Terre de lièvres
Inscrit sur la liste rouge, le lièvre brun s’est fortement raréfié dans la plupart de nos paysages agricoles. Sortie à deux pas de Genève, où prospère une belle population de ce coureur aux longues oreilles.
Inscrit sur la liste rouge, le lièvre brun s’est fortement raréfié dans la plupart de nos paysages agricoles. Sortie à deux pas de Genève, où prospère une belle population de ce coureur aux longues oreilles.
Roselières, prés inondés, étangs, fossés et allées de saules têtards : depuis le ponton de bois qui domine le marais de Sionnet, le coup d’œil est splendide. Quelques canards souchets barbotent paisiblement. Ici, entre les méandres de l’Arve et le lac Léman, le paysage évolue. « Il y a quelques années encore, ces campagnes étaient cultivées jusqu’au bord de la Seymaz. En les revitalisant, on a rendu à la nature ce qu’on lui avait pris au début du siècle passé », explique Claude Fischer. Le biologiste s’agenouille devant une ornière de boue. Un blaireau y a laissé ses empreintes… « Son terrier est dans une forêt pas très loin d’ici », me dit-il satisfait. Et le lièvre, alors ?
Genève contre-tendance
Spécialiste de la faune sauvage, Claude Fischer est arrivé dans la cité de Calvin en 1997. Enseignant à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, il se passionne pour le lièvre depuis près de 20 ans. Il ne pouvait mieux choisir son terrain d’étude : le territoire d’Arve et Lac abrite une densité de lièvres dix fois plus élevée que la moyenne suisse, soit jusqu’à 24 individus par kilomètre carré ! Une valeur rarement atteinte ailleurs dans nos campagnes. Selon les scientifiques, une population est viable à long terme à partir d’une densité de 4 à 6 individus par kilomètre carré.
Nous quittons la plaine marécageuse pour champs et vignobles. « La meilleure période pour observer le lièvre, c’est maintenant, lorsqu’il est en rut et que les cultures ne sont pas trop hautes. » Tapi et immobile, les oreilles plaquées sur le dos, il passe souvent inaperçu même en terrain dégagé. Coup de jumelles entre les sillons et dans les cultures ; la chance nous sourit assez vite. Deux individus se tournent autour dans un champ de céréales encore ras.
Charmé par les bois
Les chênaies à charme de Jussy exhibent des parterres fleuris à faire pâlir un jardinier. Sylvies, pervenches, ficaires et primevères se hâtent de fleurir avant que les arbres ne prennent toute la lumière. D’importantes mesures d’entretien sont prises pour redonner à ces forêts la richesse biologique d’antan : revitalisation d’étangs, maintien des clairières et débroussaillage des prairies humides.
Le lièvre s’aventure aussi dans ces bois. Un suivi télémétrique a mis en évidence sa présence au cœur de la forêt, jusqu’à 400 mètres des lisières. Surprenant pour ce spécialiste des cultures. Mais pourquoi ce lagomorphe se porte-t-il si bien dans les campagnes genevoises ? La réponse n’est pas simple. « Pour sûr, la structure en mosaïque du milieu agricole avec ses haies, ses vergers à hautes tiges, ses friches, ses cours d’eau et ses zones humides revitalisées lui est favorable. » Cependant, en France voisine, on connaît des densités encore plus élevées dans des régions où l’agriculture est bien plus intensive. « On pense que les conditions climatiques clémentes et le déclin du renard suite à une épidémie de gale il y a une quinzaine d’années ont favorisé le lièvre. » Et la chasse ? « Son abolition dans le canton de Genève en 1974 n’a vraisemblablement pas joué un rôle prépondérant puisque la population de lièvres n’a augmenté qu’une vingtaine d’années plus tard », réplique Claude Fischer.
