La reproduction des libellules
Une comédie romantique ? Plutôt un film d'action ! Les relations amoureuses des libellules tiennent plus souvent du champ de bataille que du roman à l'eau de rose.
Une comédie romantique ? Plutôt un film d'action ! Les relations amoureuses des libellules tiennent plus souvent du champ de bataille que du roman à l'eau de rose.
1. Camaraderie adolescente
A la sortie de l'exuvie, les jeunes libellules sont encore sexuellement immatures. Elles arborent des couleurs différentes de celles des adultes : chez la libellule fauve, les deux sexes sont brun-jaune puis le mâle devient bleu. La période de maturation va durer de quelques jours à cinq mois en fonction de l'espèce. Mâles et femelles vivent alors en bonne intelligence au sein de groupes lâches qui comprennent parfois plusieurs milliers d'individus. Ces bandes d'ados s'éloignent de leur site de naissance pour vivre dans des lieux abrités comme des clairières forestières ou des fourrés ensoleillés. Ils y passeront leur « adolescence » à chasser et à se reposer avant d'entrer définitivement dans la vie adulte.
2. Macho man
Une fois matures, les libellules mâles ne s'embarrassent pas de parades nuptiales. Seuls les caloptéryx volent sur place devant les femelles en exhibant leur abdomen. Chez les autres espèces, point de simagrées ! Certains mâles se postent à proximité des sites de ponte et attendent l'arrivée des femelles. D'autres opèrent des patrouilles incessantes le long des berges en quête d'une dulcinée. Une fois l'élue aperçue, elle est poursuivie sans merci et littéralement capturée. Chez les zygoptères, l'amant impatient la saisit au niveau du prothorax avec ses appendices situés à l'extrémité de son abdomen. Chez les anisoptères, c'est derrière les yeux que le mâle s'accroche à sa conquête. Mais acceptera-t-elle l'accouplement ?
3. Ni dupe ni soumise
Face à la brutalité des mâles, les femelles ont mis au point des techniques de défense qui s'apparentent à celles dont usent les proies contre leurs prédateurs. Quand une cordulie métallique occupée à pondre repère l'arrivée d'un mâle, elle stoppe toute activité et s'immobilise dans la végétation en espérant que l'intrus ne la repérera pas. La cordulie alpestre, qui pond en vol au-dessus des tourbières, se laisse même tomber au sol pour se soustraire aux avances masculines. Attrapées, certaines refusent de se soumettre et le montrent en repliant leur abdomen sous le thorax. Si cela ne suffit pas, elles se battent à coups de loopings aériens et se laissent tomber à terre ou même dans l'eau ! Ce qui provoque parfois la mort de l'un ou des deux partenaires.
4. Cœur d'amour
Si la femelle est consentante, l'accouplement peut avoir lieu. Il répond à une cérémonie unique chez les insectes : le transfert du sperme. Chez les demoiselles, une fois la femelle saisie, le mâle se contorsionne dans une sorte d'autoaccouplement. Il place l'extrémité de son abdomen en contact avec une vésicule séminale située plus en avant, pour la recharger en sperme. La femelle viendra souder ses organes génitaux au niveau de cette vésicule. On assiste alors à la formation du fameux cœur copulatoire. Arrivé à ce stade, le mâle n'a pas encore gagné la partie ! En effet, les spermatozoïdes stockés dans l'appareil reproducteur de la femelle ne féconderont les œufs que lors de la ponte. Si elle s'accouple avec un second prétendant, ce dernier évacuera la semence du mâle précédent et la remplacera par la sienne.
5. Mari jaloux
Une fois l'amour consommé, la femelle doit trouver un site de ponte approprié, que ce soit en incisant une tige pour y déposer ses œufs ou en les déposant directement dans l'eau. Elle n'est pourtant pas débarrassée du mâle, qui reste parfois à ses côtés pour être sûr qu'aucun autre ne viendra s'accoupler avec elle. La plupart des demoiselles, l'anax napolitain, l'aeschne affine et l'anax porte-selle pratiquent la ponte en tandem, le mâle restant arrimé à sa compagne durant le dépôt des œufs. Grâce à la présence de son compagnon, la femelle est protégée des assauts d'autres prétendants autant que des prédateurs. Chez les orthétrums, les caloptéryx et les libellules déprimées ou à quatre taches, le mâle surveille uniquement la femelle en se perchant à proximité, prêt à chasser tout intrus. Certaines effectuent toutefois le dépôt de leurs œufs seules comme de nombreux gomphes, aeschnes et cordulies. C'est aussi le cas d'une demoiselle : l'agrion élégant.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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