© Michel Balanche

Attention, chute de mercure !

Isolée, recouverte de marais et de forêts profondes, malmenée par des hivers au climat impitoyable, la vallée de la Brévine fut longtemps inhabitée. Balade en Sibérie.

Isolée, recouverte de marais et de forêts profondes, malmenée par des hivers au climat impitoyable, la vallée de la Brévine fut longtemps inhabitée. Balade en Sibérie.

Sur la place de la Poste, le thermomètre indique -25 °C. Il est 8h30, le village est encore dans l’ombre. L’air sec et glacial pique le visage et colle les parois nasales à chaque inspiration. Heureusement, la bise est tombée. Bonnet de laine, écharpe et moufles rembourrées tiennent au chaud.
Les dernières bourrasques nocturnes ont eu raison des brumes matinales caractéristiques des nuits polaires. Aucun givre ce matin, mais un air cristallin sous ciel bleu azur. Cette vallée glaciaire en cuvette est un piège à air froid. C’est ici que fut enregistré en 1962 le record absolu de température négative en Suisse, –42,6 °C.

Roi miniature

Une courte pause avant de pénétrer dans la forêt. Le silence est cristallin. Un minuscule oiseau explore la base d’un tronc d’épicéa. Mouvements vifs. Le roitelet huppé, poids plume de 5 grammes, est un champion. Comment un organisme si petit, toujours en mouvement et de surcroît insectivore peut-il survivre dans de telles conditions ? Pour résister au froid, il doit consommer quotidiennement son propre poids en insectes, araignées et autres invertébrés. Si l’hiver est rude, une partie de la population meurt, laissant en vie les individus les plus résistants. Implacable mais saine sélection naturelle !

Empreintes de chevreuil
Empreintes de chevreuil / © Benoît Renevey

Traces de vie

Dans les pâturages qui succèdent aux pentes boisées, l’abondance des empreintes et des pistes témoigne de la vie qui règne sur ces étendues désertes en apparence. Ici, le spectacle se donne dans l’intimité de la nuit. Une voie conduit sous les branches basses d’un épicéa. Les chevreuils ont gratté la neige où elle est la plus fine. Feuilles sèches, faînes, glands, mousses, lierre, aiguilles de sapin blanc, feuilles de ronces et de gui : leur nourriture hivernale est pauvre et rare. Elle rend l’espèce vulnérable.

Une lente renaissance

Changement de vallée. Celle des Ponts-de-Martel, comme sa voisine, était autrefois recouverte de tourbières, de pinèdes et de boulaies. Aujourd’hui, après une exploitation outrancière, il n'en reste que quelques lambeaux. Les Marais Rouges en sont un beau témoin. D’importance nationale, ces hauts-marais sont en voie de régénération. Mais les blessures sont profondes et la cicatrisation lente. Il faudra de nombreuses années pour voir renaître la tourbière, milieu d'exception, dans toute sa richesse.

Roi du Jura

L’épicéa est l'emblème de la forêt jurassienne. Ce conifère se plaît aussi bien sur les pentes boisées en compagnie du hêtre, de l’érable ou de son cousin le sapin blanc qu’isolé dans les prés. Il est à l’origine du fameux pâturage boisé typique des pentes douces du Jura. Son adaptation au froid est remarquable. Il supporte des températures extrêmes de l’ordre de -40 °C. En altitude, son tronc allongé porte des branches courtes et incurvées vers le bas, ce qui limite la charge neigeuse. Ses aiguilles sont plus courtes et plus serrées, réduisant la transpiration et le protégeant d’une dessiccation hivernale qui pourrait être fatale.

L'épicéa, roi de la Brévine
Pâturage boisé sous la neige / © Michel Balanche

Itinéraire

Accédez à la carte détaillée de cette balade dans le PDF en bas de page.

D'une vallée à l'autre

La Brévine – Les Ponts-de-Martel

durée: 5h00

  • Sortir du village direction La Chaux-du-Milieu (1).
  • Tirer à droite avant le grand bâtiment agricole (2) puis suivre le balisage jaune.
  • Viser la lisière forestière (3) puis prendre à droite sur la route.
  • A la sortie de la forêt (4), tirer à gauche.
  • Arrivé au Cervelet Dessous (5), poursuivre à flanc de coteau par la forêt.
  • A l’intersection (6), se diriger sur la Combe Vuillier, à gauche. Au point (7), viser le panneau jaune au fond de la combe puis prendre la direction Combes Derniers. On évite les chiens de la ferme en se déportant en aval du chemin (8).
  • Poursuivre tout droit (9) pour joindre la gare ou bifurquer à droite direction Scie des Creux si l’on souhaite faire la boucle dans la plaine.

12'000 ans d'histoire

Les Ponts-de-Martel - Les Ponts-de-Martel

durée: 1h00

  • Pousser jusqu’au pont (10) pour profiter pleinement du cours d’eau et de ses berges remarquables.
  • Revenir sur ses pas puis bifurquer à droite (11) en direction des Marais Rouges.
  • Après les baraquements (12), possibilité de faire une boucle sur un sentier pédagogique bien aménagé.
  • A l’extrémité du dernier bâtiment (13), partir à gauche et longer la clôture.