Captures incisives
Le long du chemin, des manchons en plastique protègent les jeunes fruitiers contre les incisives du bossu. Parmi la centaine de plantes constituant son menu figurent également quelques espèces cultivées. « En 2006, les lièvres étaient si nombreux qu’on a procédé à des translocations. Les animaux déplacés ont permis de repeupler avec succès deux sites en Haute-Savoie et de réduire les dégâts aux cultures localement importants. »
Les connaissances accumulées dans cette plaine permettront-elles de favoriser le lièvre ailleurs ? Claude Fischer l’espère bien : « Rétablir à long terme des populations viables dans nos campagnes serait une belle récompense ! » Et lorsqu’on lui demande d’évoquer une rencontre marquante avec ce coureur aux longues oreilles, il se souvient de ses débuts et raconte, l’œil pétillant, l’observation d’un individu surpris au petit matin, s’enfuyant à grands bonds, la rosée giclant autour de lui.
Les tas de branches mortes laissés sur place sont très appréciés des lézards, couleuvres à collier et micromammifères.
Le lièvre apprécie particulièrement les céréales, le colza, le tournesol et les jeunes plants de vigne.
Grâce aux travaux de renaturation, de nombreux oiseaux d’eau nichent ou font escale dans les marais de Sionnet.
Un programme de réintroduction de la cistude a démarré en 2010 dans les étangs de Pré-Bordon. Aujourd’hui on peut voir ces reptiles prenant le soleil sur les troncs couchés au bord de l’eau.
Isolés ou en allées, les chênes pédonculés marquent le paysage agricole genevois et attirent une faune variée.
Votre itinéraire
- (1) Depuis l’arrêt de bus Route de Lullier, descendre vers les Prés de l’Oie.
- (2) Suivre le balisage jaune direction Gy.
- (3) Poursuivre direction Jussy par Prés de Villette.
- (4) Traverser le ruisseau puis prendre à gauche.
- (5) Poursuivre sur Jussy.
- (6) Suivre Corsinge.
- (7) Avancer vers la gauche sur 20 m puis tourner à droite.
Variante :
- (8) Suivre le sentier le long du cordon boisé.
- (9) Aller-retour vers un joli point de vue sur les Prés de Villette.
- (10) Poursuivre en direction de Jussy.
Accès en transports publics
Depuis la gare Cornavin, compter environ 45 minutes de bus jusqu’à l’arrêt Route de Lullier. Nombreux départs chaque heure. Horaires sur cff.ch et tpg.ch.
Matériel & règles d'or
- La balade traverse des zones agricoles et des réserves naturelles. Par respect pour la faune et le travail des agriculteurs, restez sur les chemins balisés.
- N’oubliez pas vos jumelles pour chercher les lièvres tapis dans les champs.
Manger & dormir
- Café, tea-room L’Arrêt d’Bus à Gy, arretdebus.ch
- Domaine de Crève Cœur, table d’hôte et gîte rural à Choulex, creve-coeur.ch
Compléments week-end
A) Vallon de l’Allondon Ouvert au public en 2015, ce centre de Pro Natura Genève est une fenêtre privilégiée sur l’un des plus beaux sites naturels du canton. L’Allondon est l’une des dernières rivières avec une dynamique encore naturelle.
pronatura-ge.ch/centre-nature-du-vallon-de-l_allondon
B) Pointe à la Bise Un sentier didactique et une tour d’observation donnent accès à une jolie roselière. En période de reproduction, la crique est animée par les grèbes huppés qui construisent leurs nids flottants arrimés aux roseaux.
pronatura-ge.ch/le-centre-nature-pointe-a-la-bise
C) Marais de Rouëlbeau Au XIVe siècle, le château de Roillebot s’élevait au cœur d’une vaste plaine marécageuse. Asséchés 600 ans plus tard, ces marais sont aujourd’hui revitalisés par étapes. En 2000, la remise à ciel ouvert du collecteur de Rouëlbeau a permis la création de 2,5 ha de zones humides.
D) Les Voirons Du haut de ses 1480 m, la montagne des Voirons offre de belles balades faciles et idéales avec des enfants. La vue sur le Léman, le Salève et tout le bassin genevois est magnifique. Depuis 2008, un vaste secteur autour de la crête bénéficie d’un statut de protection.
Découvrez la balade palette d'hiver au Pilat, aux portes de Lyon.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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