Quand les oiseaux migrateurs passent le détroit de Gibraltar
Carnet de route - Après la montagne, c’est la Méditerranée qui barre la route des oiseaux migrateurs. Impressions d’Andalousie.
Carnet de route - Après la montagne, c’est la Méditerranée qui barre la route des oiseaux migrateurs. Impressions d’Andalousie.
Malaga, Andalousie, Espagne
26 septembre
La Méditerranée.
D’un seul coup. Les côtes toutes proches, avec au fond un cargo entre ciel et eau. Telle est l’image qui s’offre à mes yeux quand j’atteins en pédalant le col del Leon. Et c’est aussi l’image qui doit apparaître aux cigognes, aux bondrées et aux hirondelles une fois traversées les sierras d’Espagne. La mer partout, et Gibraltar en point de mire.
Malaga, si proche du détroit, n’a plus grand-chose à offrir aux oiseaux migrateurs, nombreux à transiter par ici avant la traversée. Il faut se faufiler entre plusieurs bretelles d’autoroute, contourner une raffinerie et traverser une zone résidentielle en bord de mer pour atteindre le delta du Guadalhorce, une des dernières zones naturelles à offrir quelques buissons et des lagunes.
Chevaliers guignettes, chevaliers gambettes et bécassines des marais se reposent au bord des étangs. Sur la plage m’attend un traquet motteux, perché sur une tige sèche au milieu du sable, tout semblable à celui que j’ai observé en Gruyère quelques jours avant mon départ.
De l’autre côté, tout proches, le Maroc, l’Afrique. Un avant-goût de l’autre continent est perceptible à l’arrivée des ferries de Melilla, Ceuta ou Tanger. Ici, les journaux rapportent quotidiennement le destin tragique des immigrants qui tentent chaque nuit de passer la frontière à Melilla ou Ceuta, enclaves espagnoles en terre marocaine. Des barrières, des barbelés, la police, l’armée. Une migration tragique vers le Nord.
Tarifa
7 octobre
Le vent d’est de ces derniers jours empêche bon nombre de rapaces de franchir le détroit. Quelques circaètes tentent la traversée, se font déporter sur l’Atlantique et reviennent vers la côte, piteusement, en vol battu. Ils sont des dizaines à attendre une accalmie en survolant les reliefs autour de Tarifa.
Les tariers des prés - mâles reconnaissables à leur joue marquée de noir, femelles aux beaux tons beiges, et surtout jeunes à la poitrine finement striée - attendent eux aussi le long de la plage que le vent se calme un peu pour continuer vers le Sahara. Cette nuit ? La nuit suivante ?
Après plusieurs jours passés à la Estación ornitológica de Tarifa, je prends le ferry à destination de Ceuta. Et mets enfin pied sur le continent africain.
La suite du carnet de route ici.
Compagnons de voyage
Parmi tous les oiseaux migrateurs, il en est trois que Jérôme Gremaud se réjouit tout particulièrement de retrouver en chemin: le tarier des prés, parce qu’en Gruyère, le biologiste a beaucoup collaboré avec les agriculteurs pour protéger cet oiseau menacé ; le chevalier guignette, joli échassier des rivières qu’il a vu disparaître peu à peu de la Sarine ; enfin le traquet motteux, qui niche volontiers sur les sommets pelés des Préalpes.
Comme espéré, les rencontres avec ces trois beaux oiseaux sont fréquentes. Les chevaliers guignettes, d’une année à l’autre extrêmement fidèles à leur destination, se répartissent en hiver le long des ruisseaux africains. Les traquets motteux alpins retrouvent dans la savane leurs cousins de Sibérie, du Groenland ou du Canada. Quant aux tariers des prés, le but de leur migration est longtemps demeuré mystérieux. Jusqu’au jour où l’ornithologue français Guy Jarry en a découvert un grand nombre dans les prairies verdoyantes des montagnes de Guinée. C’est là qu’ils passent l’hiver en compagnie des rossignols, des fauvettes des jardins et des hypolaïs.
Retrouvez tous les articles du dossier sur la migration : Voyager avec les oiseaux.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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