© Alessandro Staehli

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Martinet, l’oiseau qui ne s’arrête jamais

Brise & Azur, un couple de martinets suivi par une webcam

Chaque printemps, Alessandro Staehli, l’auteur de ce dossier, suit au jour le jour la vie intime de deux martinets noirs. Journal de la saison 2020.

Chaque printemps, Alessandro Staehli, l’auteur de ce dossier, suit au jour le jour la vie intime de deux martinets noirs. Journal de la saison 2020.

17 avril

BING ! Un message sur mon portable à 19 h 07 : « Hey salut bijou ! Les premiers martinets sont arrivés à Toulouse », me révèle Seb, mon précieux informateur dans le Sud. En quelques jours, ils vont avaler les 600 km qui les séparent de Saint-Blaise, sur les rives du lac de Neuchâtel. Mon village compte 3 000 habitants, de nombreuses hirondelles de fenêtre et une belle population de martinets noirs. Parmi eux, la femelle Brise et le mâle Azur, mes plus anciens colocataires. Le couple a emménagé pour la première fois il y a quatre ans dans le St04 : un nichoir que j’ai vissé sous le linteau de la fenêtre de mon salon, exposé plein sud, avec vue imprenable sur le lac et les Alpes. Leur logis, je l’ai meublé de foin haché et équipé d’une webcam. Ainsi, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, chaque printemps je peux suivre leur quotidien.

23 avril

A 20 h, je plonge les pâtes dans l’eau bouillante quand ma compagne m’appelle : elle a entendu un cri de martinet ! Je me précipite à la fenêtre. Sous des altocumulus embrasés, percent les rayons du couchant. Une fauvette mélodieuse rivalise avec un rougequeue grincheux et de nombreuses hirondelles se nourrissent dans les nuées de moucherons. Soudain, voici six oiseaux aux ailes effilées. Ils volent avec des coups d’ailes décidés et puissants, pressés comme s’il n’y avait pas de lendemain. Je les observe chasser avec une maestria à faire pâlir tout autre volatile à la ronde. Les premiers martinets noirs de l’année ! Parmi eux, y aurait-il Brise ou Azur ? J’en oublie ma casserole, et tant pis pour les spaghettis al dente.

4 mai

Il y a trois jours, le passage d’une perturbation a vidé le ciel de ses martinets. Peut-être sont-ils partis à des centaines de kilomètres ? Et puis ils sont revenus hier, en même temps que le soleil. Ils esquissent maintenant les premiers passages territoriaux devant la maison. Toute incursion dans le nichoir, placé sous haute surveillance grâce à la webcam, sera enregistrée sur mon serveur.

A 5 h 51, alors que je dors encore, un premier Apus rentre au bercail… huit jours plus tard que l’an dernier. Il atterrit tant bien que mal en repliant sur le dos ses immenses ailes en faux. Puis il tourne plusieurs fois sur lui-même, comme s’il mesurait cet espace sombre et exigu après neuf mois de ciels sans confins. Quand il se gratte, je vois qu’il est bagué. Brise ou Azur ?

5 mai

Ma fenêtre donne sur une rue limitée à 30 km/h. Mes voisins aériens n’en ont cure et la survolent à plus de 80 km/h en criant comme des forcenés. Quelle liberté, quelle joie de vivre ! A 12 h 40, un martinet (le même qu’hier ?) arrive au nichoir, suivi par un autre individu non bagué.Au lieu des salutations typiques des retrouvailles après l’hivernage, les deux oiseaux crient et se disputent violemment avant de se calmer et de se toiletter mutuellement. Tout laisse supposer qu’un changement s’est opéré chez mes protégés.

285 jours

Tel est le temps écoulé depuis la dernière visite d’Azur au nichoir St04, le 24 juillet 2019. Depuis, le martinet noir a volé pratiquement sans interruption en parcourant plusieurs centaines de milliers de kilomètres, y compris un aller-retour entre ses quartiers d’hiver africains et le littoral neuchâtelois.

Anaptère Mouche parasite des martinets
© Wolfgang Kairat

1. L'installation

18.04.20 21:23:32 Pas encore de martinet, mais déjà trois anaptères pâles qui ont éclos. Ces mouches parasites sucent le sang des oiseaux.

04.05.20 12:25:15 1er individu arrivé au nid ce matin. Sa patte droite est baguée ! Probablement Brise ou Azur (les martinets sont très fidèles à leur nid).

05.05.20 15:58:33 Surprise : le 2e adulte ne porte pas de bague. Qui est-il ? Qui est-elle ? Qui est nouveau dans le couple du nichoir St04 ?

