© Denis Clavreul

Sous la coquille, la vie !

Les coquillages ne se résument pas au menu des restaurants de plage ni à des bricolages souvenirs pour touristes. Savourons leur diversité avec les yeux.

Les coquillages ne se résument pas au menu des restaurants de plage ni à des bricolages souvenirs pour touristes. Savourons leur diversité avec les yeux.

« Maman, il s’appelle comment ce coquillage ? » La question naïve de l’enfant perce à travers le bruit du ressac. Il obtient une réponse évasive : « C’est une sorte de moule, attention ça coupe ! » La mise en garde s’envole et le gamin émerveillé en ramasse d’autres. Il garde farouchement son début de collection, déposé méticuleusement sur le sable chaud. Opiniâtre, il en rapportera une partie à la maison, avec quelques inévitables milligrammes de sable.

Pour les continentaux qui visitent les rivages à la saison estivale, c’est souvent ainsi que se déroule le premier contact avec le monde fabuleux des coquillages. Et l’aventure se poursuit rarement plus loin que devant une assiette de fruits de mer.

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À la recherche de joyeux minéraux

Et si on se penchait sur le trésor du petit aventurier en maillot ? Sa récolte est essentiellement constituée de coquilles de tellines épaisses. Vides, ces joyaux minéraux sont en réalité des squelettes abandonnés, balayés par les vagues. Et la plage un étrange cimetière… Les vivants se cachent en mer, enfouis dans le sable. Systématiquement enfoncés à 45° sur leur flanc gauche, les mollusques de 5 cm de diamètre aspirent de minuscules particules alimentaires.

Leur corps mou est protégé par une coquille lisse divisée en deux parties amovibles plus ou moins symétriques, attachées par une charnière. Cette particularité anatomique bien connue inscrit les tellines dans le groupe des bivalves. Palourdes, huîtres, moules, pétoncles et coques comptent parmi ses innombrables cousins et cousines, réunissant près de 10 000 espèces à travers le monde… Une diversité équivalente à celle des oiseaux.

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Des trouvailles fascinantes

Dans le seau de plage de l’apprenti baigneur, on distingue d’étranges pièces allongées d’une dizaine de centimètres de longueur et légèrement arquées comme des sabres. Ce sont des couteaux, plus formellement du genre Ensis. L’animal qui s’abrite habituellement dans ces fourreaux au design minimaliste fait aussi partie des bivalves et vit quant à lui verticalement dans le sable.

Fouillons encore… Un beau coquil­lage gris et ocre à la forme bombée se distingue par ses sillons et reliefs disposés comme des rayons. Le stéréotype du genre. Contrairement à la telline qui est détritivore, cette bucarde, cousine des coques, filtre le phytoplancton en suspension dans l’eau – elle est suspensivore. L’eau entre par un siphon inhalant et ressort par un siphon exhalant. Le courant qui la traverse ainsi lui permet de s’alimenter, de respirer, mais aussi d’évacuer ses déjections.

Ce coquillage est un régal pour l’huîtrier pie, équipé d’un bec robuste et inventif pour casser ou ouvrir les valves du mollusque. Une étude en Bretagne a montré que 1 300 individus de cet oiseau limicole peuvent consommer 200 à 300 t de coques durant un seul hiver sur un élevage de coquillages – conchyliculture – de 700 ha.

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Secrets de fabrication

Mais comment ces armures de roche sont-elles fabriquées ? C’est bien sûr l’animal lui-même qui sécrète la matière solide à partir d’un organe fin et mou qui enveloppe son corps : le manteau.

Différents tissus et fluides en son sein et à son contact participent à la sécrétion indispensable de matière minérale : c’est la biominéralisation. La recette ? Une pincée de protéines associée à des sucres – la conchyoline –, du calcium (Ca) puisé dans l’eau et un zeste de CO2 présent lui aussi dans la mer après avoir été capté dans l’atmosphère… La pâte calcaire obtenue devient calcite ou aragonite après cristallisation. Du caillou, ni plus ni moins. À ce propos, souvenons-nous que les roches calcaires ne sont rien d’autre que des millions d’années d’accumulation de squelettes d’organismes marins…

Bien, mais ces magnifiques créatures ne ressemblent pas à de simples pierres. En effet, l’absolue richesse des formes géométriques arborées par les coquillages ne tombe pas du ciel. Tout se joue au niveau de la zone du manteau où se produit concrète­ment la coquille, appelée zone générative. Les modèles mathématiques qui ont tenté de reproduire cette créativité identifient trois règles fondamentales. En premier lieu l’expansion, due à la fabrication de matière en continu. Selon les espèces et les rythmes d’accrétion, la coquille présentera des sillons et reliefs particuliers. La seconde, la rotation, permet d’enrouler la forme de base.

La coquille d’un nautile en est une parfaite illustration. Puis intervient parfois la torsion. Ce phénomène dévie progressivement le motif élémentaire en spirale, dessinant la coquille d’escargot et celle de la plupart des gastéropodes – l’autre grand groupe de coquillages avec les bivalves. Des processus complexes non encore complètement élucidés permettent la formation d’épines ou de crêtes en tous genres chez certaines espèces.

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Un futur fait de plastique

Dans sa frénésie de collection, le jeune explorateur n’a pas résisté à prélever des dizaines de petites perles couleur de nacre parmi les milliers qui jonchent le sable chaud. Malheureusement, ces larmes de sirène, si joliment nommées, sont des granulés de plastique, matière première de la plupart de nos objets, dont ce seau de plage. Rien qu’en Europe, 230 000 t de ces billes transformées du pétrole s’échappent accidentellement chaque année des circuits industriels. L’essentiel finit en mer. Les roches du futur seront-elles en plastique ?

3 faits étonnants à connaître

Squelette en armure

Le terme de coquillage n’est pas une appellation officielle de la classification du vivant. On a l’habitude de nommer ainsi les animaux aquatiques abrités dans une coquille qui n’est autre que leur squelette externe, servant à les protéger des prédateurs et des éléments. En langage courant, les coquillages sont les mollusques marins qui présentent un intérêt culinaire ou ornemental. Les bivalves, dont les huîtres, et les gastéro­podes, comme les bulots, sont les plus nombreux et les plus connus. Céphalopodes, dentales et polyplacophores sont d’autres classes de mollusques pouvant arborer des coquilles.

Pour tous les goûts

Il existe neuf classes de mollusques, mais plus de 95 % des espèces appartiennent aux bivalves ou aux gastéropodes. La diversité de leurs formes n’a rien à envier à celle de leur régime alimentaire. On trouve des mollusques herbivores, filtreurs, parasites, carnivores, nécrophages…

Les fruits de la mer

Pour le grand public, les coquillages se résument souvent à la conchyliculture. En France, environ 150 000 t de mollusques marins d’élevage sont vendues pour la consommation locale chaque année, dont 98 % sont des huîtres et des moules. En Suisse, 13 % des 41 000 t de produits de la mer importés sont des coquillages. Leur diversité sauvage, victime de la surpêche tout comme les poissons, reste méconnue. Si une liste rouge des mollusques continentaux a vu le jour en France en 2021, il n’existe pas encore d’équivalent pour les groupes marins.

© Denis Clavreul
Couverture de La Salamandre n°283

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 283  Août-Septembre 2024
Catégorie

Dessins Nature

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