Le siropier des bords de Loire
Thierry Filippi vit de la culture des petits fruits. Mais pour les mûres et les cynorrhodons, il préfère se servir dans la nature. Question de goût et de philosophie.
Thierry Filippi vit de la culture des petits fruits. Mais pour les mûres et les cynorrhodons, il préfère se servir dans la nature. Question de goût et de philosophie.
16 janvier. Un soleil presque printanier inonde l'île aux Canes, un espace naturel protégé situé dans un méandre de la Loire, à Guilly, dans le Loiret. Au bord du fleuve, les églantiers buissonnent allègrement, mais seuls quelques-uns portent encore des fruits rouges et luisants. C'est pourtant ici que Thierry Filippi, ancien directeur de l'association « Nature Centre », cueille chaque hiver plusieurs dizaines de kilos de cynorrhodons.
La saison 2010-2011 sera-t-elle un bon cru pour vos sirops et confitures ?
Je ne crois pas. Les bonnes années, nous cueillons près de 300 kg de fruits, mais cet hiver la récolte sera plutôt maigre. En raison des fortes chutes de neige en novembre et décembre, les cynorrhodons sont tombés ou ont été mangés par les oiseaux très rapidement. Je suis arrivé trop tard... mais nous avons heureusement quelques bocaux en réserve !
De quelle façon vos cueillettes en site protégé sont-elles ressenties ?
Mon intervention est considérée comme un acte de gestion du milieu naturel. L'île aux Canes déploie sur 150 hectares une vaste mosaïque de prairies sèches et de forêts inondables. La flore comporte de nombreuses espèces rares qui ne poussent qu'en milieu ouvert. En tant qu'arbuste pionnier, l'églantier a tendance à envahir les prairies, il faut donc contenir son expansion. J'y participe à ma façon depuis que j'ai signé, il y a dix ans, une convention de cueillette avec le Conservatoire du Patrimoine Naturel de la Région Centre.
La récolte de ces fruits peut-elle vraiment freiner la dynamique de l'églantier ?
Les années où il y a peu de fruits, je pense que la cueillette peut avoir un impact, car elle limite sérieusement le stock de graines disséminables. Mais c'est difficile à mesurer, d'autant plus que j'épargne toujours environ 10% des fruits pour les oiseaux. Je ne cueille pas non plus les fruits situés au-dessous de un mètre de hauteur, pour éviter les risques de contamination par l'échinococcose. Cela dit, le Conservatoire fait également intervenir des moutons sans doute plus efficaces que moi pour contenir l'embuissonnement.
L'usage des cynorrhodons en cuisine, une tradition en Val de Loire ?
Dans le Loiret, l'arbuste est en fait plutôt mal aimé. Contrairement à l'est de la France, les gens du coin connaissent peu les propriétés culinaires et médicinales de ces fruits. Dans les années 1980, des agriculteurs néerlandais ont initié des cultures d'églantier au profit de l'industrie, mais cela n'a pas duré. Par contre, les rosiéristes sont toujours assez nombreux dans la région, et des hybrides de Rosa canina figurent parmi les principaux porte-greffes utilisés.
Comment préparez-vous les fruits ?
Je récolte les cynorrhodons durs ou déjà ramollis par le gel, puis les congèle sans distinction. Dès que j'en ai une quantité suffisante, je chauffe les fruits dans une casserole avec de l'eau, et mixe le tout. La pulpe est ensuite séparée des graines et des poils dans une raffineuse. Avec 50 kg de fruits et douze litres d'eau, on obtient au final 56 kg de pulpe prête à l'emploi.
Vous ne séchez jamais les fruits entiers
pour les tisanes ? Non. Au moment de ma conversion en agriculteur bio, je me suis directement orienté vers les desserts, car je suis un gourmand ! Je transforme tous mes fruits, qu'ils soient sauvages ou cultivés, en confitures et sirops. J'évite les gelées car j'aime sentir la texture de la pulpe dans la bouche. Le sirop de cynorrhodon est un régal à l'apéro. Je l'utilise comme un kir breton, en ajoutant un volume de sirop à 6 ou 7 volumes de cidre brut. Cela donne une boisson douce de couleur ambrée avec un arôme de pêche, puis de mangue.
Et pour écouler vos produits ?
J'ai des contrats avec des magasins bio, des restaurateurs, des épiceries fines et des AMAP (paniers bio). Je fais les marchés et les salons bio et bien sûr je vends aussi à la ferme. Au début, mes collègues agriculteurs souriaient avec complaisance, mais comme la demande pour des produits sains, goûteux et de qualité ne cesse de croître, on me prend aujourd'hui un peu plus au sérieux !
Plus d'infos
Thierry Filippi, La haie gourmande, Férolles (77) +33 (0)2 38 58 88 48
Préparez une potion magique anti-refroidissement à base de cynorrhodons.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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