05.05.20 19:18:10 L’adulte aménage la cuvette de ponte avec des brins de foin, petites plumes et autres brindilles imprégnés de salive.

Nichoirs à martinets
Dix nichoirs à martinets encadrent les fenêtres d’Alessandro Staehli près de Neuchâtel. Au milieu, le nichoir St04 occupé par Brise et Azur. / © Alessandro Staehli

Crise du logement

Autrefois, le martinet noir nichait dans les parois rocheuses et les cavités d’arbres. Avec la sédentarisation de l’homme néolithique, Apus apus a colonisé nos constructions en occupant de nouveaux vastes territoires. Hélas, cette cohabitation est aujourd’hui menacée : les rénovations condamnent fissures et trous dans les murs et sous les toitures, et les nouveaux bâtiments sont dépourvus d’interstices. La pose de nichoirs est bienvenue pour pallier cette crise du logement.

16 mai

Depuis plusieurs jours, Brise et son compagnon inconnu, ou Azur et sa nouvelle partenaire, passent régulièrement la nuit dans le nichoir et y viennent aussi la journée. Ils ont remis en état le nid rudimentaire : une sorte de coupelle composée de brins de foin, de plumes et autres matériaux emportés par le vent et collectés en l’air.

17 mai

5 h 55, le village est encore endormi, mais plusieurs martinets tournoient déjà bruyamment devant mes fenêtres. En regardant la webcam, je vois que le couple est encore au nid. Etonnant. Mais quand l’un des martinets bouge, j’entrevois un œuf… encore mouillé, signe que la ponte vient d’avoir lieu ! Incroyable. Je consulte immédiatement les archives de la nuit. Sur les vidéos ( 2. La ponte), je découvre que l’individu qui pond n’est pas bagué. Autrement dit, le rescapé du couple est bel et bien le mâle, Azur. Sa nouvelle compagne, que je décide de surnommer Bise, vit probablement sa première nidification, ce qui expliquerait ses essais de couvaison maladroits.

2. La ponte

17.05.20 05:53:25 Femelle à plat ventre, ailes entrouvertes et plumage mi-gonflé. Ses spasmes sont de plus en plus marqués. Le mâle lui tourne autour.

17.05.20 05:54:30 Une minute plus tard, elle se lève en révélant l’œuf encore mouillé. Ensuite, grasse matinée avec toilettage mutuel.

19.05.20 12:43:50 Les œufs blancs et mats sont pondus directement sur le plancher en bois du nichoir, au centre d’une cupule sommaire.

Un couple de martinets suivi par une caméra pendant toute une saison
©  Alessandro Staehli

70 km/h

Telle est la vitesse atteinte par le martinet vnid est souvent approché par un piqué vertigineux suivi d’une remontée où l’oiseau ouvre sa queue en éventail pour freiner, sort ses minuscules pattes, puis s’engouffre dans l’orifice. Tout cela en un clin d’œil.

19 mai Le couple recomposé Bise et Azur a passé la nuit au nichoir. Seule ce matin, la femelle présente à nouveau les spasmes typiques de la ponte, cinquante-deux heures après le premier œuf. A 10 h 03, elle dépose un deuxième trésor blanc immaculé, puis se toilette un peu et se met à couver le bec entrouvert pour évacuer la chaleur. Car il fait déjà presque 30 °C dans le nichoir. Après une courte visite du mâle, les deux futurs parents s’en vont, laissant les œufs… sous ma seule surveillance pendant dix-huit heures ! Je contrôle régulièrement la webcam par peur qu’un étourneau ou un autre intrus ne détruise la ponte. Azur revient finalement le lendemain à 6 h 40. Les martinets se sont-ils offert une dernière sortie avant l’exténuante période d’incubation et d’élevage des jeunes ? Ou attendent-ils un troisième œuf avant de couver ?

22 mai

Depuis deux jours, la ponte est systématiquement abandonnée pendant une bonne partie de la journée. Ce matin à 5 h 23, Azur quitte le nid pour revenir une demi-heure plus tard en criant… et suivi de la femelle, Bise. Fini les balades, maintenant il faut couver !

23 mai

Il est midi. Une grosse averse éclate avec des rafales qui emportent pétales, feuilles et autres bouts de printemps. Un véritable magasin d’ameublement volant en libre-service pour les martinets. Sans trop de surprise, à peine dix minutes plus tard, mes locataires reviennent le bec plein pour peaufiner leur suite nuptiale.

5 juin

Les jours passent et se ressemblent. La couvaison semble se poursuivre sans embrouille. Les adultes se relayent régulièrement au nid, mais il m’est difficile de vérifier si Azur et Bise partagent la tâche de manière équitable comme l’indique la littérature.