Accès en transports publics

Train jusqu’à Couvet puis bus jusqu’à La Brévine. Retour en bus des Ponts-de-Martel à Neuchâtel ou en train via Le Locle. cff.ch

Hébergement et tuyaux gourmands

Office du tourisme de Neuchâtel, bureau de La Chaux-de-Fonds, +41 32 889 68 95

Le Gîte des Cottards, Le Brouillet. Au-dessus du lac des Taillères, dans une maison individuelle. +41 32 935 11 81.

Chez Bichon, La Brévine. Cuisine traditionnelle dans un joli cadre au-dessus du lac des Taillères. +41 32 935 12 58.

Hôtel-restaurant Von Bergen, La Sagne. Ancien bâtiment avec beaucoup de cachet. Cuisine mijotée au feu de bois. +41 32 931 03 18.

Café-restaurant des Poneys, Les Ponts-de-Martel. Chambres à la ferme et dortoir. +41 32 937 14 36

Pinte de la Petite Joux, au-dessus des Ponts-de-Martel. Restaurant d’alpage au cœur du pâturage boisé. +41 32 937 17 75,

Règles d'or et conseils

  • En hiver, conditions souvent rudes. Bien se couvrir, en particulier les extrémités et la tête.
  • Pique-nique et boisson chaude en suffisance.
  • Selon la neige, guêtres et raquettes indispensables. Bâtons de marche recommandés.
  • Par égard pour la faune, ne pas quitter les chemins en forêt.

Eclairage par Yvan Matthey

Yvan Matthey
Yvan Matthey

Enfant du Jura neuchâtelois, c’est en fin connaisseur qu’Yvan Matthey arpente depuis des décennies les vallées de la Brévine et des Ponts-de-Martel. Sa licence et son travail de doctorat obtenus à l’Université de Neuchâtel le conduisent à approfondir ses connaissances sur la flore et les sols des deux vallées glaciaires. Mais Yvan ne se contente pas de théorie. Homme de terrain, il met en pratique ses connaissances avec, entre autres, un projet de régénération de la tourbière du Marais Rouge. Sa volonté d’agir en faveur de la nature l’incite à créer en 1984 le bureau d’étude Ecoconseil. Depuis 2007, il est responsable des réserves naturelles de Pro Natura Neuchâtel ; il coordonne ainsi le suivi de plus d’une vingtaine de sites protégés.

A) Des expos au Grand-Cachot « Le Grand-Cachot-de-Vent est l’une des plus anciennes fermes du canton. Les vestiges les plus vieux datent du début du XVIe siècle. Le bâtiment a trouvé une nouvelle vocation dans les années 1960 avec la création d’un centre culturel. Admirablement restauré, on peut le visiter lors des expos artistiques. »

B) Patinage au naturel « Le lac des Taillères est un joyau en toutes saisons. Sa rive sud est ourlée d’épicéas alors que les eaux de la rive nord lèchent des pâturages où se dresse l’une ou l’autre ferme typique de la région. En hiver ses eaux gèlent. Il est fréquent de pouvoir y patiner. » Etat de la glace sur : services-touristiques.ch

C) Un toit pour les ouailles « La chapelle de Bémont fut construite et inaugurée en 1768, alors qu'en raison de l'enneigement qui isolait les fidèles, de nombreux services furent jusque-là simplement donnés dans des granges. Elle est bien reconnaissable à son clocher coiffé d’un toit en bonnet de prêtre. »

D) Les marécages des Ponts-de-Martel « Le sentier didactique du site marécageux des Ponts-de-Martel forme une boucle de 2,5 km au nord du village. On apprend dans le détail la genèse du paysage qui s’offre à nos yeux et son évolution suite aux multiples activités de l’homme. » Détails de la balade et brochure à télécharger sur randonature.ch/15

E) Wall of fame naturaliste « Au sud des Ponts-de-Martel, l’Allée des naturalistes est un lieu chargé d’histoire. Au milieu du XIXe siècle, le savant Edouard Desor invite durant 25 ans des scientifiques pour des débats d'idées. Il fait graver leur nom sur les troncs d’une allée menant à son domaine. La tradition s’est maintenue et l’on peut encore déchiffrer les inscriptions. L'accès au domaine de la Combe-Varin se fait depuis le restaurant du Haut-de-la-Côte, au-dessus du Joratel. »

F) Ballet royal « Le milan royal est l’un des plus beaux rapaces de Suisse. La côte boisée au-dessus du Marais de Brot abrite en hiver un dortoir de 50 à 60 individus selon la couverture neigeuse. Le meilleur endroit pour observer leur ballet aérien se situe le long de la route. C’est au cœur de l’hiver et en fin d’après-midi qu’on a les meilleures chances d’apercevoir ces majestueux oiseaux. »

Couverture de La Salamandre n°213

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 213  Décembre 2012 - Janvier 2013
Catégorie

Balades

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