Au temps des alpages paysans
En route près de Briançon, dans les Hautes-Alpes, où la vallée de la Clarée porte les traces d’une vie passée rude mais pleine de sens.
En route près de Briançon, dans les Hautes-Alpes, où la vallée de la Clarée porte les traces d’une vie passée rude mais pleine de sens.
Le sentier que je déniche en passant devant l’église de Névache franchit le pont au-dessus de la rivière puis la longe sur sa rive gauche. J’emprunte alors une aimable sente ombragée par endroits et bordée de buissons de fruits rouges. Fin août, ils sont mûrs à point. Comme un coureur du Tour de France, je suis ravitaillée par des dizaines de branches qui me tendent leurs provisions. Groseilles, framboises, fraises et fruits d’églantier – le fameux cynorhodon – semblent plantés par la providence pour former ce chemin de friandises. Ma besace gonflée de baies, je quitte la fraîcheur du torrent pour grimper vers les alpages.
Sur les pas des troupeaux
Le sentier caillouteux ne finasse pas : droit dans le pentu pour joindre la vallée et les chalets de Buffère, à 2076 mètres d’altitude. C’est que cet itinéraire ne date pas d’hier, il a été pensé dans un souci d’efficacité, pour faire transiter les bestiaux de leurs pâturages d’été à ceux d’hiver. Claude Devalle, le gardien du Refuge Buffère, m’instruit de son ton lapidaire : « La croix fracassée devant laquelle tu es passée en montant, c’est en mémoire d’un villageois dont la mule s’est emballée alors qu’il ramenait du bois dans la vallée. » Dans un passé pas si lointain, les chalets de Buffère n’abritaient pas les marcheurs comme moi, mais des familles qui se battaient pour tirer du sol leur subsistance, comme le décrit l’institutrice et écrivaine Emilie Carles dans son autobiographie Une Soupe aux herbes sauvages. Avant la Seconde Guerre mondiale, vingt-trois chalets occupaient le collu à 2000 mètres. Aujourd’hui, ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Le soleil est encore haut. Je grimpe au-dessus de la minuscule chapelle Saint-Ignace. La draye de transhumance est toujours visible, encadrée par deux rangées de grosses pierres qui guidaient les bêtes. Elle m’entraîne jusqu’à un vallon peuplé de dizaines de marmottes joufflues et peu farouches en cette fin d’été.
«Quand ma fille Marie avait 5 ans, se souvient Claude, notre voisine à Névache lui disait : « Moi à ton âge, j’tirais les foins dans le vallon du Privé. Toutes ces prairies étaient mises en culture, puis fauchées. » Seigle, lentilles, patates étaient plantés dans les alpages pour profiter de la fraîcheur qui y régnait en été, tandis que la vallée, terrassée par la chaleur, était délaissée pour quelques mois. « A l’époque, poursuit-il, on piochait à la main, et on ôtait les pierres une à une en faisant des tas dans un coin du champ. » Les clapiers de cailloux entassés en témoignent aujourd’hui encore.
Les hommes changent, la montagne reste
Le lendemain matin, Claude me dirige vers mon prochain point de chute : « C’est un itinéraire récent. A l’époque de la grande activité des alpages, les gens ne se baladaient pas d’un village à un autre. Ils avaient surtout besoin de rallier la vallée. » Fin connaisseur de la montagne, il m’invite à guetter le cincle plongeur le long du ruisseau.
Le paysage se referme brusquement après la cascade de Fontcouverte et le petit hameau qui la suit. C’est là qu’était installée la Fruitière, sorte de coopérative avant l’heure, à laquelle les petits producteurs de lait venaient porter le fruit de leur labeur et s’assemblaient pour produire de grosses meules de fromage. Aujourd’hui seule une auberge nous rappelle ce passé fromager… Je traverse la Clarée et m’attaque au raidillon sur le flanc droit de la vallée. Direction le lac Laramon, un miroir cristallin enserré de milliers de buissons de myrtilles. Leurs baies sont énormes, gonflées de jus et mûres à souhait. Une dernière occasion de cueillette pour mes futures confitures alpines.
Il faut songer à redescendre à Névache. « Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce village a été évacué et pillé, tient à me préciser Claude, il n’y avait plus une seule bestiole d’élevage. » Aujourd’hui, les habitants sont revenus mais l’agriculture n’a jamais retrouvé son niveau d’antan. Vers 1950, la mode de la transhumance a été lancée et les premiers animaux extérieurs à la vallée sont arrivés. Ils se sont peu à peu approprié l’espace qu’occupaient autrefois les vaches et les brebis du village. Randonneurs et troupeaux ne se côtoient désormais qu’en estive.
Les usages changent au fil des siècles, mais la vallée de la Clarée reste un petit paradis protégé.
Ici, régalez-vous de myrtilles.
Vue sur le mont Thabor
Le cincle plongeur vous accompagne.
Ancienne fruitière
Saurez-vous voir la marmotte avant qu’elle ne vous siffle ?
Miam miam, framboises et groseilles vous attendent.
Guettez les écureuils dans la forêt.
Distance : 20,3 km dénivelé : +1106 m durée : 15h Variante (aller simple): distance : 4,7 kmdénivelé : +392 mdurée : 2 h
Goûtez la vallée des confitures
- Départ de Névache. Remonter le long de la rivière en la gardant sur votre droite. Le sentier se met à grimper sur le flanc gauche de la vallée après le pont du Rately, dans la forêt de mélèzes.
- Première nuit au Refuge Buffère.
- La plaine des marmottes. Prendre la direction du hameau de la Meuille, retrouver la Clarée et la longer.
- Cascade de Fontcouverte. A la Fruitière, traverser la Clarée et prendre la piste vers le hameau de Ricou.
- Deuxième nuit au refuge de Ricou. Au-dessus du refuge, rejoindre le sentier qui serpente à flanc. Croiser le GR 57 et poursuivre jusqu’au lac Laramon.
- Le lac Laramon. Redescendre dans la vallée par le sentier en balcon. Direction Chalets de Biaune, Névache. Descendre par une série de lacets serrés sur le GR 57A.
-
Arrivée à Névache.
Variante (aller simple)
- Départ du village de Névache.
- Arrivée au hameau de Roubion (retour en bus).
Accès en transports publics
Matériel & règles d’or
- Ne partez pas sans les petits cakes aux chénopodes et aux noix de la boulangerie de Névache. Conseil d’amie !
- La montagne a du caractère, faites un point météo avant de partir.
Manger & dormir
- Refuge Buffère +33 4 92 21 34 03 buffere@wanadoo.fr
- Refuge de Ricou +33 4 92 21 17 04 refuge-ricou@orange.fr
- Boulangerie le Cristol à Névache
Compléments week-end
Val-des-Prés
C’est le village de l’écrivaine Emilie Carles, auteure de la grande œuvre de la littérature montagnarde paysanne Une Soupe aux herbes sauvages, sur la vallée de la Clarée. Très beaux cadrans solaires à dénicher sur les murs du hameau. Grande richesse faunistique dans les environs.
Briançon
La ville la plus ensoleillée de France abrite une citadelle Vauban, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Col du Lautaret
La Station alpine Joseph Fourier abrite le jardin botanique alpin et ses 2000 espèces de plantes montagnardes.
Mont Chenaillet
Situé à 2650 m d’altitude à proximité de la frontière franco-italienne, entre le village de Cervières et le col de Montgenèvre, magnifique témoin de l’existence de l’océan alpin présent il y a 150 millions d’années.
En Suisse, le vallon de Nant dans le canton de Vaud.
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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