Pour l’oiseau des prés
Dans une belle vallée des Préalpes fribourgeoises, un ornithologue se bat pour sauver un oiseau coloré. Promenade dans l’Intyamon, l’un des derniers fiefs du tarier des prés.
Dans une belle vallée des Préalpes fribourgeoises, un ornithologue se bat pour sauver un oiseau coloré. Promenade dans l’Intyamon, l’un des derniers fiefs du tarier des prés.
Dans les prés verdoyants qui bordent la Sarine, les insectes stridulent et bourdonnent, stimulés par la chaleur. Tout autour se dressent des sommets qui font la fierté des Gruériens. Le long de la rivière, une plaine contraste avec les reliefs alentour. « Ici, la production laitière pour la fabrication du gruyère a façonné le paysage depuis des générations », indique Jérôme Gremaud, le guide du jour.
A la merci de la faucheuse
Les jumelles littéralement vissées devant ses yeux, l’ornithologue scrute méthodiquement les ombellifères, les alignements de piquets et les buissons qui pourraient attirer son oiseau fétiche, le tarier des prés. Ce migrateur de la taille d’un rougegorge arrive d’Afrique à la fin du mois d’avril. Sitôt de retour, les mâles conquièrent leur territoire par des vocalises assidues. Un pré fleuri, riche en insectes, avec quelques perchoirs, fait leur bonheur. Hélas, comme les femelles font leur nid par terre au milieu des hautes herbes, œufs et poussins sont à la merci de la faucheuse.
Aujourd’hui, l’observation attentive de Jérôme est vaine. « Au début du mois de juin, la femelle couve, le couple est très discret », explique le biologiste. « L’intensification agricole a été dramatique pour cet oiseau. Les fauches plus précoces et plus nombreuses qu’autrefois ne lui laissent pas le temps de mener à terme sa nichée. » A tel point qu’il a déserté le Plateau suisse à partir des années 1950 déjà.
Soins intensifs dans les prés
Natif de la Gruyère, Jérôme parcourt l’Intyamon à la découverte des oiseaux depuis toujours. Le petit turdidé à la poitrine orangée le séduit dès ses premières observations. Fasciné par ses migrations jusqu’au sud du Sahara, il se rend plusieurs fois en Afrique tropicale en hiver pour retrouver son oiseau. Et surtout, préoccupé par son statut précaire, il s’engage avec énergie dans un programme de sauvegarde lancé en 2004. A ce moment-là, la vallée abrite encore 37 territoires. Mais les ornithologues savent qu’il s’agit d’un noyau résiduel en déclin. « Autrefois, les tariers étaient communs dans la vallée », précise Jérôme. Dans le Pays-d’Enhaut tout proche, un recensement au début des années 1990 révélait la présence de 250 couples. Combien en reste-t-il aujourd’hui ?
Le long du chemin, le biologiste attire mon attention sur une bande herbeuse en fleurs. « Cet ourlet fait partie de la Mesure tarier des prés qui garantit un minimum de surfaces non fauchées durant le cycle complet de la reproduction. » Et qu’en est-il des couples qui s’installent ailleurs ? « Grâce à une recherche systématique, on parvient à localiser ces nichées. Avec l’accord de l’agriculteur, nous délimitons un carré de 30 mètres de côté tout autour du nid qui sera préservé jusqu’à l’envol des jeunes », explique le naturaliste tout en me montrant quatre piquets blancs à quelques centaines de mètres de là.
Avec les agriculteurs
Malgré l’important travail accompli sur le terrain grâce au soutien de la Station ornithologique suisse, le déclin de l’espèce s’est poursuivi. En 2017, la population ne comptait plus que cinq couples. « Les mesures prises n’ont pas suffi pour stopper cette évolution. Il faudrait pouvoir doubler les surfaces protégées », regrette le biologiste.
