© mair.ch

Le vrai visage du Gottéron

Aux portes de Fribourg, une plongée dans les temps anciens. Rencontre avec une rivière à qui l’hiver donne le temps de se confier, en attendant le dégel.

Aux portes de Fribourg, une plongée dans les temps anciens. Rencontre avec une rivière à qui l’hiver donne le temps de se confier, en attendant le dégel.

Gottéron. Derrière ces trois syllabes scandées par les supporters de hockey, on oublie parfois l’origine du nom. Le Gottéron, celui des origines, dégage un je-ne-sais-quoi d’éminemment moyenâgeux. Pour l’aborder, il faut se perdre d’abord en vieille ville de Fribourg. Tours de guet, remparts, ponts couverts, ruelles et venelles, autant de témoins du passé que surveillent de loin la cathédrale et sa couronne de clochetons. Ici, en Basse-Ville, la molasse est taillée en moellons, empilée, façonnée, jointoyée. Là-bas, dans la vallée du Gottéron qui nous attend, elle se contentera d’être polie, lissée, poncée, lustrée par le courant. Que ce soit sous l’effet de l’eau ou du burin, son visage reste celui de la patience qui, peu à peu, l’a sculptée.

Le silencieux

Le Gottéron a quelque chose d’effacé et de silencieux, comme un vieil ermite à l’écart du tumulte citadin. Il tutoie la ville, s’en éloigne à peine d’un jet de pierre pour se soustraire à la présence des hommes, sans l’oublier tout à fait, à l’instar de ce renard dont les flâneries sont venues zébrer la neige fraîche. Dans cette vallée secrète, les mystiques médiévaux ont su trouver sans nul doute paix et méditation comme le rappelle soudain, dans un souffle de vent, le carillon de l’abbaye voisine de la Maigrauge.

L’industrieux

La pierre de leurs bâtisses. La sérénité de leur âme. Les liens entre les hommes et la rivière ne s’arrêtent pas là. A l’entrée des gorges se dressent encore des bâtiments implantés ici pour profiter de la force de l’eau. Le lieu-dit « Ameismüli », au bout de nos chaussures, conte l’histoire d’un moulin. A l’heure où les défricheurs s’échinaient encore à gagner sur la forêt des terres agricoles, les forces naturelles actionnaient le quotidien des scieurs et des meuniers. Autre temps, autres enjeux. L’équilibre entre l’être humain et les ressources naturelles était déjà essentiel.

Le miraculeux ?

Perdu dans les gorges du Gottéron, envoûté par les jeux d’un cincle plongeur, le temps paraît presque une ineptie. Au loin, un moteur vient néanmoins réveiller le présent assoupi sous le givre. Si aujourd’hui la rivière s’offre encore à nous avec un visage intemporel, c’est peut-être parce que jadis, en un petit matin de janvier moyenâgeux, des hommes comme vous et moi, déjà, laissaient leurs pensées glisser librement à la surface du cours d’eau grignoté par les glaces. Et quoi de mieux qu’une rivière pour nous persuader que tout peut être recommencement, tant que nous laisserons l’eau couler sous les ponts ?

Capillaire rouge (Asplenium trichomanes) / © Jacques Doutaz

Les cheveux de la pierre

En Basse-Ville ou dans les gorges du Gottéron, sur de vieux murs ou dans les falaises, la molasse omniprésente s’offre ici et là une délicate frange verdoyante. A y regarder de plus près, vous découvrirez peut-être une petite fougère au feuillage persistant et à la tige brunâtre : le Capillaire rouge ( Asplenium trichomanes ), un nom qui en dit long sur sa capacité à coiffer les rochers !
Certes, la plante ne paie pas de mine, mais elle montre une obstination peu commune à coloniser des milieux pourtant peu favorables à la végétation : dans les fissures de rochers, la terre est rare, l’approvisionnement en eau et en matières nutritives souvent difficile et les écarts de température importants. Cette fougère pionnière sait se contenter d’une existence frugale comme toutes les plantes dites saxicoles, c’est-à-dire, poussant sur les rochers. Si la plante est discrète, son feuillage toujours vert la rend plus visible que d’ordinaire en hiver.

Eclairage par Gregor Kozlowski

Gregor Kozlowski

Gregor Kozlowski a découvert les gorges du Gottéron alors qu’il rédigeait sa thèse de doctorat à l’Université de Fribourg. Assistant en botanique, il y trouvait de quoi agrémenter les cours de ses étudiants. Aujourd’hui, il est responsable scientifique du Jardin botanique. Il est aussi coauteur d’un ouvrage qui présente l’étonnante diversité de la flore de cette ville, due en partie aux affluents de la Sarine qui y déportent des plantes vivant d’ordinaire à plus haute altitude.

Chamois vu près du Gottéron / © Alessandro Staehli

**Les chamois du Gottéron **« Malgré la faible altitude et la proximité immédiate avec le milieu urbain, les gorges du Gottéron abritent une petite population de chamois. Peut-être aurez-vous la chance d’en apercevoir durant votre balade ? »

**Les dépôts de tuf **« En suivant le sentier qui longe le Gottéron, vous allez rencontrer de magnifiques dépôts de tuf. A l’endroit où l’eau ruisselle lentement, le calcaire qu’elle contient se dépose pour former de véritables dentelles de rocher. Vous pourrez même y découvrir, à la belle saison, la grassette, une plante carnivore. »

**La cathédrale de Fribourg **« Celle-ci est visible depuis l’entrée des gorges du Gottéron, car située exactement dans l’axe du cours d’eau. Hasard ou volonté des bâtisseurs ? Peu importe, une visite de l’édifice vaut le détour ! »

**Le Jardin botanique de l’Université de Fribourg **« La vallée du Gottéron est belle sous la neige, mais si la végétation vous manque, venez vous réchauffer dans les serres du Jardin botanique. Vous pourrez par exemple oublier les frimas à l’ombre des plantes tropicales. Un sympathique contraste au cœur de l’hiver ! »

Couverture de La Salamandre n°207

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 207  Décembre 2011 - Janvier 2012
Catégorie

Récit des balades

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