Un souffle de printemps sur le sous-bois
Il gèle encore la nuit, mais les jours rallongent. Les premiers envols et les couleurs qui apparaissent ne mentent pas : le printemps débarque. Dans la litière , c'est l'explosion!
Il gèle encore la nuit, mais les jours rallongent. Les premiers envols et les couleurs qui apparaissent ne mentent pas : le printemps débarque. Dans la litière , c'est l'explosion!
Quatre longs mois d'engourdissement. Le gel, le givre : l'hiver ! Une période pendant laquelle rien ne bouge dans la forêt, où le temps s'arrête. En ces jours de février, le soleil reprend vigueur. Sous un rocher, des stalactites de glace s'abandonnent à la tiédeur. Ces griffes du froid libèrent l'eau piégée en novembre. Signe inéluctable de fin de cramine.
Au rythme régulier du goutte-à-goutte s'ajoute un bourdonnement sourd au ras du sol. Le parfum des premiers nectars a-t-il réveillé cette reine de Bombus ? Après fécondation, elle hivernait depuis l'automne dans un trou de mulot.
D'un vol hésitant au-dessus des premières pousses, la voilà qui explore le sous-bois en quête d'une cavité adaptée à son nid. Sa prochaine mission : fonder une colonie. Pour les végétaux, l'hiver n'est pas qu'une contrainte. Les plantes ont besoin des basses températures pour boucler leur cycle de vie . Le blé d'hiver est un exemple connu. Plantées en fin d'automne, les graines se préparent au réveil grâce au gel et germent aux premiers beaux jours. Sans ce passage obligé, floraison et fructification sont compromises.
Chez les jonquilles et d'autres géophytes, les redoux qui succèdent aux frimas sonnent comme une alarme. Il faut fleurir, en vitesse, et développer couleurs et odeurs en puissance afin d'éviter trop de concurrence et s'attirer les faveurs des pollinisateurs. Cette anticipation est la clé de leur succès.
Malmenés en automne par un sanglier qui a gratté la terre, deux bulbes de jonquilles s'éveillent sous les caresses du soleil. Il leur faut pousser maintenant, mais dans quelle direction ? Les racines vers la terre, pour chercher l'eau et les sels minéraux, et la tige vers le ciel pour produire les sucres par photosynthèse.
Le mécanisme complexe qui détermine ces directions à prendre se nomme géotropisme. La gravité de la Terre est perçue par la plante grâce à des grains d'amidon ou à des cristaux présents dans les cellules. Par leur poids, ces statolithes descendent et s'accumulent dans les parties inférieures des racines ou des tiges en croissance.
Tels des fleurs mobiles, les premiers papillons jaunes virevoltent sur les feuilles mortes, légers pétales portés par la brise. Des citrons. Voici leur recette pour survivre à l'hiver : en octobre, alors que tout le monde pond, migre ou meurt, Gonepteryx rhamni, resté seul au monde, se cache dans du lierre au pied d'un vieux chêne. Ailes repliées, parfaitement camouflé, il réduit ses fonctions vitales au minimum et se déshydrate pour éviter la formation de glace dans son corps, qui le tuerait. Aux premiers redoux, l'appel de la vie le réveille. Et le voilà aujourd'hui qui visite primevères et ficaires, comme s'il s'était arrêté le jour d'avant.
Discrètes – mais pas assez pour échapper à l'œil du pic vert et à sa langue collante –, des lycoses fourmillent entre les feuilles. Ces araignées-loups tendent des embuscades aux insectes dans le microcosme de la litière. Elles les poursuivent en courant et leur bondissent dessus à l'image des prédateurs qui leur ont valu leur nom !
Tous ces organismes courageux qui vivent entre le crépuscule de l'hiver et l'aube du printemps ne font que passer. Papillons, fleurs ou éphémères céderont d'ici peu leur place à tous ceux qui ne se sont pas manifestés plus tôt. Pétrifiés par le risque du givre ou d'une chute de neige tardive, les nouveaux arrivants ne viendront en masse qu'au milieu d'avril. Oubliant un dernier écueil : les redoutables saints de glace.
Litière et recyclage
La litière végétale – l'ensemble des matières organiques mortes formées par les plantes – peut être dite améliorante. Elle offre alors rapidement une terre fertile. C'est souvent le cas des sols situés sous les frênes, les érables ou les saules. Leurs feuilles sont recyclées en une année à peine. A l'inverse, d'autres espèces comme les châtaigniers, les chênes ou les conifères sont plus riches en tanins et en phénols. Elles libèrent des feuilles ou des aiguilles bien plus difficiles à décomposer pour les insectes, les bactéries ou les champignons. Au printemps, on retrouve cette litière automnale presque intacte. Pour les fleurs printanières, c'est une couche en plus à percer.
Réserves dans l'oignon...
Comme les tulipes, les ails ou certaines orchidées, la jonquille et le crocus printanier sont des géophytes, des espèces qui survivent pendant la mauvaise saison grâce à leurs organes de réserve enfouis dans le sol. Chez la jonquille, c'est le bulbe qui stocke les nutriments, lui permettant de croître et de fleurir rapidement. Dans le cas du crocus, ce rôle est joué par le corme, une structure bulbeuse couverte d'écailles à la base de la tige renflée.
... et bulbes au frigo
Les jardiniers se sont inspirés de la nature pour obtenir de belles floraisons de jonquilles et de tulipes tôt dans la saison. Vu le rôle déterminant que joue le froid, ils déposent les bulbes pendant plusieurs semaines dans une chambre climatisée à basse température. En février-mars, une fois plantées, ces géophytes fleurissent rapidement en une explosion de couleurs. Cette astuce permettant de « forcer le printemps » porte le nom de vernalisation.
Les ailes du printemps
Le citron n'est pas le seul à hiverner au stade adulte. Le paon du jour, papillon très populaire et magnifiquement décoré, est un autre rescapé de l'hiver. Entre octobre et mars, il dort accroché dans une cavité d'arbre, sous la voûte d'une grotte, parfois même dans une grange.
Envie d'hiver
Des expériences réalisées sous serre ont démontré l'importance du froid pour la croissance des plantes. De jeunes arbres placés en fin d'été dans une salle chauffée à 25 °C et éclairée 24 h/24 n'ont pas mis de feuilles, malgré cet environnement favorable au développement.
Conclusion des scientifiques: sans la stimulation de 3 ou 4 mois de froid, les bourgeons restent au repos. En revanche, si, après quelques mois en chambre froide on replace ces plantes dans l'enceinte chauffée, la croissance reprend immédiatement.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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