envoûte : ce bisse qui offre une respiration au cœur de l'étuve.

Angélique des bois photo
Angélique des bois / © Fleur Daugey

Angélique, marquise des plantes

L'angélique des bois est une herbacée vivace qui s'épanouit l'été dans les clairières et les vallons humides. Rare en région méditerranéenne comme en Valais, elle profite de la présence du bisse pour faire quelques apparitions. L'apiacée peut vivre plusieurs années mais ne fleurit qu'une fois et meurt lorsque les graines sont arrivées à maturation.
Ses ombelles mellifères attirent de nombreux pollinisateurs tels que les abeilles sauvages et les syrphes, ces mouches déguisées en guêpes. Pouvant atteindre deux mètres de haut, la plante est reconnaissable à ses feuilles très grandes à folioles larges et à sa tige striée creuse et souvent rougeâtre. Attention à ne pas la confondre avec la grande ciguë à l'odeur fétide et dont le poison est célèbre !
Sa cousine domestique, l'angélique officinale, est utilisée en herboristerie pour ses propriétés stimulantes pour le corps et l'esprit. L'angélique des bois possède les mêmes propriétés médicinales mais en concentration moindre.

Itinéraire

Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.

Bisses de sion et d'ayent

Anzère > Arbaz

durée: 5h00

dénivelé: 250 m en montée, 470 m en descente

  • A la descente du car, repérer le sentier pédestre le long du bisse de Sion direction Tseuzier (1).
  • Avant d'arriver aux Rousses, à droite, suivre Samarin Sion (2). Attention, le chemin se partage en deux, il est facile de se tromper.
  • Veiller à rester sur celui qui descend sur votre gauche.
  • Traverser la route puis suivre Bisse d'Ayent (3).
  • A l'endroit où deux bisses se croisent, emprunter la route sur la droite pendant 5 minutes pour reprendre le bus au Restaurant du Lac (4).

Le bitailla

Arbaz > Saint-Romain

durée: 1h30

dénivelé: 15 m en montée, 220 m en descente

  • Au-dessus de l'arrêt de car du Restaurant du Lac à Arbaz, prendre la route qui dessine un virage en épingle.
  • La suivre pour atteindre un chemin qui conduit au Bitailla juste après être passé près d'une maison (4).
  • Suivre le bisse jusqu'aux répartiteurs (5).
  • Arrivé sur un chemin carrossable, prendre la direction de Saint-Romain/Ayent Saxonne jusqu'à l'arrêt de car du même nom (6).

Accès en transports publics

Par le train jusqu'à la gare de Sion : cff.ch . Puis en car postal, arrêt Anhère-Télécabine

Hébergement et tuyaux gourmands

Office du tourisme du canton du Valais. +41 (0)27 327 35 70

Chambres d’hôte de Sonia et Blaise Constantin à Arbaz. Confortable studio pour une à quatre personnes. 45 CHF/nuit avec petit déjeuner. Possibilité de commander un repas de spécialités valaisannes. +41 (0)27 398 32 35

Loger dans un mayen datant de 1741 à Saint-Romain. Confort et authenticité pour les amoureux des vieilles pierres. +41 (0)79 638 08 55

[Chez Guy du Lac](http:// www.guydulac.ch), à Russin. Poissons, viandes et spécialités locales, une bonne adresse ! +41 (0)27 398 24 84

Le Grenier à Anzère. Ce restaurant vous propose des spécialités locales dont les spaghettis flambés. Grande terrasse avec vue. +41 (0)27 398 20 25.

La Riante Auberge à Ayent. Cuisine traditionnelle, établissement recommandé par Passeport Gourmand Valais, +41 (0)27 398 44 00.

Les règles d’or

  • L'itinéraire n'est pas dangereux mais certains passages peuvent être difficiles pour les personnes sensibles au vertige.
  • Rester sur les chemins, tenir les chiens en laisse.
  • Ne rien jeter dans les bisses et ne pas faire de barrage. En 1306, celui qui interrompait le cours du Bitailla était passible d'une amputation de la main !

Eclairage par Armand Dussex

Armand Dussex
Armand Dussex / © Fleur Daugey

Armand Dussex a été le gardien de la cabane des Audannes, au pied du glacier du Wildhorn (VS), pendant 16 ans. Aujourd'hui, ce naturaliste et humaniste hyperactif a passé le relais mais garde une passion sans bornes pour la montagne et ses hommes. Le septuagénaire est l'un des initiateurs du futur Musée des Bisses de Botyre, près d'Ayent.

A) Un musée sur les bisses « Installé dans la magnifique Maison Peinte de Botyre, ce musée remonte le temps prochain pour présenter l'histoire des quelque 200 bisses du Valais et préserver ce patrimoine hors du commun. »

Armand Dussex
Armand Dussex est l'un des initiateurs du Musée des Bisses de Botyre, près d'Ayent / © Fleur Daugey

B) L'ancêtre du XIVe siècle « Construit vers 1307, le Bitailla (contraction de Bisse et de Tailla) est le plus ancien bisse du Valais. Son nom vient du fait qu'il est partiellement taillé dans la pierre. Le second itinéraire proposé ci-contre permet de le découvrir. Doté d'un répartiteur, il distribue l'eau vers les communes d'Arbaz et d'Ayent. Il s'agit d'un des seuls à demeurer en eau toute l'année. »

C) Complètement marteau « Sur le parcours du bisse d'Ayent, un marteau est installé à l'entrée du tunnel de Torrent-Croix. Le passage de l'eau dans une roue à palettes actionne cet outil qui fait retentir un son sec et tonitruant. S'il devient silencieux, le garde est averti à distance que le cours de l'eau est interrompu. »

D) Excursions estivales « Tous les mercredis d'août, l'association OdysseVs emmène petits et grands à la découverte de l'histoire et de la nature des bisses entre Lienne et Sionne. La pause café et la dégustation sont comprises dans le prix. » Infos et inscriptions : +41 (0)79 214 65 37

Couverture de La Salamandre n°205

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 205  Août - Septembre 2011
Catégorie

Balades

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