Dans les pas du chamois
Fin octobre, le chamois est en rut, la meilleure période pour l’observer. C’est parti pour une haute route automnale entre Gruyère et Singine.
Fin octobre, le chamois est en rut, la meilleure période pour l’observer. C’est parti pour une haute route automnale entre Gruyère et Singine.
« Regardez à droite, des chamois ! » A cette annonce, tous les passagers se pressent aux fenêtres du bus. Ils sont une vingtaine, ces élégants ongulés à brouter paisiblement dans le talus, juste au-dessus de la route. Mais le spectacle ne dure que quelques secondes, le temps pour le chauffeur de négocier son virage en épingle. « Leur pelage est bien roux, alors qu’à cette époque de l’année il devrait s’assombrir pour mieux absorber la chaleur du soleil. Mais il fait encore trop chaud. Ils mueront lorsque les températures chuteront », explique Joël Savary. A peine l’accompagnateur en montagne termine-t-il sa phrase que nous arrivons à destination : Châtel-sur-Montsalvens.
Un cœur de sportif
Ce petit village gruérien est le point de départ de notre périple de deux jours dans les Préalpes fribourgeoises. Nous sommes huit à vouloir profiter de la belle période du rut pour observer le chamois. Joël Savary connaît bien le prince funambule. Il nous emmène au cœur de son territoire, sur la crête de La Berra que nous suivrons jusqu’à Plasselb, en Singine. Pour s’y rendre, il faut laisser les pâturages jaunis par la sécheresse et prendre de la hauteur.
« Scrutez bien les falaises et la rocaille, conseille notre guide. C’est le terrain de prédilection du chamois, car il lui permet de fuir facilement les prédateurs. Il ne faut pas oublier qu’ici, c’est aussi le fief du lynx. » Passionné, le Fribourgeois nous rappelle que l’équilibriste cornu est parfaitement adapté à ce milieu accidenté. L’animal est par exemple équipé d’un cœur proportionnellement deux fois plus gros que celui de l’être humain. Une formidable pompe qui lui permet d’accomplir d’incroyables performances tel l’équivalent d’une ascension de 4 000 à 5 000 m par heure. En comparaison, l’élite de la Patrouille des glaciers ne gravit que 1 500 m par heure environ. Bluffant !
Au-dessus des nuages
Il nous tarde d’assister à une telle démonstration de cabrioles. Mais jusqu’ici, rien à travers nos jumelles. Quelques touffes de poils prises dans l’écorce d’un sapin rouge et des crottes fraîches sur l’arête entre le mont Bifé et le Vanil des Cours indiquent que la bête n’est pas loin. Nous nous consolons en admirant la mer de brouillard qui s’étend à nos pieds jusqu’au massif du Jura. Seuls le Moléson et quelques sommets dépassent de l’épais stratus, alors que notre crête dessine notre futur parcours en montagnes russes. Attention, le précipice n’est jamais loin.
Cabrioles entre chamois
Le long du sentier accidenté qui nous éloigne du Vanil des Cours, point culminant de notre randonnée à 1 562 m d’altitude, quelques centaurées résistent à l’automne. En descendant, nous gagnons un alpage où une surprise nous attend au chalet La Payenna, à Villarvolard. Notre guide a arrangé un rendez-vous avec le garde-faune Patrick Romanens. « Vous avez loupé de peu un lot de boucs, dit-il en désignant le versant derrière nous. Durant le rut, les mâles se regroupent et jouent les gros durs en hérissant les poils du dos pour impressionner leurs adversaires. En général, le dominant course ses concurrents entre les rochers et les met en déroute. Il arrive que des combats aient lieu. » C’est le bouc le plus fort et le plus majestueux qui aura la chance de saillir les chèvres durant la période de reproduction qui s’étend de fin octobre à mi-décembre. « Les chevreaux naissent fin avril en plaine et ici, début mai », précise Patrick Romanens.
Les populations de chamois sont en baisse
Cet ancien chasseur s’est vite reconverti en protecteur du chamois. Et il est inquiet pour les effectifs fribourgeois. « En 2016, nous avons tiré la sonnette d’alarme, car les populations baissaient dangereusement, notamment à cause de la chasse, raconte-t-il. Dès 2017, nous avons obtenu que les chasseurs prélèvent moins d’animaux et pas uniquement les beaux mâles. Cette année, on remarque que la nouvelle loi porte ses fruits, mais la bataille n’est pas gagnée », déplore Patrick Romanens.
La démocratisation des loisirs et activités de montagne dérange les hardes, surtout en hiver. Par ailleurs, les moutons empiètent de plus en plus sur les terres des chamois et leur transmettent des maladies, comme la kératoconjonctivite infectieuse. Autant de problèmes auxquels il faut s’attaquer rapidement, d’après le garde-faune. Sur ce constat qui occupera une bonne partie des discussions de la soirée, nous reprenons la route, direction le Gîte d’Allières, à La Berra. Nous y passerons la nuit avant de poursuivre notre haute route automnale sur les traces du chamois.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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