7 juin

C’est la Journée mondiale des martinets. J’espère secrètement que les poussins écloront aujourd’hui. Mais rien ne bouge dans le nichoir. A 22 h 10, je jette un dernier coup d’œil à la webcam… Et je devine alors la peau nue d’un poussin sous le corps des adultes qui le tiennent au chaud. Quoi de mieux qu’une éclosion pour fêter le jour du seigneur du ciel ?

8 juin

Azur part chasser aux aurores pour apporter le premier petit déj’ à son aîné. A 10 h 19, le poussin reçoit déjà son troisième repas de la part de ses parents. Puis, en direct, je savoure l’éclosion du cadet autour de 19 h 50. Quelle journée ! Je surnomme les nouveaux goinfres Gargamelle et Grandgousier, hommage rabelaisien à leur appétit pantagruélique ! Gare à ne pas sous-estimer ces oisillons aveugles et nus comme des poulets plumés. Dans quelques dizaines de jours, ils atteindront la taille adulte, porteront un magnifique plumage ébène et s’en iront jusqu’en Afrique.

Un couple de martinets suivi par une caméra pendant toute une saison
©  Alessandro Staehli

Carrousels célestes

Les rondes aériennes sonores sont l’une des manifestations les plus spectaculaires du martinet noir. Des escadrilles composées de plusieurs dizaines d’individus tournent en criant au-dessus des toits et autour des colonies. Le but de ce comportement social ? Défendre le territoire collectif et renforcer la cohésion du groupe.

3. Les naissances

07.06.20 21:06:24 Le couveur se dégourdit en s’éloi­gnant brièvement du nid : c’est la dernière fois que je vois les deux œufs intacts.

08.06.20 10:19:18 3e nourrissage de Gargamelle âgé de 12 h. Nu avec la peau rose bleuâtre et de gros globes oculaires, il mesure 3 cm.

08.06.20 19:52:04 Grandgousier, sœur ou frère de Garga­melle, est né et gît parmi les fragments de sa coquille.

09.06.20 15:13:21 Un adulte est constamment présent au nid pour garder les jeunes au chaud.

15 juin

Les rondes sonores sont devenues plus fournies. Ce matin, l’escadrille compte une vingtaine d’éléments qui répètent inlassablement le même manège. Quelques dizaines de mètres avant de frôler ma façade, leur vol devient plané et plus lent. Les martinets en formation glissent alors élégamment devant mes fenêtres en émettant des cris stridents.

18 juin

Ciel noir et feux clignotants orange au bord du lac : l’orage approche du sud-ouest. Je crains que, surpris par le mauvais temps, Bise et Azur aient pris la fuite en abandonnant leurs petits pour la nuit. La vie des poussins serait en danger : à cet âge, la chaleur parentale est encore indispensable. Les coups de foudre et de tonnerre déchirent le ciel quand les parents reviennent enfin au nid, à neuf minutes d’intervalle. Quelle maîtrise du vol pour viser l’entrée du nichoir au milieu des rafales !

20 juin

Les jeunes sont couverts de duvet. Et les fourreaux des grandes plumes ont traversé leur peau. Ils font la sieste dans une piaule grouillante de parasites. Mais bizarrement, malgré 25 à 40 nourrissages par jour, le nichoir n’est pas une latrine tapissée de crottes. Les adultes feraient-ils le ménage ? ( 4. Gestion des fientes )

4. Gestion des fientes

20.06.20 13:17:34 Un jeune expulse une fiente contenue dans une sorte de membrane gélatineuse : le sac fécal. A noter, la présence de plusieurs mouches parasites Crataerina pallida.

20.06.20 13:34:42 Après un nourrissage, un adulte remarque le sac fécal. Sans aucune hésitation, il le saisit dans son bec et l’avale.

72 %

Telle est la teneur en eau dans les fientes des poussins. En les mangeant, les adultes font d’une pierre trois coups. Ils récupèrent l’eau et aussi les nutriments non digérés par un passage dans l’intestin encore peu performant des jeunes… et gardent le nid propre. Cet amuse-bouche leur couperait aussi l’appétit, les poussant à concentrer leurs efforts sur la capture de proies à l’intention de la nichée.

21 juin

Comme pour célébrer l’été qui a commencé, hier soir à 23 h 43, de jeunes martinets effleureurs ont ouvert le bal devant la colonie. Parmi eux, il y a peut-être Vanessa, Giulio, Claudia, Ennio ou Franco, eux qui ont pris leur envol du même nichoir ces dernières années. Je cède à la tentation et saisis un oiseau à la main lorsqu’il vole en surplace devant la fenêtre. Pas de bague ! Une courte caresse et je le rends immédiatement au ciel.

