White Friday avec le lièvre variable

Hier, c’était le white Friday.

Je prépare ma sortie en regardant la météo, les webcams de la région et les éphémérides. Il faut que je me lève à 5 h. Au réveil, 2°C et fine pluie. Là-haut, ce sera le plein hiver. Je rejoins la petite route censée de me permettre d’atteindre un alpage à 1 700 m, mais après le dernier village la chaussée est complètement gelée et enneigée. Mon véhicule fait du surplace. Je mets les chaînes.

Le soleil s’est déjà levé, toutefois il n’atteindra pas cette pente nord-est. Chargé comme un mulet, je commence à monter. A part un groupe de 18 chamois, il n’y a personne. Je repère plusieurs pistes de lièvre variable et des traces de lagopèdes. Sur quoi miser ? Dilemme ! J’opte pour les premières. Très vite, le sol devient si glissant que je peine à progresser. Vers 2 000 m, je décide alors de mettre les crampons pour m’accrocher à l’espoir de trouver cet animal mythique. Le jeu de pistes reprend et se transforme en un labyrinthe infernal. Le blanchon est monté, descendu, a zigzagué vers le pierrier et puis est revenu sur ses pas 50 m plus haut. J’essaie de suivre et d’anticiper la fin de ses pérégrinations nocturnes aux jumelles pour épargner de précieuses énergies. En fin de matinée, la chance et l’expérience me font cadeau d’un magnifique lièvre blanc blotti sous un rocher ! Le bonheur. J’enfile ma grosse doudoune et l’approche très lentement, non sans difficulté en raison de la topographie accidentée. Gîté à mon tour derrière un bloc, je passe 4 h à l’observer et à le photographier.

Tout n’est que glace, neige, ombre et gel. Alors qu’il m’aura fallu mettre les chaînes et les crampons, fatiguer la chance pour espérer le mériter et frissonner pour garder mes orteils réveillés, lui, il est naturellement là. Avec ses raquettes à neige à la place des pieds, parfaitement adapté à la survie dans ce royaume de froid et de silence. La haute montagne est certes un milieu hostile, manifestement pas pour tout le monde. Immense respect et profonde admiration pour cette créature magique à l’allure sympathique de gros lapin blanc.