Comment l’humus se forme-t-il ?
Et si nous donnions la parole aux insectes, champignons, bactéries, vers et autres acariens ? C'est eux, les créateurs de l'humus.
Et si nous donnions la parole aux insectes, champignons, bactéries, vers et autres acariens ? C'est eux, les créateurs de l'humus.
Une immense décharge à ciel ouvert couvre la totalité du sous-bois. Feuilles mortes, brindilles, aiguilles, glands et samares s'entassent dans un désordre total. Tout paraît tranquille, et pourtant mille milliers de mandibules, de stylets et de radulas scient, râpent, déchirent et malaxent tout cela sept jours sur sept. Bienvenue dans la déchetterie de la litière, où rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme.
Ramassage quotidien
Par terre, une toute petite fourmi. « Tout va disparaître dans les 9 à 15 mois à venir. » L'insecte s'interrompt et lève les yeux vers la forêt peinte comme une toile de Mondrian. Une feuille vient de se détacher du grand chêne. « Livraison ! » En ondoyant, elle atterrit dans la benne spécialisée dans le recyclage des panneaux solaires.
«En automne, les feuilles représentent les déchets les plus abondants », précise le menuisier-collembole Orchesella. « On va commencer les travaux en dégageant des ouvertures dans l'épiderme. » Puis des larves de mouches grignotent ces fenêtres en les élargissant. « Les cloportes, les gloméris ou des mollusques viennent ensuite nous prêter main-forte. » En parallèle, des champignons et des bactéries attaquent la décomposition par l'intérieur. Grâce à de puissantes enzymes, ils dissolvent chimiquement la chlorophylle ou l'amidon.
Revalorisation
Juste à côté, la litière se met à vibrer. Un énorme ver de 28 cm remonte élégamment depuis les profondeurs de la terre. « Je suis le monte-charge du sol : lors de mes allers-retours entre la surface et les couches profondes, j'enfouis les crottes des recycleurs et les miettes de feuille partiellement digérées et je remonte des limons et des argiles », expose Lumbricus terrestris, ingénieur du bureau Anécique chargé de la valorisation des matières recyclées.
Jour après jour, le limbe de la feuille de chêne se réduit comme peau de chagrin. Alors, les collemboles attaquent les nervures plus coriaces et moins appétissantes. Les acariens oribates, les nématodes et d'autres petites bêtes poursuivent la pulvérisation des débris, sans se priver parfois d'un cadavre de leurs collègues. Et la microflore digère à plein tube!
Stockage des inertes
Quelques centaines de jours plus tard, la feuille n'est plus. Mais a-t-elle vraiment disparu ? Certains matériaux solides et complexes comme la lignine n'ont pas été complètement recyclés. « En revanche, nous avons pu démanteler une grande part des sucres et des acides aminés » , se réjouit Bacillus , porte-parole de la communauté bactérienne. Le produit final de tout ce travail ? L'humus, nous y voilà.
Broyeur vivant
La fragmentation opérée par les animaux du sol étend la surface totale d'une aiguille de pin de 180 mm2 à 1,8 m2. La microflore dispose ainsi d'un front 10 000 fois plus vaste pour attaquer la
digestion.
Sucre et sucre
Les plantes assemblent des chaînes de glucose pour stocker de l'énergie : c'est l'amidon. Et leur matériau de construction, la cellulose, est également une chaîne de glucoses fixés légèrement différemment. Si l'amidon se dégrade très facilement, la cellulose résiste nettement plus longtemps dans le sol.
Tonnage annuel
Une forêt de feuillus produit chaque année environ 11 tonnes de litière par hectare. Et tout autant sous terre par dépérissement naturel des
racines.
Bonne ou moins bonne litière
Les feuilles de tilleul, de saule ou d'aulne sont facilement décomposées et stimulent l'activité microbienne. Au contraire, les conifères, les myrtilles ou les rhododendrons produisent une litière qui inhibe les bactéries et se dégrade lentement.
Fin de cycle
Que le recyclage produit-il ? Des gaz, comme le CO2 ou le méthane, de l'eau, du calcium, du potassium, des phosphates ou des nitrates utiles à la croissance végétale ou bactérienne… Et bien sûr de l'humus.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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