23 juin

Hier, un des jeunes a enfin ouvert les yeux lors d’un nourrissage. Le soir, également pour la première fois, les poussins sont laissés tout seuls pour la nuit. Un duvet gris désormais suffisamment épais les protégera du froid.

Les effleureurs

Attirés vers leur colonie natale par la présence d’adultes nicheurs, des martinets noirs immatures de 2e ou 3e année virevoltent autour des colonies. Comme des marionnettes maniées par des fils invisibles, ces effleureurs frôlent les cavités en vol surplace, s’agrippent parfois aux nichoirs quelques secondes mais sans pénétrer à l’intérieur, puis replongent en arrière, ceci parfois jusqu’à 100 fois par jour.

Un couple de martinets suivi par une caméra pendant toute une saison
©  Alessandro Staehli

5. Les nourrissages

22.06.20 15:01:30 Encore aveugle, le poussin de 13 jours sollicite l’adulte pour obtenir son nourrissage. Il tape du bec sur tout ce qui bouge, ici l’aile de son parent.

22.06.20 15:01:32 Grâce à son bec en entonnoir, il gobe la tête de l’adulte jusqu’aux yeux pour recueillir la balle de petites bêtes. Le nourrissage ne dure que quelques secondes.

Un couple de martinets suivi par une caméra pendant toute une saison
©  Alessandro Staehli

1 000

C’est le nombre de proies comptées dans une seule balle d’insectes apportée au nid par un martinet reproducteur. Contrairement à l’hirondelle qui nourrit sa nichée un insecte à la fois, Apus apus fait le plein de plancton aérien et livre ensuite à domicile de copieux repas à sa progéniture. Les invertébrés sont capturés en vol, agglutinés avec de la salive et accumulés dans la poche sublinguale, qui présente alors une boursouflure très visible. En un seul jour, un couple peut ramener jusqu’à 20 000 petites bêtes.

2 juillet

En une semaine, Grandgousier et Gargamelle ont grandi de manière impressionnante. Ils ont maintenant l’air de vrais martinets. L’habit noir est presque prêt, mais les pennes ont encore un liseré blanc caractéristique du jeune. De plus en plus souvent, un des gros poussins avance vers la sortie du nichoir en disparaissant de la webcam. Le parfum du ciel commence-t-il à se faire sentir ? Il est 20 h 30 quand des bruits violents sortant des haut-parleurs de l’ordinateur me font sursauter. Un prédateur ? Fausse alerte, ce n’est qu’un poussin qui fait de la muscu ! La scène est à la fois un peu comique et terriblement sérieuse. Ne vous exerceriez-vous pas vous aussi avant votre premier marathon au-dessus de la mer et du désert ?

6. Le fitness

02.07.20 20:32:44 Un poussin bat énergiquement des ailes, exercice indispensable pour le développement et l’entraînement de sa musculature.

13 juillet

Rendez-vous est pris pour le baguage des jeunes avec mon ami Marcel S. Jacquat, directeur à la retraite du musée d’Histoire naturelle de La Chaux-de-Fonds et en quelque sorte le papa neuchâtelois des martinets. Mon collègue Jean-Luc Wisard, graphiste de la Revue Salamandre, couvre cette cérémonie naturaliste avec son appareil photo. Ma compagne Joanna se charge de la sécurité.

Un couple de martinets suivi par une caméra pendant toute une saison
© Jean-Luc Wisard

Sachant que les jeunes sont nés respectivement le 7 et le 8 juin et qu’ils quittent le nid à l’âge de 42 jours environ, Marcel calcule le jour probable de l’envol : « 7 juin + 42 = 49 juin, soit le 19 juillet pour le premier. Et le 20 pour son frère. » Monsieur Martinets prépare ensuite plusieurs pinces sur la table, un vieux classeur aux coins cornés qui en a vu de toutes les couleurs, une balance digitale et de petits sacs en tissu blanc à l’odeur d’eau de Javel. C’est parti ! Assuré par une corde, je sors sur le bord de la fenêtre, puis j’enfile délicatement mon avant-bras dans le nichoir. Après quelques tâtonnements, je saisis le premier martinet et l’introduis dans un sac en tissu immédiatement pris en charge par Marcel. Le second jeune suit. Puis, dans mon salon transformé en station de baguage, le spécialiste mesure la longueur de l’aile du premier individu et le pèse : « 162 mm pour 51 g : il a presque déjà la bonne taille, mais il est encore trop lourd » (> Jeûner pour voler). Il retire ensuite une bague en aluminium d’un collier en plastique et, avec des gestes sûrs et rapides, il la ferme autour de la patte droite de Gargamelle. « Depuis 1968, j’en ai bagué plus de 4 500 ! »
Grandgousier a un poids équivalent mais est légère­ment plus petit. Puis, le chef des opérations me donne le feu vert pour remettre en place les deux jeunes. Nous poursuivons la matinée en baguant les martinets des autres nichoirs, pour un total de six jeunes.

