© Flurin Leugger

Rencontres dans le blizzard

Agrippés aux crêtes et parois, les bouquetins résistent à l’assaut de l’hiver. Fasciné par ces animaux confrontés aux éléments, Flurin Leugger est parti à leur rencontre.

Agrippés aux crêtes et parois, les bouquetins résistent à l’assaut de l’hiver. Fasciné par ces animaux confrontés aux éléments, Flurin Leugger est parti à leur rencontre.

© Flurin Leugger

Flurin Leugger est biologiste et photographe naturaliste originaire de Bâle. Flurin est fasciné par la faune alpine depuis son enfance, et en particulier par le bouquetin. Il a réalisé une série consacrée à cet animal en le suivant plusieurs hivers. Son site : flurinleugger.ch

Depuis plusieurs années, je me rends dans les Alpes afin de photographier la faune sauvage dans son écrin de neige. Outre l’aspect épuré que confère ce décor, il véhicule aussi une forme de rigueur que j’ai eu envie de transmettre à travers la vie d’un animal en particulier : le bouquetin.

Chaque année, c’est un projet qui est demandeur physiquement, car porter tout le matériel photo, la nourriture, les vêtements chauds et la tente n’est pas une mince affaire lorsqu’il faut marcher dans la neige. Bien que je redescende souvent dans la vallée le soir, il m’arrive de camper dans le blanc des montagnes. La météo est tantôt clémente, tantôt capricieuse. Mais même sous un bel anticyclone, je ne trouve pas toujours signe de leur présence. Lorsque la tempête fait rage, le vent peut souffler jusqu’à 80 à 100 km/h. Les bouquetins se réfugient alors près des falaises, ce qui permet de les approcher sans se faire repérer en longeant les parois rocheuses.

Bivouac hivernal. / © Flurin Leugger

Ce matin de décembre, équipé de mes raquettes, je grimpe bien difficilement dans la poudreuse. La nuit passée a été très agitée, le vent décapant les sommets. Je suis donc resté dormir dans la vallée, bien décidé à partir le lendemain.
À l’aube, le vent souffle toujours intensément, mais pas assez pour me décourager. Après tout, mon but est de documenter comment ces capricornes affrontent les éléments. Après une marche d’approche par faible visibilité, j’arrive à une barre rocheuse et distingue un troupeau de ces alpinistes hors pair.

Bouquetins dans la tempête Alpes grisonnes, le 23 décembre 2023 à 09 h 44 / © Flurin Leugger

Le mois de décembre est le paroxysme du rut chez les mâles. À la fin de l’été, ils peuvent avoir accumulé près de 30 kg de graisse, qui fondront comme neige au soleil durant l’hiver. Si la ressource alimentaire se fait rare, mâles et femelles peuvent compter sur leur épaisse fourrure isolante. Malgré cette protection, chaque fuite face à un danger peut être la dernière en raison de l’épuisement qu’imposent ces mois hostiles.

Je les contourne en veillant à ce qu’ils ne détectent pas ma présence. Les bourrasques sont si intenses que les mâles ne semblent pas me remarquer. Ce sont eux que je préfère photographier. Leurs grandes cornes sont très esthétiques, notamment lorsqu’elles sont parsemées de poudreuse. Je réalise quelques clichés en luttant contre le vent pour maintenir mon téléobjectif. Pas de signe des femelles, aussi appelées étagnes.

Tant mieux, ce sont souvent elles qui donnent l’alarme les premières. C’est la seule période de l’année où, accompagnées des jeunes de l’année, elles fréquentent les mâles adultes. Je suis admiratif devant l’adresse de ces équilibristes, alors que je peine à parcourir quelques mètres avec tout mon matériel. Bien que leurs sabots agissent comme de véritables semelles antidérapantes, il arrive que certains soient emportés dans les avalanches ou ne résistent pas à la morsure du froid. Je longe la falaise et distingue deux boucs, les yeux fermés, faisant bloc contre les tourbillons de glace qui les frappent. J’en profite pour immortaliser l’instant, tandis que je lutte aussi pour rester en équilibre contre la paroi minérale. En redescendant à ma voiture, je ne peux m’empêcher de penser à eux. Les reverrai-je l’an prochain ?

Trois femelles et un cabri. / © Flurin Leugger

Le saviez-vous ?

Parka multicouche

Le pelage hivernal des bouquetins est composé de quatre couches de poils qui constituent une enveloppe isolante atteignant 10 cm d’épaisseur par endroits. À l’automne, et en prévision de l’hiver, les poils de duvet et de jarre se rajoutent à ceux de l’été pour doubler l’isolation. La couleur sombre du pelage permet également aux caprins de se réchauffer plus vite au soleil. Les teintes marron sont aussi un camouflage discret sur fond de falaise ou de pierrier... mais semblent inefficaces dans des décors enneigés.

Poids plume

Porter le matériel photographique sur le terrain peut être éprouvant. Pour autant, ces dernières années, la technologie a permis de diminuer le poids des optiques grâce à la réduction du nombre de lentilles utilisées, tout en améliorant la qualité et la compacité. Il y a vingt ans, un téléobjectif professionnel à grande ouverture (F 2.8) pouvait peser plus de 5 kg, contre moins de 3 kg à ce jour.

L’arrivée de boîtiers hybrides totalement électroniques – n’intégrant donc plus de miroirs – a permis de diminuer l’­encombrement et de garder un autofocus très rapide, lorsque couplé à un objectif à faible ouverture. Ainsi, une optique à très fort grossissement (800 mm) à ouverture F 6.3, boudée jadis par les photographes, est aujourd’hui mieux considérée, même chez les professionnels, grâce à son poids de 2,4 kg.

Les Alpes, dans le canton des Grisons. / © Flurin Leugger
Couverture de La Salamandre n°285

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 285  Décembre 2024 - Janvier 2025

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