Quand rôde la martre
Après une longue partie de cache-cache avec la martre, le photographe Stéphane Raimond parvient à saisir un portrait féerique de sa furtive voisine.
Après une longue partie de cache-cache avec la martre, le photographe Stéphane Raimond parvient à saisir un portrait féerique de sa furtive voisine.
Comme beaucoup de gens, à la maison, nous distribuons des graines et de la graisse aux oiseaux en hiver. Admirer le ballet des passereaux à quelques mètres de la fenêtre de la cuisine est un passe-temps agréable durant ces mois sombres et froids. Les résidus de tournesol tombés par terre régalent d’autres visiteurs. A la faveur de l’éclairage intérieur se diffusant dehors, nous admirons en famille des renards qui viennent dérober ces miettes. Mais voilà, certains matins ce sont bien plus que des restes qui disparaissent : presque tout le contenu de la mangeoire se volatilise. Renard et mulot ne sont plus les suspects numéro un dans cette affaire. J’ouvre alors une enquête. A y regarder de plus près, le poteau qui supporte le self-service à oiseaux est tout griffé ! Patience, le voleur finira par être démasqué.
Quelques jours plus tard, je n’en crois pas mes yeux : une martre apparaît devant la fenêtre ! On dirait que l’hiver transforme cette chasseresse habituellement invisible en opportuniste culottée…
Etait-ce une hallucination ? Pendant un temps, la bête ne revient pas, ou alors à mon insu. Puis, miracle, l’arrivée de la neige apporte des indices de passage de la chapardeuse. Des traces du mustélidé sortent du bois en direction de notre foyer. Elles montrent cinq doigts très marqués et sont plus petites que celles
de la loutre, une autre voisine que
je connais très bien. J’ai envie de photographier cette martre dans la neige. Je commence les affûts, derrière la baie vitrée, en limitant les reflets à l’aide de rideaux. Mais la bête est sans cesse sur le qui-vive. Pas tant par ma faute, mais plutôt par peur des renards. Au fil des soirées, j’accumule quelques images souvenirs sympa. L’animal est attachant. Les vues sont parfois si proches que j’entrevois son intimité : c’est un mâle. Depuis l’extérieur, je le photographie devant la maison et même sur nos fenêtres. Mais je me prends à rêver d’une image défi : une martre en pleine course sous les flocons. Grand-angle, mise au point manuelle, probabilité que la bête se présente lors d’une rare chute de neige… le tout sans que son galop soit une fuite de dos à cause de moi… c’est presque impossible. Mais je suis optimiste et très patient. Après de nombreuses observations courant janvier, la chance me sourit tout début février. Il neige, je suis allongé au ras du sol. J’aperçois une ombre et je sens que l’animal est là. Il surgit et fait quelques passages inquiets. Son museau fouine un instant sous la mangeoire, puis le carnivore lève la tête en direction du bois. Le couple de renards doit le stresser. Il s’enfuit dans une course effrénée juste devant moi. Je déclenche à plusieurs reprises puis découvre avec émotion la martre soyeuse sous une pluie d’étoiles.
Martre qui fouine ou fouine qui marque ?
Si ce n’est pas l’une, c’est l’autre. Bien que la martre soit essentiellement forestière et qu’elle s’aventure moins volontiers près des habitations, ce n’est pas un élément suffisant pour trancher. De même, la fouine choisit d’établir son gîte dans les bâtiments des humains, mais son domaine vital n’évite pas les bois, loin de là. La martre est plus haute sur pattes et elle possède des oreilles plus grandes, plus pointues et bordées d’un liseré blanchâtre. Sa truffe et ses pelotes plantaires sont sombres et non rosâtres comme chez la fouine. Son pelage plus foncé contraste avec une bavette orangée ou jaune paille moins étendue sur les pattes que celle, plus claire, de sa cousine. Le mode de vie discret et furtif n’offre pas toujours de bonnes conditions d’observation et, dans bien des cas, il est difficile de se prononcer.
Retrouvez ces éléments en vidéo dans Ceci n'est pas.
La maison affût
Quand le photographe reste chez lui et que c’est la faune qui approche, le domicile devient une sorte d’affût permanent, intégré dans le paysage et dans la durée. Et si la maison est au milieu des bois, comme celle de Stéphane Raimond, les surprises ne sont pas rares. Lorsqu’un animal sauvage ose s’aventurer à quelques mètres d’une habitation, sa prudence est extrême. Ouvrir une fenêtre pour faire une image serait totalement hasardeux. Il faut parfois se résoudre à tenter un cliché à travers la vitre. Astuces ? Nettoyez parfaitement le vitrage, éteignez l’éclairage intérieur ou tendez un rideau pour réduire au maximum les reflets, collez la lentille parfaitement contre la vitre, placez d’éventuels flashs à l’extérieur avec système de déclenchement à distance et fermez autant que possible le diaphragme pour augmenter la zone de netteté.
Stéphane Raimond
Photographe animalier, Stéphane Raimond est un ancien pisciculteur devenu expert et fervent défenseur de la loutre. Il organise des stages photo autour de chez lui, sur le plateau de Millevaches, en Corrèze. Les mammifères carnivores figurent parmi ses sujets favoris.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
Catégorie
Ces produits pourraient vous intéresser
Poursuivez votre découverte
La Salamandre, c’est des revues pour toute la famille
Plongez au coeur d'une nature insolite près de chez vous
Donnez envie aux enfants d'explorer et de protéger la nature
Faites découvrir aux petits la nature de manière ludique
merci de ne pas les utiliser sans l'accord de l'auteur