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Je m’abonneComment réussir un affût ?
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Automne
Laurent Willenegger nous emmène sur ses traces et nous livre astuces et bons plans pour réussir cet exercice d'équilibriste : voir sans être vu, et surtout sans déranger. C'est ce respect du sauvage qui conditionnera le succès de votre affût.
Choisir l'endroit et la bête
Où s'installer? Question cruciale. Pour cette rubrique, j'ai sélectionné une lisière de forêt en plaine, début avril, avec ses abords d'herbe fraîche, fort appétissante pour les chevreuils. En affût, on vise toujours une espèce ou un endroit particulier, c'est fondamental. Après, il y a toujours des surprises... En journée, repérer les traces d'animaux ; en soirée, commencer les observations à distance aux jumelles.
Au calme, loin des hommes
J'ai choisi un site calme, loin des routes et des chemins, à l'écart des randonneurs, des chiens et des maisons. Il n'y a rien de plus désagréable que de voir surgir un importun après deux heures passées à attendre ! Evitez les périodes de chasse, cela peut se révéler dangereux pour vous.
Repérage du lieu de l'affût
De nombreuses coulées de chevreuils sortaient des bois tout au long de la lisière. La plus importante se trouvait à la hauteur d'une petite source. Une coulée trahit le passage régulier de mammifères. Au sol se dessine un véritable sentier souvent souligné par une trouée dans la végétation lorsqu'elle franchit une lisière.
Recherchez les traces dans la terre, elles vous renseigneront sur les animaux qui fréquentent régulièrement les lieux.
Un accès discret
Après avoir contourné la zone d'observation, en respectant les limites des champs et des réserves naturelles, je me suis posté à 70 m d'une source, assis contre un arbre pour casser ma silhouette. Je n'étais pas dissimulé vu la distance mais abrité du soleil couchant par une haie. Les animaux devaient sortir loin devant en direction de la source et les courants emportaient ce soir-là mon odeur en arrière de la scène. Anticipez et tenez compte des vents dominants et des courants locaux (l'air frais du soir court en bas des pentes) qui vont charrier votre odeur vers des narines expertes.
Bruit, habits et parfums
Les mammifères sont toujours sur leurs gardes. Il faut soigner tous les détails pour ne pas les alerter. Pas de parfum inutile. Portez de vieux habits sans odeur de lessive et privilégiez les textiles silencieux. Optez pour des couleurs sombres.
Voir
Je surveille toujours d'abord à l'œil nu l'ensemble de mon champ de vision. Une paire de jumelles 10x42, lumineuses et puissantes à la fois, me permet ensuite d'observer les détails. Ne dépassez pas le grossissement 10x (tremblements) et optez pour une ouverture de 40 mm au moins, pour la lumière. L'idéal pour les observations crépusculaires : les 7x56 mm ou 8x56 mm.
Arrivée tôt à l'affût
La nuit était annoncée pour 20h32 ce soir-là. J'étais sur place pour peindre dès 17h30. J'aime être tôt pour m'imprégner de l'ambiance des lieux. Renseignez-vous sur les heures d'aube et de crépuscule et installez-vous une bonne heure avant. Consultez les calendriers : on découvre plus de scènes intenses sous une magnifique pleine lune que par temps couvert.
Retour discret
Je ne suis reparti que lorsque les animaux s'étaient bien éloignés, au fond du pré. Une règle d'or à respecter, tout comme celle de maintenir une certaine discrétion sur vos exploits. N'en parlez pas partout et choisissez vos interlocuteurs (évitez le web !). De nuit, partez en silence, sans lumière ou avec une lampe rouge, ne laissez rien sur place, guettez les bruits sur le retour et chuchotez si vous êtes à plusieurs.
Quel succès attendre ?
Dans ce cas, ce fut une double réussite. Les bêtes ont répondu présent et, surtout, elles n'ont pas été gênées par ma présence. Avec l'habitude, vous cernerez mieux vos chances. Certaines espèces sont réglées comme du papier à musique (chevreuil, blaireau...). D'autres, plus rares, comme le chat sauvage ou le putois, ont des horaires trop nocturnes pour qu'on puisse facilement les observer. Du moment que vous vous postez pour un affût, c'est déjà gagné. Vous êtes dans la nature : place à sa magie !
Entre chien et loup
La tension de l'observateur est à son comble. Le moindre mouvement ou le plus petit bruit sont déclencheurs d'adrénaline ! Apprenez à décoder le raffut d'un merle dans les feuilles mortes ou les mouvements au ras du sol d'une grive. Vous parviendrez à mieux gérer l'espace plein de mystères qui vous entoure. Avec la nuit, notre perception change et ce qui n'était que pierre ou touffe d'herbe se transforme en silhouette de bête que l'on espère tant observer !
Résumé de l'affût en lisière
lundi 4 avril 2011, entre 17h30 et 21h00. Beau, calme et frais (7°C).
- 17h30 : installation, dessin du paysage
- 18h05 : passage d'un busard Saint-Martin
- 18h14 : chants de mésange nonnette, d'hirondelles et de fauvettes
- 19h00 : gros nuages
- 19h07 : dernier vol de bourdons
- 19h09 : aquarelle du lamier terminée
- 19h12 : 2 grives musiciennes au sol
- 19h25 : un geai remonte la lisière
- 19h34 : un merle fouille le sous-bois
- 19h45 : chant du pouillot véloce, début du concert du soir
- 20h00 : coucher de soleil officiel
- 20h07 : un pouillot fitis part en migration nocturne
- 20h13 : un rougegorge me rend visite
- 20h18 : 3 chevreuils sortent à 70 m de ma cachette, pile comme prévu. Nombreuses esquisses
- 20h30 : chevreuils apeurés ?
- 20h32 : crépuscule officiel
- 20h33 : c'est un lièvre qui s'avance vers les chevreuils ! Les voilà rassurés. Jolie scène d'ensemble, tout sauf prévue
- 21h07 : les animaux ont passé la bosse. Nuit noire, je range mes pinceaux.
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Cet article est extrait de la Revue Salamandre