Jeûner pour voler

Jusqu’à l’âge de 35 jours environ et tant que les conditions sont bonnes, les poussins sont nourris à plein régime. Si le froid ou la pluie réduisent la disponibilité en nourriture, les jeunes peuvent alors poursuivre leur croissance jusqu’à l’envol grâce aux réserves accumulées. Si en revanche les conditions demeurent favorables, la fréquence des nourrissages diminue drastiquement pour que les martinets perdent les grammes de trop avant le grand saut.

19 juillet

De retour à la maison après quelques jours d’absence et impatient de savoir si les jeunes martinets sont encore là, je tapote avec les doigts sur le nichoir. En réponse, plusieurs pattes griffues gambadent à l’intérieur. Je vérifie la webcam. Il y a bien deux oiseaux dans le nid : un jeune et… un adulte. Gargamelle aurait donc pris son envol, pile le jour prévu par Marcel ? Je me plonge dans les archives de la webcam pour visionner le moment exact où le martinet disparaît du radar ( 7. L’envol ).

7. L’envol

19.07.20 06:32:20 Les jeunes sont encore au nid mais l’ambiance est survoltée. L’un d’eux bat furieusement des ailes et tourne en rond en s’approchant de la sortie.

19.07.20 07:15:20 Bise arrive au nid. Un jeune quémande son petit déj’ avec insistance, mais la poche sublinguale du parent est vide. Ce n’est qu’une simple visite de courtoisie.

19.07.20 07:18:06 Avec Bise qui lui colle au dos, Garga­melle avance vers la sortie. Le parent marche subitement en avant et le jeune disparaît. Sa mère l’a-t-elle poussé ?

20.07.20 12:16:09 Le lendemain, le jeune restant est encore nourri à quelques reprises. Négligé par ses parents, il s’envolera deux jours plus tard.

20 juillet

Grandgousier est encore nourri deux fois en mode fast-food. L’après-midi, le nichoir devient un sauna et le jeune ouvre grand le bec pour ventiler, mais ne semble pas particulièrement pressé de s’en aller. En fin d’après-midi, Azur arrive au nid comme une tornade pour un nourrissage. C’est probablement ma dernière chance pour m’assurer de sa réelle identité. Ni une, ni deux, je sors sur le bord de la fenêtre avec ma compagne qui me tient par la ceinture. J’ouvre le portillon du nichoir et capture l’adulte tout en bouchant le trou d’envol pour éviter que Grandgousier s’échappe. Je calme l’oiseau qui me plante ses serres dans la peau et vérifie le code de la bague : S193412… c’est bel et bien Azur ! Vite, je le laisse repartir. A l’année prochaine pour de nouvelles émotions !

21 juillet

Temps maussade, successions d’orages avec de la grêle. Grandgousier alterne longues siestes et brefs entraînements. Comme un avion à réaction qui s’échauffe dans un hangar, il s’exerce en faisant voler brins d’herbe et plumes dans le nichoir, sans se soucier de ma webcam qui ramasse un coup de rémiges après l’autre. On dirait qu’il sait que son baptême de l’air ne lui offrira pas de seconde chance…

22 juillet

Le soleil revient et les échauffements de Grandgousier reprennent avec vigueur. A 12 h 56’28’’ très exactement, le cadet franchit le trou de lumière. Adieu nichoir ennuyeux, bienvenue ciel immense ! Et maintenant, cap sur le Congo à la poursuite de l’été, en compagnie d’innombrables autres martinets. Bonne chance et longue vie à toi, prince du ciel.

Nuit protectrice

Dans la grande majorité des cas, les jeunes s’envolent du nid au crépuscule, surtout entre 21 h et 22 h. On suppose que le martinet tire profit de l’obscurité lors de ses premières heures de vol pour échapper aux griffes des faucons et autres éperviers.

Cet article fait partie du dossier

Martinet, l’oiseau qui ne s’arrête jamais

Couverture de La Salamandre n°263

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 263  Avril - Mai 2021, article initialement paru sous le titre "Brise & Azur, le feuilleton"
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