En passant près d’une ferme, Jérôme Gremaud échange de loin quelques mots avec l’agriculteur. « La crécerelle niche dans le secteur », lance-t-il. Grâce à une relation de confiance établie durant toutes ces années, les exploitants ont pris conscience du potentiel biologique de leurs terres.
« Notre plus belle réussite, c’est l’intérêt et même une certaine tendresse que plusieurs agriculteurs de la vallée ont développé pour cet oiseau. Il n’est pas rare d’en apercevoir dans leurs champs, jumelles à la main. » Même si les chances de succès sont minces, pas question de baisser les bras. Les mesures prises sont profitables à la flore, aux insectes et à d’autres espèces d’oiseaux. « Et puis, sans tout ce que nous avons fait, on ne parlerait plus du tarier dans la région depuis des années », conclut-il avec émotion.
Dans l’ancien fort militaire des Marches hiberne l’unique population fribourgeoise de petits rhinolophes, une chauve-souris très rare et menacée.
Ce tronçon de la Sarine fait partie des zones alluviales d’importance nationale. Remarquable diversité des arbres et arbustes.
Les derniers couples de tariers des prés de l’Intyamon nichent dans ces herbages. Cherchez-les sur les plus grandes fleurs et autres perchoirs.
Des aménagements pour la faune ont été créés le long de ce talus. Panneaux d’information sur le parcours.
Des prairies sèches d’importance nationale colorent le paysage entre Grandvillard et Lessoc. Fauche tardive en juillet !
Les façades richement décorées de Grandvillard témoignent de l’opulence d’autrefois liée au commerce du fromage.
La fontaine de Lessoc, avec son bassin octogonal et sa coiffe en forme de bulbe, a été construite entre 1796 et 1809.
Intyamon, la vallée du tarier des prés
distance :17,5 km
Dénivelé : +307 m
Durée : 5h 30
- A la gare de Gruyères, emprunter le sentier de gravier qui monte au bourg médiéval.
- Se diriger vers l’église puis suivre le balisage Le Pont qui branle.
-
Passage sous la route, puis traverser et longer la Sarine pour rejoindre la variante plus courte.
Variante plus courte (4h45 au lieu de 5h30) :
- A partir de la halte d’Enney, rejoindre le pont sur la Sarine.
- Rejoindre la route à la hauteur de la ferme.
- Dans Grandvillard, suivre les indications Cascade Grotte.
- Poursuivre à flanc de coteau, direction Montbovon.
- A la fontaine du village de Lessoc, prendre la rue Monseigneur-Genoud puis suivre Montbovon.
- Continuer sur Les Sciernes d’Albeuve / Tour du Lac.
- La gare est au sud de l’église.
Accès en transports publics
Départ et arrivée sur la ligne Bulle-Montbovon. Un bus circule aussi entre Montbovon et Grandvillard. Votre horaire sur cff.ch
Matériel & règles d’or
- La balade traverse des zones agricoles. Par respect pour la faune et le travail des agriculteurs, restez sur les chemins balisés.
- N’oubliez pas vos jumelles pour chercher le tarier des prés, perché sur des ombellifères.
Compléments week-end
A) Sentier des fromageries: Fabrication du fromage dans un chalet typique du XVIIe siècle. Démonstration sur réservation. Balade thématique entre Pringy et Moléson-Villagela découverte des paysages typiques de la Gruyère.
B) Bourg médiéval de Gruyères: Gruyères a reçu le titre de plus beau village de Suisse romande en 2014. Ruelles pittoresques, musées, château, église et chocolaterie méritent une visite.
C) Réserve naturelle du Vanil Noir: C’est un des fleurons des réserves de Pro Natura Fribourg. Paysages, flore et faune typiques des Préalpes. Promenade au départ de Grandvillard.
D) Observatoire astronomique du Moléson: Nuitées d’initiation à l’astronomie sur l’un des sommets les plus emblématiques du canton de Fribourg. Possibilité de loger sur place.
Dans l’Hérault, balade sur les traces des mouflons.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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