Des vanneaux huppés en ville
Suite à la disparition des prairies humides extensives, les vanneaux huppés ont quasiment déserté la Suisse. A défaut de trouver mieux dans la campagne zougoise, quelques couples s'installent chaque année sur des toits d'immeuble.
Suite à la disparition des prairies humides extensives, les vanneaux huppés ont quasiment déserté la Suisse. A défaut de trouver mieux dans la campagne zougoise, quelques couples s'installent chaque année sur des toits d'immeuble.
Des lignes à haute tension et une grue qui n'en finit pas d'osciller. Des bouches d'aération et des dizaines de cheminées. L'autoroute Zoug-Lucerne encombrée de camions et le vacarme des chantiers. La poussière et la chaleur. Une chaleur écrasante qui brûle et brouille l'horizon. On peut rêver mieux comme poste d'observation ornithologique. Les vanneaux huppés ne semblent pourtant pas gênés par ce décor incongru. Depuis 2005, ils ont élu domicile sur le toit d'une entreprise de la commune de Steinhausen située à cinq minutes de la ville de Zoug.
Un paradoxe nommé béton
Le mâle a repéré notre présence et lance des piiivouitt stridents pour alerter sa compagne. Sur le toit voisin, la femelle rejoint les hautes herbes, aussitôt suivie par quatre boules de plumes hautes sur pattes. Les poussins n'ont guère plus de trois jours mais filent déjà à toute vitesse le long de la corniche. Le spectacle est surprenant car, a priori, le vanneau huppé n'a rien à faire ici, enclavé au milieu du béton. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : dans les années 1970, on dénombrait encore un millier de couples en Suisse. Aujourd'hui, il en reste moins de 150. Une tendance à la baisse qui affecte également la France et d'autres régions d'Europe.
Espérance de vie : quatre jours
La découverte de vanneaux sur les toits zougois est assez récente. En 2005, Nathalie Baumann et ses collègues lancent un projet de recherche sur les oiseaux et apprennent, par le biais de la Station ornithologique suisse de Sempach, la présence de deux couples de vanneaux sur les toits de la région. Après quelques avis de recherche publiés dans la presse, des couples sont également signalés dans les cantons de Berne et Lucerne. « Nous avons très vite constaté que les poussins ne parvenaient guère à survivre plus de quatre jours dans cet environnement hostile » , raconte la biologiste. En cause ? « Le manque de nourriture surtout, car ils ont besoin dès leur naissance de petits invertébrés grapillés dans la végétation. »
Jeunes à l'envol
Pour venir en aide aux vanneaux, les chercheurs décident d'améliorer la qualité de la couverture végétale des sites de nidification. Les tapis classiques de mousses et d'orpins qu'installent souvent les professionnels sur les toits sont en effet très pauvres en humus. Ils attirent peu d'insectes, hormis les butineurs. « En 2007, nous avons commencé par étendre du terreau et semer des fleurs et des graminées. Ensuite, nous avons créé des points d'eau en guise d'abreuvoir » , souligne Nathalie Baumann. En 2008, le suivi de onze couples répartis sur sept toitures donne déjà des résultats encourageants : le taux de survie moyen des jeunes passe de 3 à 30 jours et trois d'entre eux prennent leur envol au bout de 45 jours.
Bastion pour survivants
La partie n'est pas gagnée pour autant. Canicule, dérangement, prédation ou chutes mortelles fragilisent les effectifs des vanneaux urbains. Les interventions sont compliquées, voire dangereuses, et soumises à autorisation sur ces immeubles privés. Le manque de moyens financiers ne facilite pas non plus la tâche des chercheurs, peu soutenus par les cantons et les associations ornithologiques. « Qu'on le veuille ou non, les vanneaux s'installent sur les toits, alors autant leur donner un petit coup de pouce. Au train où la Suisse se bétonne, il faut se faire à l'idée que les zones industrielles seront peut-être un jour leur dernier bastion ! » insiste Nathalie Baumann. Pas de doute, les ornithologues aussi devront s'adapter...
Une friche en chiffres
122 couples nicheurs en 2011 en Suisse, dont 31% sur des toits 10 toits occupés par des vanneaux
4 jeunes à l'envol en 2010
8 communes impliquées
le soutien de 6 entreprises
Araignées & Co
Les toitures végétalisées profitent aussi aux rougequeues noirs, aux bergeronnettes ou aux chardonnerets. Ils viennent s'y nourrir ou chercher des matériaux de construction pour leur nid. Ce sont toutefois les invertébrés qui sont les mieux représentés. « En fonction des substrats à disposition, on peut trouver jusqu'à 25 espèces d'araignées sur un même toit. Certaines, comme ici Zelotes exiguus, sont des espèces menacées » , précise Nathalie Baumann. Un projet de recherche sur les abeilles sauvages vient par ailleurs d'être lancé par Pro Natura sur des toitures du Tessin, du Valais et du canton de Saint-Gall.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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