La pacifique invasion du monde par les tardigrades
Dotés d’une extraordinaire résistance, les minuscules tardigrades ont conquis le globe. Inventaire.
Dotés d’une extraordinaire résistance, les minuscules tardigrades ont conquis le globe. Inventaire.
Sous les nénuphars
La face inférieure des feuilles de nénuphar abrite une faune insoupçonnée. Des puces d’eau surexcitées, des hydres translucides, des rotifères sanguinaires et évidemment, en cherchant bien, quelques tardigrades ! Parmi eux, Dactylobiotus dispar prend parfois la précaution de déposer ses œufs dans une coquille vide de daphnie. D’autres espèces vivent dans le sédiment du fond des étangs comme des lacs, même à très grande profondeur.
Sur la glace
La surface glacée de l’Antarctique et du Groenland compte certainement parmi les milieux les plus inhospitaliers à la vie. Il n’est donc pas surprenant qu’on y retrouve nos tardigrades ! Ceux-ci batifolent dans de petites piscines rondes creusées dans la glace par le soleil. Dans ces éprouvettes qui flirtent avec le 0°C, ils basculent fréquemment durant l’été entre congélation et activité. Quant à l’hiver arctique et ses –50°C, les tardigrades le traversent sans encombre. Même un bain dans de l’hélium liquide à –271°C, à deux doigts du zéro absolu, ne leur fait pas froid aux yeux.
En forêt
Les tardigrades aiment les climats tempérés et leurs conditions changeantes. Dans la litière, ils se concentrent dans les premiers centimètres à l’humidité très variable. Il semble que les épisodes de sécheresse, auxquels ils résistent facilement, limitent le développement des bactéries et des champignons susceptibles de les parasiter. Suivant les conditions locales, les scientifiques ont estimé leur nombre entre 300 et 300’000 au m2. Ils participent activement au recyclage de la matière vivante.
Sur les cimes
Les tardigrades vivent volontiers à la montagne. Le record d’altitude actuel – mais c’est peut-être simplement le record des tardigradologues – est de 6600 mètres. Là-haut, ils s’adaptent à de très grandes différences de température, d’humidité et d’insolation entre l’été et l’hiver. Quant au fort rayonnement UV qui baigne les plus hauts sommets de la planète, il semble ne pas leur poser problème. En altitude, les oursons d’eau colonisent les coussins de mousse, les lichens, mais aussi semble-t-il les rosettes de primevères, saxifrages ou silènes imprégnés d’eau par intermittence.
Dans le sable
Toutes les plages du monde, des plus froides aux plus brûlantes, abritent probablement des tardigrades. Des espèces interstitielles vivent entre les grains de sable. Elles ont développé un corps allongé pour se faufiler et des griffes terminées par des pelotes adhésives pour s’accrocher. Batilipes et ses cousins vivent au rythme de la houle et des marées. Ils résistent à de violents écarts d’humidité, de température, mais aussi de salinité.
En eau sulfureuse
Au Japon, on a découvert en 1937 un extraordinaire tardigrade muni de 6 griffes à chaque patte. Il était actif dans une source sulfureuse à 41°C. Pour toute compagnie, il avait quelques algues et bactéries ultra-résistantes. La curiosité ne ressemblant à aucune espèce connue, les scientifiques inaugurèrent pour elle la classe des mésotardigrades. Hélas, un tremblement de terre a détruit ce biotope bouillonnant. Et toutes les recherches effectuées depuis lors dans d’autres eaux thermales se sont révélées infructueuses.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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